Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris
n°7
Justin Ratel

La règle de l’octave dans les traités d’accompagnement entre 1820 et 1860
Survivance ou réappropriation scolaire ?

Article
  • Résumé
  • Abstract

La disparition de la basse continue aurait pu entraîner l’abandon d’un exercice rattaché à cette pratique : la règle de l’octave. On en observe pourtant la persistance dans de nombreux traités d’accompagnement publiés en France au XIXe siècle. La présente étude cherche à montrer comment et pourquoi ce matériau pédagogique du passé continue à être utilisé par le Conservatoire de Paris, notamment dans le cadre des études d’harmonie et d’accompagnement. Les discours développés sur la règle de l’octave au XIXe siècle permettent de saisir de multiples enjeux de la théorie du langage musical dans un cadre pédagogique. Plus généralement, notre travail cherche à déterminer les différents buts des traités d’accompagnement publiés dans la première partie du XIXe siècle.

Texte intégral

Introduction

Au cours du XIXe siècle, de nombreux traités d’accompagnement au clavier ont été publiés en France. Si la réalisation de la basse chiffrée apparaît alors comme le but le plus souvent partagé par leurs auteurs, certains d’entre eux traitent aussi de la transposition, de l’accompagnement d’un chant, de la danse ou encore de la nécessité pour les chanteurs de pouvoir s’accompagner au piano. Le dépouillement de ces traités a permis d’observer la présence inattendue de la règle de l’octave dans près de la moitié des ouvrages. Cet exercice, longtemps propre aux pratiques pédagogiques du XVIIIe siècle, faisait alors partie intégrante de la formation de l’accompagnateur. Destiné aux instrumentistes polyphoniques et notamment aux claviéristes, il consistait à apprendre l’harmonisation canonique d’une gamme diatonique à la basse, afin de maîtriser les divers enchaînements d’accords et de pouvoir ainsi accompagner les basses non chiffrées. Le fait que les traités d’accompagnement du XIXe siècle présentent toujours cet exercice, alors même que la basse continue avait complètement disparu, est pour le moins surprenant. L’utilisation tardive de la règle de l’octave invite donc à s’interroger sur la continuité des processus d’apprentissage, et sur la manière dont un matériau pédagogique peut être transformé dans le but d’être ajusté à de nouvelles pratiques musicales.

Le corpus réuni pour cette étude est constitué des ouvrages traitant de l’accompagnement au piano. Nous en avons recensé soixante-quatre, publiés à Paris entre 1820 et 1860, auxquels s’ajoutent les nombreux traités d’harmonisation du plain-chant que nous avons exclus pour nous concentrer sur la question de l’accompagnement, dans le double cadre de l’enseignement au Conservatoire de Paris et des pratiques musicales de salon. Par ailleurs, nous avons limité la période étudiée à un moment de relative uniformité des pratiques de l’accompagnement : alors que, jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, la basse continue est un mode d’écriture et d’exécution privilégié, elle est en recul dans la deuxième partie du siècle et a pratiquement disparu au début du XIXe siècle. En 1820, les éditeurs de musique ne publient plus d’œuvres avec pour seul accompagnement la basse non réalisée1. Dès lors, les traités d’accompagnement ont déjà changé de destination et la basse à réaliser au clavier est devenue un exercice scolaire. Au cours de cette période, les frontières entre l’enseignement de l’harmonie et celui de l’accompagnement sont, au Conservatoire de Paris, très poreuses. Cette époque connaît d’ailleurs une lente mutation, qui s’achève symboliquement en 1878 avec le changement notable du contenu du concours de la classe d’accompagnement : les nouvelles épreuves incluront dorénavant la réduction d’une partition d’orchestre, ainsi que la transposition et l’exécution d’un morceau de musique de chambre, en plus des chants et basses donnés qui sont maintenus. Cet ensemble d’épreuves est similaire à celui pratiqué jusqu’à aujourd’hui pour l'entrée en classe d’accompagnement.

Dès lors, la présence de la règle de l’octave dans les traités d’accompagnement de la première partie du XIXe siècle invite à étudier les liens et les écarts entre les pratiques d'apprentissage de l’accompagnement, tel qu’il se réalisait au Conservatoire de Paris, et les ouvrages théoriques publiés au même moment. L’usage de la règle ne faisant cependant pas l’unanimité, certains auteurs critiquent cet exercice et souhaitent sa modification voire son abandon, ce qui permet de mieux comprendre la pensée théorique de l’harmonie dans la première partie du XIXe siècle.

 

Quelques généralités sur la règle de l’octave

Avant de s’intéresser à la règle de l’octave dans les traités d’accompagnement entre 1820 et 1860, il convient de rappeler rapidement son utilité au XVIIIe siècle, afin de mettre en lumière les spécificités de son utilisation au XIXe siècle. Comme l’affirme Thomas Christensen2 (musicologue américain, auteur de plusieurs ouvrages traitant de la théorie de la tonalité aux XVIIIe et XIXe siècles) dans un article qui traite de la règle de l’octave, cette dernière est présente dans la plupart des traités de basse continue tout au long du XVIIIe siècle. Cette règle répond à la nécessité pour l’accompagnateur de pouvoir choisir les accords lorsque la basse n’est pas chiffrée et qu’elle suit un mouvement diatonique3. De plus, Christensen affirme que certains pédagogues ont aussi utilisé la règle comme canevas harmonique permettant de préluder : « the règle became an ideal vehicle for learning the art of improvisation, or as it was variously called, “preluding”, “extempore playing”, or simply, “modulating” » (Christensen, 1992, p. 107). On compte, en effet, beaucoup de manuels et de traités utilisant la règle de l’octave au XVIIIsiècle. En France, les plus connus sont ceux de François Campion et de Michel Corette.

Campion4 présente par exemple la règle comme le plus sûr moyen de trouver les accords à placer sur une ligne de basse. Après avoir appris à jouer les accords dans chaque ton en harmonisant systématiquement chaque degré, en montant et en descendant la gamme, l’accompagnateur doit identifier des passages de ces gammes diatoniques dans les accompagnements, et ainsi placer les accords qu’il a préalablement appris sur les basses non chiffrées. On pourrait dès lors s’attendre à une disparition de la règle dans les traités d’accompagnement du XIXe siècle puisque, comme nous le remarquions plus haut, la basse non chiffrée a disparu à cette époque. Antonin Reicha semble justement penser que la règle doit disparaître des études d’accompagnement puisqu’il écrit au début du XIXe siècle, dans son Cours de composition musicale, que la règle de l’octave « est de si peu de ressource dans la composition pratique qu’elle ne vaut pas la peine d’être discutée dans cet ouvrage. Elle ne serait indispensable que si la Basse était contrainte de marcher continuellement par gammes ascendantes ou descendantes, et qu’il n’y eût pas moyen de prendre plusieurs accords différens sur un même degré » (Reicha, 1816, p. 164).

Pourtant, la disparition de la pratique de la basse continue (excepté dans les solfèges où la basse est toujours chiffrée) n’a pas entraîné celle de l’exercice qui lui était étroitement lié. Dans les traités d’accompagnement parus entre 1820 et 1860, il continue d’être omniprésent sous plusieurs appellations : « gamme des anciens » (formule associant cet exercice à une pratique du passé), « gamme harmonique » ou simplement « règle de l’octave », qui est le nom qui continue à être utilisé par la plupart des auteurs. La règle se présente généralement avec les accords réalisés et présentés dans les trois positions, au moins en do majeur et en la mineur, seuls certains traités la transposant. De manière générale, les auteurs ajoutent une indication de ce type : « Cette gamme harmonique, appelée communément Règle de l’octave, doit être pratiquée dans tous les tons majeurs et mineurs et aux trois positions » (Lemoine, 1835, p. 108). Voici par exemple la manière dont Lemoine présente la règle dans son traité :


	LEMOINE, H., Traité d’harmonie pratique et théorique, Paris, Lemoine, 1835, p. 108.

LEMOINE, H., Traité d’harmonie pratique et théorique, Paris, Lemoine, 1835, p. 108.

Afin de mieux saisir la place de la règle de l’octave dans les traités d’accompagnement qui ont été édités à Paris entre 1820 et 1860, il convient d’observer la proportion d’ouvrages qui présentent cet exercice. Sur soixante-quatre ouvrages étudiés, vingt-neuf reproduisent la règle de l’octave, c’est-à-dire environ la moitié, comme on peut l’observer dans le tableau ci-dessous. Pour mieux saisir cette présence, les ouvrages y ont été classés en fonction de leur but principal. La classification n’a pu être en effet réalisée en fonction des titres, car il s’est avéré que ces derniers ne décrivaient pas forcément la finalité première de l’ouvrage. On remarque ainsi que la règle est particulièrement présente dans deux catégories : les catalogues d’accords et les manuels d’accompagnement de la basse. Cette spécificité peut s’expliquer par le fait que la règle de l’octave est avant tout un exercice construit sur la basse. On remarque encore cette caractéristique par l’absence de la règle dans les manuels d’accompagnement de la mélodie. Les manuels de transposition ainsi que d’accompagnement de la danse ne présentent pas non plus la règle, car leur visée pédagogique n’est pas un apprentissage à partir de la basse.

 

Genre de l’ouvrage

Spécialité de l’ouvrage

Nombre de traités présentant la règle

Nombre de traités ne présentant pas la règle

Catalogues (sans ou avec peu d’explications)

d’accords

6

2

///

de marches

0

1

///

de modulations

0

2

///

d'exemples tirés du répertoire ou inventés

1

1

Ouvrages analytiques et/ou réflexifs

sur la mélodie (analyse et construction)

0

1

///

sur l’harmonie

2

3

Manuels

d’accompagnement de la mélodie

0

6

///

d’accompagnement de la basse

11

3

///

d’accompagnement de la danse

0

1

///

 pour préluder

2

1

///

de transposition

0

2

///

de notions préliminaires à l’étude de l’harmonie

0

1

///

d’accompagnement de la partition

0

1

Manuels d’harmonie écrite 

principalement en vue de l’écriture

1

5

///

avec rudiments d’harmonie au clavier

3

0

Méthodes instrumentales ou vocales

Méthode d’harmonie vocale

1

1

Ouvrage général sur la musique et ses notions élémentaires

 

0

1

Ouvrage inclassable

 

1

0

Recueils d’exercices

 

0

2

Tableaux synthétiques

 

1

1

TOTAL

 

29

35

 

Règle de l’octave et pédagogie

Le débat sur l’utilité de la règle

Dans les traités publiés entre 1820 et 1860, certains auteurs continuent de présenter la règle de l’octave comme étant le moyen de savoir quel accord placer sur chaque note de basse, dans le cas où cette dernière ne serait pas chiffrée. D’autres auteurs insèrent la règle de l’octave sans aucune explication. Doit-on y voir la persistance d’usages plus anciens puisque, comme nous l’avons dit plus haut, une très grande importance était donnée à cette formule au cours du siècle précédent ? À l’inverse, dans certains ouvrages l’exercice joue un rôle essentiel, et il est demandé de le transposer dans tous les tons (il reste généralement présenté seulement en do majeur) et de connaître les accords à placer sur chaque degré par cœur. Enfin, certains auteurs critiquent la place exagérée donnée à cet exercice et invitent à en cesser l’usage. La section qui suit entend éclaircir les différents usages pédagogiques de la règle au XIXe siècle.

Peu d’auteurs énoncent les objectifs pédagogiques de la règle de l’octave. Henri Philippe Gérard, dans son Traité méthodique d’harmonie, fait le choix de décrire « l’utilité » de cette pratique :


	GÉRARD, H. P., Traité méthodique d’harmonie, où l’instruction pratique est simplifiée et mise à la portée des commençants, Paris, Launer, 1834, p. 73.

GÉRARD, H. P., Traité méthodique d’harmonie, où l’instruction pratique est simplifiée et mise à la portée des commençants, Paris, Launer, 1834, p. 73.

Ces observations sont rares dans les traités d’accompagnement publiés entre 1820 et 1860, et cet exemple apparaît donc comme un précieux témoignage de ce qui peut expliquer la présence de la règle dans ces ouvrages. Le lien entre la règle et « l’étude de l’accompagnement » est clairement précisé par Gérard dès le début, et il semble que la règle puisse être pensée comme une introduction à cette étude. Cette façon d’envisager la règle comme première étape de l’étude de l’accompagnement est partagée par Albrechtsberger, qui affirme :

On appelle règle de l’octave, une formule harmonique […]. Une des premières études de l’accompagnateur doit avoir pour objet de se familiariser avec l’usage de cette formule, dans tous les modes, tant majeurs que mineurs (Albrechtsberger, 1830, p. 33).

Il s’agit donc, pour Gérard comme pour Albrechtsberger, d’envisager la règle à la manière des Italiens, puisqu'elle est un des premiers exercices dans les ouvrages traitant des partimenti5. Mais, contrairement à ce que l’on pourrait penser, la règle semble encore avoir une utilité pratique hors de l’apprentissage. En effet, l’auteur précise qu’elle permet de réaliser les basses chiffrées. Cela est étonnant pour un ouvrage qui date de 1834, puisque la basse continue a alors quasiment disparu. La basse chiffrée perdure seulement dans les solfèges, ce qui pourrait donc être un des buts des études. Mais la règle permet aussi de lire les partitions des anciens ou encore la musique d’église, comme le précise Hippolyte Colet, qui conseille en effet à la fin de son ouvrage Partimenti : « On donnera maintenant à l’élève quelques-unes des partitions anciennes dont la basse est toujours chiffrée » (Colet, 1846, p. 300). Si la pratique de la basse continue semble bien appartenir au passé, ou tout du moins être rattachée à des répertoires anciens, elle est bien devenue un exercice pour les élèves accompagnateurs.

Gérard évoque aussi le « naturel6 » de la réalisation de cette gamme et nous rappelle son caractère canonique, qui en fait un enchaînement modèle. De même, il loue « l’unité de ton » : cela nous permet de penser aux différentes harmonisations du sixième degré en descendant, puisque la version de Campion, par exemple, fait entendre un accord +6 sur le la, ce qui produit un fa #, et fait théoriquement sortir de la tonalité, comme nous le verrons plus loin. Enfin, Gérard précise que la règle, si elle est pratiquée aux différentes positions, forme l’oreille de l’élève à « l’harmonie tonale », et permet ainsi à l’apprenti accompagnateur de pouvoir choisir les accords sur les basses non chiffrées. La formation de l’oreille semble bien être un des buts de la pratique de la règle de l’octave, ainsi que l’affirme Clouzet : « Le but de ce Recueil est […] de préparer les Élèves à l’étude de l’Harmonie, en habituant l’oreille à l’effet des accords, en mettant dans les doigts des passages et des marches d’harmonie » (Clouzet, 1854, p. 3). Si la pratique de la basse non chiffrée a alors disparu, on peut penser qu’un auteur comme Gérard, qui est né en 1760, évoque ici ce que lui a permis l’apprentissage de la basse dans sa jeunesse, à un moment où les basses non chiffrées étaient encore publiées. Une dernière hypothèse invite à penser que les basses chiffrées dont parle l’auteur sont en fait devenues de simples exercices scolaires, comme ceux du Conservatoire de Paris (Gérard a d’ailleurs été professeur de chant pendant vingt ans dans l’établissement). Cependant, à l’instar de Reicha, certains auteurs ne partagent pas le point de vue de Gérard quant à l’utilité de la règle de l’octave pour les apprentis accompagnateurs du milieu du XIXe siècle. Ainsi, Giuseppe Concone (professeur italien de chant ayant enseigné à Paris) affirme en 1845 :

Quelques théoriciens exagèrent l’importance et l’utilité de cette formule, et d’autres la regardent comme nulle, attendu la variété qui peut exister dans le choix des accords. Nous pensons que, si les procédés harmoniques de nos jours lui ont ôté son ancienne importance, elle n’en est pas moins encore d’une grande utilité pour les élèves accompagnateurs. Ainsi, ceux qui ne seraient pas encore familiarisés avec les accords essentiels feront un excellent travail en transposant cette formule et en l’exerçant dans tous les tons des deux modes majeur et mineur. (Concone, 1845, p. 75)

Concone établit donc une synthèse entre les opposants et ceux qui prescrivent encore la règle de l’octave. L’auteur note effectivement que les procédés harmoniques du milieu du XIXe siècle sont plus riches que les seuls accords utilisés dans la règle de l’octave. Les enchaînements harmoniques qu'elle propose ne peuvent donc plus servir directement à la réalisation du répertoire. En revanche, pour lui, la règle reste bien utile. Il désigne d’ailleurs le public concerné par l’apprentissage de cette dernière : celui des « élèves accompagnateurs ». Cependant, son but est seulement de se familiariser avec les accords « essentiels ». En d’autres termes, il s’agit de se mettre les accords « dans les doigts », ce qui pourrait être réalisé avec une autre formule harmonique. Les accords ont d’ailleurs été déjà tous présentés auparavant dans la méthode de Concone, il s’agit seulement ici de synthétiser ce qui a été appris et non plus d’apprendre les accords grâce à cette formule. La règle perd donc son caractère immuable avec un choix fixe d’accords, et devient une formule pour pratiquer les accords les plus communs sur le clavier.

 

Les harmonisations simples de la gamme, un retour au passé?

La règle de l’octave n’a pas toujours été pensée comme une formule canonique. En effet, les pédagogues du XVIIe siècle ont cherché différentes solutions pour l’harmonisation de la gamme, comme l’a montré Christensen : « In numerous composition and thorough-bass treatrises of the early Baroque, there are simple chordal harmonization of diatonic scales that served the same function as Campion’s Règle : to provide beginning composer and accompanist a rule-of-thumb for supplying chords above a bass line » (Christensen, 1992, p. 96). Cette pratique est à l’opposé de celle que l’on trouve dans les recueils de partimenti du XVIIIe siècle, puisque ces derniers présentent rapidement la règle de l’octave comme une formule canonique qui sert aussitôt à découvrir l’ensemble des accords. On peut observer un retour à la première pratique au début du XIXe siècle en France, puisque certains auteurs proposent le même processus, mais cette fois avec une visée pédagogique, consistant en une harmonisation de plus en plus complexe de la gamme. Par exemple, Clouzet, dans son Harmonie en exemples ou Harmonie pratique des jeunes pianistes, publiée en 1854, donne dix-neuf harmonisations progressives de la gamme, d’abord à la tierce puis par tierces et sixtes, et ensuite par accords consonants :


	CLOUZET, P. A., L’Harmonie en exemples ou Harmonie pratique des jeunes pianistes, Recueil d’accords, de modulations, de progressions ou marches d’harmonie, etc. pour servir de préparation à l’étude de cette science, Paris, Gustave Marquerie & Cie, 1854, p. 5.

CLOUZET, P. A., L’Harmonie en exemples ou Harmonie pratique des jeunes pianistes, Recueil d’accords, de modulations, de progressions ou marches d’harmonie, etc. pour servir de préparation à l’étude de cette science, Paris, Gustave Marquerie & Cie, 1854, p. 5.

Le procédé de Clouzet s’inscrit dans une perspective pédagogique. Il s’agit d’amener l’élève à acquérir la règle de l’octave en décomposant les accords en éléments plus simples, puis en ajoutant les difficultés les unes après les autres. Cette volonté de séparer les éléments de l’apprentissage (commune à la pédagogie instrumentale à la même époque à Paris7) est clairement exprimée par plusieurs auteurs de traités, comme le note Chevé :

On ne doit jamais présenter à l’esprit deux difficultés à la fois. Or, […] on lui donne à faire trois opérations intellectuelles à la fois : trouver le nom de la note, lui appliquer le son qui lui convient, enfin donner à ce son une durée déterminée (Chevé, 1856, vol. 1, p. 13).

Les harmonisations simples rappellent aussi les pédagogues dont parle Christensen et qui avaient formé la règle de l’octave deux siècles plus tôt. Après l’étude des dix premières gammes, Clouzet donne la règle de l’octave dans plusieurs versions : « d’après Fétis », « d’après Henry Lemoine », avec « terminaison à l’italienne ». Il propose ensuite d’autres harmonisations de la gamme avec des retards. Ici, la règle de l’octave n’est pas présentée comme une formule immuable que l’élève doit apprendre, mais bien comme une des multiples harmonisations de plus en plus complexes présentées dans le chapitre. Elle a dès lors perdu son caractère canonique.

 

La règle de l’octave : un moyen de choisir les accords?

Un des objectifs pédagogiques de la règle de l’octave au XVIIIe siècle était de pouvoir déterminer l’accord à placer sur chaque note en fonction de sa position au sein d’une gamme donnée. Cet objectif est d’ailleurs clairement précisé dans le Dictionnaire de Castil-Blaze :

Règle d’octave : Formule d’harmonie établie d’après la force mélodique des cordes de l’échelle. Cette formule tend à donner à chacune de ces cordes l’harmonie qui lui est propre quant à elle-même, et en raison de celle qui la précède et de celle qui la suit (Castil-Blaze, 1825, p. 204).

On retrouve cet objectif chez plusieurs auteurs entre 1820 et 1860. Dans l’exemple suivant, Pierre-François Moncouteau détermine les chiffrages possibles pour chaque note du ton. Contrairement à la tradition de la règle de l’octave, il ne donne pas une harmonisation canonique de la gamme mais les différentes possibilités réalisables sur chaque degré. Cependant, la finalité est bien la même puisqu’il s’agit de proposer un chiffrage pour chaque note, exactement comme dans la règle de l’octave. Ce qui change est la façon d’amener l’élève à connaître ces chiffrages :


	MONCOUTEAU, P. F., Traité d’harmonie, contenant les règles et les exercices nécessaires pour apprendre à bien accompagner un chant, Paris, Alexandre Grus, 1845, p. 11.

MONCOUTEAU, P. F., Traité d’harmonie, contenant les règles et les exercices nécessaires pour apprendre à bien accompagner un chant, Paris, Alexandre Grus, 1845, p. 11.

L’approche proposée par Moncouteau est permise par le fait que les auteurs, à la même époque, sont nombreux à présenter les accords comme des entités en soi et non plus comme pris dans un enchaînement contrapuntique. Cette manière de présenter les accords comme des objets indépendants s’oppose aux pratiques du XVIIIe siècle : les traités présentaient alors systématiquement les accords au sein d’enchaînements harmoniques. L’ancienne façon de présenter les accords continue d’être pratiquée au XIXe siècle mais devient marginale. Ainsi, Daniel-François-Esprit Auber, présentant un ouvrage de François Bazin dans le rapport du comité des études du Conservatoire de Paris, précise : « l’auteur oblige l’élève à écrire isolément chaque accord, c’est-à-dire sans aucun enchaînement » (Bazin, 1857, p. V). Moncouteau s’inscrit donc dans cette logique, puisque dans son ouvrage chaque note est traitée indépendamment, contrairement à ce qui se produit avec la règle de l’octave, qui oblige à raisonner par ensembles cohérents.

 

La règle de l’octave et la simplification théorique

De nombreux auteurs souhaitent une simplification de la théorie de l’harmonie. Cette volonté est à mettre en lien avec les publics visés puisque cette promesse de simplification permet d’atteindre un lectorat plus large, et notamment les amateurs8. Certains auteurs comme Degola9 ou Poisson10 affirment ainsi que l’harmonie se réduit à trois accords :

tout y est traité depuis la plus petite chose jusqu’à la plus importante, d’après un système qui n’a rien de commun avec ceux connus jusqu’ici : ce système est contenu tout entier dans trois accords, la tonique, la dominante et la sous-dominante ; tout se réduit là en Harmonie, car il est certain qu’on peut accompagner toute espèce de morceaux de musique, depuis la première note jusqu’à la cadence finale, rien qu’avec ces trois Accords. C’est cette donnée simple par elle-même qui m’a fourni la pensée de faire rapporter tout à ce point central, et c’est le développement de ce même principe qui forme la base de ce traité. (Poisson, 1838, p. 2)

Poisson présente le fait de ne considérer que trois accords comme un système complètement nouveau. Pour autant, il utilise la règle de l’octave pour montrer que son système suffit pour connaître tous les accords remplissant le rôle de « tonique », « sous-dominante » et « dominante » qu’il propose d’utiliser.


	POISSON, T. R., L’Harmonie dans ses plus grands développements, op. cit., p. 16.

POISSON, T. R., L’Harmonie dans ses plus grands développements, op. cit., p. 16.


	Ibid., p. 17.

Ibid., p. 17.

Poisson se sert donc dans cet exemple de la règle de l’octave afin de proposer une analyse harmonique. Il montre que cette harmonisation est bien compatible avec son « système », puisqu’elle n’utilise que les accords de tonique, dominante et sous-dominante. Cette volonté de simplification théorique est partagée par de nombreux auteurs qui critiquent la complexité des traités d’harmonie. Victor Derode, par exemple, refuse « de donner à l’élève une foule d’exemples qui ne disent rien à son esprit ; nous avons tâché de lui offrir des idées générales qui, embrassant tous les cas, lui permissent de descendre ensuite sans effort, et de lui-même, à toutes les applications particulières » (Derode, 1828, p. 11). Il s’agit ici du même type de volonté pédagogique que nous avons rencontré plus haut, chez Poisson. Ces auteurs cherchent donc à donner une idée générale que l’élève puisse appliquer : il n’est plus question d’apprendre de nombreux enchaînements sans comprendre leur logique. Ces exemples montrent dès lors une appropriation de la règle par les pédagogues du XIXe siècle : elle est un enchaînement basique de basses qui peut être utilisé pour comprendre le système des accords. Il ne s’agit pas ici de la répéter mais bien de comprendre sa construction.

 

Les positions digitales, une rationalisation de l’enseignement?

Afin de pratiquer la règle de l’octave, comme toute formule harmonique, il faut choisir la note supérieure du premier accord. Par exemple, pour un accord de trois sons à l’état fondamental, on peut choisir de placer la doublure de la basse, la tierce ou encore la quinte au soprano. C’est ce que les auteurs appellent les « positions ». La question de la position ne se pose pas seulement dans la règle de l’octave, les auteurs sont amenés à utiliser voire à créer une terminologie pour nommer les positions dès qu’ils présentent une formule harmonique. On peut observer une volonté de nommer systématiquement les positions digitales des accords dans tous les renversements. Nous avons vu plus haut que beaucoup d’auteurs présentent les accords de manière indépendante ; cette nouveauté se retrouve dans la présentation des positions. Antoine Elwart, dans l’exemple suivant, nomme les positions d’un accord de sixte et de sixte et quarte selon la note placée au soprano :


	ELWART, A., DAMOUR, A. et E. BURNETT, Études élémentaires de la musique depuis ses premières notions jusqu’à celles de la composition, divisées en trois parties : Connaissances préliminaires, Méthode de chant, Méthode d’harmonie, Paris, Bureau des Études élémentaires de la Musique, 1838, vol. 1, p. 445.

ELWART, A., DAMOUR, A. et E. BURNETT, Études élémentaires de la musique depuis ses premières notions jusqu’à celles de la composition, divisées en trois parties : Connaissances préliminaires, Méthode de chant, Méthode d’harmonie, Paris, Bureau des Études élémentaires de la Musique, 1838, vol. 1, p. 445.


	Ibid., p. 446.

Ibid., p. 446.

La volonté de nommer chaque objet musical s’inscrit aussi dans une rationalisation qui va de pair avec ce que nous avons pu observer à propos de l’analyse systématique des difficultés pédagogiques, afin de les vaincre. Certains, comme Elwart, vont même jusqu’à numéroter les positions dans les accords de trois et quatre sons. Il donne dans l’exemple suivant une numérotation pour un accord de neuvième de dominante, ce qui nécessite cinq positions, contrairement à l’accord de trois sons qui n’en compte que trois.


	ELWART, A., Petit manuel d’harmonie, d’accompagnement de la basse chiffrée, de réduction de la partition au piano et de transposition musicale, contenant en outre des règles pour parvenir à écrire la basse ou un accompagnement de piano sous toute espèce de mélodie, Paris, Colombier, 1839, p. 40.

ELWART, A., Petit manuel d’harmonie, d’accompagnement de la basse chiffrée, de réduction de la partition au piano et de transposition musicale, contenant en outre des règles pour parvenir à écrire la basse ou un accompagnement de piano sous toute espèce de mélodie, Paris, Colombier, 1839, p. 40.

Dans ce type d’exemple, les auteurs cherchent à numéroter systématiquement les positions des accords, y compris des renversements. Ces préoccupations témoignent bien d’une volonté d’ordonner l’apprentissage11 en nommant précisément chaque objet harmonique. Cette volonté nécessite, comme on a pu le voir plus haut, de penser les accords en tant qu’objets indépendants et non pris dans un enchaînement contrapuntique, comme c’est le cas pour la règle de l’octave, puisque dès le deuxième accord la position aura changé afin de ne pas produire de quintes et d'octaves parallèles. Pour autant, la question de la position est bien souvent liée à la pratique de la règle de l’octave, les auteurs qui présentent dans leurs ouvrages la règle la présentant, en effet, dans les trois positions, en nommant ces dernières. Mais, dans la règle de l’octave, parler de position signifie surtout parler de la note que le claviériste va choisir de placer au soprano sur le premier accord, et qui devra être la même sur le dernier. Il n’est pas question de pratiquer les différentes positions des accords au sein de la règle, puisque ceux-ci découlent naturellement de la position du premier. On peut observer que la question de la position est bien une préoccupation inhérente à la pratique de la règle, puisque dans l’article « Règle de l’octave », Castil-Blaze évoque cette notion :

Plusieurs auteurs de partimenti ont considéré, comme première position, celle où la quinte de l’accord parfait en commençant l’échelle, se trouve dans la partie aiguë ; comme seconde, celle qui a pour note aiguë l’octave ; et enfin, comme troisième position, celle où la tierce est dans l’aigu. Mais la force de la tonalité, qui exige que la partie aiguë se termine toujours sur l’octave de la première note placée dans la basse, a amené toutes les opinions à considérer maintenant, comme première position, celle qui commence et finit avec l’octave dans la partie aiguë. Comme seconde position, celle qui commence avec la tierce ; et enfin, comme troisième position, celle qui commence avec la quinte. (Castil-Blaze, 1825, p. 208)

L’auteur donne ici les trois possibilités pour pratiquer la règle de l’octave. Il affirme que les auteurs semblent avoir trouvé un consensus autour de la numérotation, la première position est nommée ainsi parce qu’elle permet de terminer avec la tonique au soprano. Cette numérotation est en effet choisie par la plupart des auteurs. Dans l’exemple suivant, on observe que Kalkbrenner présente lui aussi ce choix de numérotation. De plus, on voit bien que c’est la première et la dernière note du soprano qui sont prises en compte, puisque l’accord de tonique au sommet de la gamme n’est pas dans la position du premier ni du dernier accord (pour la première position, cet accord est composé de do, do, mi, et sol au soprano).


	KALKBRENNER, F., Traité d’harmonie du pianiste : Principes relationnels de la modulation pour apprendre à préluder et à improviser, exemples d’études, de fugues et de préludes pour le piano, Paris, l’Auteur, 1849, p. 30.

KALKBRENNER, F., Traité d’harmonie du pianiste : Principes relationnels de la modulation pour apprendre à préluder et à improviser, exemples d’études, de fugues et de préludes pour le piano, Paris, l’Auteur, 1849, p. 30.

C’est donc bien la position du premier accord qui semble déterminer sa numérotation. Contrairement à ce qu’affirme Castil-Blaze, la numérotation n’est pas la même chez tous les auteurs de traités du début du XIXe siècle. On ne trouve aucun auteur qui numérote comme première position celle de la tierce au soprano. En revanche, on peut observer que la position avec la quinte au soprano est parfois nommée « première position ». C’est le cas chez Joseph Agricole Moulet :


	MOULET, J. A., Leçons d’harmonie et d’accompagnement au moyen du Cycle harmonique, tableau qui contient tous les accords dans tous les tons, Paris, Jouve, 1821, p. 10.

MOULET, J. A., Leçons d’harmonie et d’accompagnement au moyen du Cycle harmonique, tableau qui contient tous les accords dans tous les tons, Paris, Jouve, 1821, p. 10.

La référence, pour la numérotation, ne semble donc plus être l’importance de la tonique, qui faisait dire à Castil-Blaze qu’elle devait être nommée première position, mais plutôt l’ordre des notes lorsque l’accord est à l’état fondamental. En effet, la position do-mi-sol est celle de l’accord en position ramassée. Contrairement à Castil-Blaze, Jean-Georges Kastner note, dans sa Méthode élémentaire d’harmonie, que les auteurs ne sont pas d’accord sur la numérotation. Son exemple n’est pas spécifique à la règle de l’octave mais peut s’appliquer à cette dernière :


	KASTNER, J. G., Méthode élémentaire d’harmonie appliquée au piano suivie d’un aperçu de l’accompagnement et de la transposition à l’usage des pianistes, Paris, J. Meissonnier, 1841, p. 45.

KASTNER, J. G., Méthode élémentaire d’harmonie appliquée au piano suivie d’un aperçu de l’accompagnement et de la transposition à l’usage des pianistes, Paris, J. Meissonnier, 1841, p. 45.

Kastner (compositeur d’opéras et théoricien) présente les trois solutions pour numéroter les positions qui peuvent être envisagées avec un accord parfait. En revanche, comme nous le notions plus haut, la troisième version semble théorique, puisque l’appellation de « première position » pour la tierce au soprano ne se retrouve pas dans les ouvrages. En outre, Kastner propose, pour éviter les confusions, de nommer les positions en fonction de la note qui la « caractérise » : au lieu d’être nommées par un numéro, ces dernières porteraient le nom de « position de tierce », « de quinte » ou « d’octave ». Pour autant, cette pratique se retrouve peu dans les ouvrages entre 1820 et 1860 (seul Fétis utilise une terminologie similaire), les auteurs préférant les numérotations chiffrées. On pourrait être tenté de croire que le numéro attribué à la position de la présentation de la règle est déterminé autant par la note supérieure du premier accord que par celle du dernier, comme nous l’avions vu dans la définition de Castil-Blaze. En effet, dans les exemples à quatre voix de la règle de l’octave que nous avons étudiés, ces deux accords sont identiques. Pour autant, un exemple tiré du Nouveau traité théorique et pratique des accords de Louis François Dauprat invite à penser que c’est exclusivement le dernier accord qu’il faut prendre en compte. Dauprat propose une harmonisation à trois voix de la règle : dans ce qu’il nomme « première position », il commence avec la tierce au soprano sur le premier accord (avant de rejoindre la tonique), mais finit bien avec la tonique au soprano.


	DAUPRAT, L. F., Nouveau traité théorique et pratique des accords ou préceptes et exemples d’harmonie et d’accompagnement de la basse chiffrée, Paris, Alexis Quinzard, 1856, p. 131.

DAUPRAT, L. F., Nouveau traité théorique et pratique des accords ou préceptes et exemples d’harmonie et d’accompagnement de la basse chiffrée, Paris, Alexis Quinzard, 1856, p. 131.

La question de la position de départ est aussi présente chez Daniel Jelensperger, mais lui n’utilise pas le terme de « position ». Il présente la règle en proposant deux variantes, qui sont en fait de simples changements de position et aucunement d’harmonie.


	JELENSPERGER, D., L’Harmonie au commencement du XIXe siècle et méthode pour l’étudier, Paris, Zetter et Cie, 1830, p. 135.

JELENSPERGER, D., L’Harmonie au commencement du XIXe siècle et méthode pour l’étudier, Paris, Zetter et Cie, 1830, p. 135.

Cela s’explique par le sens que Jelensperger donne au terme de « position ». En effet, comme on peut l’observer dans l’exemple suivant, la « position » concerne la « distribution des notes » au-dessus de la basse. Cela inclut donc l’espacement des notes et non uniquement la note qui se trouve au soprano :


	Ibid., p. 22-23.

Ibid., p. 22-23.

Jelensperger note, dans l’exemple précédent, les « nuances » que produisent les changements de position. Il laisse cependant le choix au goût du musicien, car une explication serait selon lui trop « fastidieuse ». Il va donc à l’encontre d’une volonté de rationalisation, préférant le jugement de l’oreille. La différence de sens du mot « position » peut s’expliquer par le fait que Jelensperger traite de l’écriture vocale et instrumentale, et non pas seulement du piano comme le font d’autres auteurs. Les différentes « positions » sont évidemment plus nombreuses lorsque l’on écrit pour les voix ou pour les instruments. Cette différente utilisation du terme de « position » montre que, comme pour la numérotation de ces dernières, la terminologie utilisée par les auteurs de traités n’est pas encore fixée dans la première partie du XIXe siècle.

La règle de l’octave apparaît donc bien comme un objet pédagogique privilégié chez les auteurs de traités d’accompagnement entre 1820 et 1860. Ceux-ci l’utilisent pour rationaliser l’enseignement de l’harmonie au clavier, afin de permettre aux élèves d’acquérir une compréhension du système tonal, ce qui leur permet d’énoncer les possibilités harmoniques sur chaque note, mais aussi de prouver que l’harmonie peut être réduite à trois types d'accords. Si la volonté d’analyser chaque élément de l’apprentissage s’oppose de prime abord à l’ensemble cohérent qu’est la règle de l’octave, les auteurs n’hésitent pas à traiter les accords indépendamment avant de les expliquer au sein de la règle, qui apparaît comme un support pédagogique. De plus, la dénomination des positions digitales s’inscrit dans le même élan de rationalisation. Cet élan général est à replacer dans le contexte de la pédagogie musicale au XIXe siècle. En effet, l’institutionnalisation (notamment avec l’exemple du Conservatoire de Paris) et le développement de la virtuosité bouleversent les habitudes pédagogiques et invitent les auteurs à construire un enseignement gradué et ordonné, correspondant à une logique rationaliste. La règle de l’octave est repensée au prisme de cette volonté pédagogique. Cependant, comme nous l’avons évoqué plusieurs fois, la pratique des partimenti12 semble aussi liée à celle de la règle de l’octave. Il nous faut dès lors chercher à comprendre comment les auteurs de partimenti ont influencé les Français dans les pratiques pédagogiques de la règle au XIXe siècle.

 

La pratique des partimenti et la règle de l’octave : influence et réappropriation

La place des partimenti dans les traités français

Gaetano Stella13 a montré qu’en Italie, les partimenti continuent d’être utilisés dans la pédagogie pendant tout le XIXe siècle. Au début du siècle, Choron avait publié en France ses Principes des écoles d’Italie14 qui ont largement participé à la diffusion des partimenti en France15. On observe qu’entre 1820 et 1860 plusieurs auteurs continuent de faire référence aux partimenti. Dans son dictionnaire, Castil-Blaze associe d’ailleurs dans l’article « Règle de l’octave » cette dernière à l’usage français des partimenti :

Quelques amateurs ayant apporté d’Italie les partimenti de Durante, on commença à sentir, avec ces études, tout le charme qui naît de l’unité de la mélodie et de l’harmonie. Les bons maîtres d’accompagnement, fort rares alors, n’employaient plus pour base de leur enseignement, que la règle d’octave dans les trois positions. […] On ne considéra plus la basse fondamentale que comme ce qu’elle n’a jamais cessé d’être, c’est-à-dire la note la plus grave des accords fondamentaux, marchant à une autre note qui la suit selon les lois naturelles de la mélodie, et la disposition des consonances et des dissonances, d’après la règle des trois mouvemens. (Castil-Blaze, 1825, p. 207-208)

L’auteur fait ici l’éloge de la musique italienne après avoir fortement critiqué la musique française. La pauvreté de cette dernière est pour lui imputable aux théories de Rameau et de la basse fondamentale. Pour lui, si les Français ont pu trouver « l’unité de la mélodie et de l’harmonie », c’est grâce à la pratique des partimenti qui se sont diffusés en France et spécialement grâce à l’exercice de la règle de l’octave harmonisée à l’italienne, que les Français ont pu dégager de la théorie de la basse fondamentale. La règle de l’octave ayant précédé Rameau, la période ramiste est pour Castil-Blaze un moment durant lequel les Français se sont éloignés d’une musique empreinte de « la belle simplicité d’harmonie italienne [qui] l’emporta sur le fatras de tant d’ouvrages de théorie » (Castil-Blaze, 1825, p. 208).

Dans les traités d’accompagnement de la première moitié du XIXe siècle, on peut noter deux types d’utilisation du terme partimenti : certains auteurs font directement référence aux compositeurs italiens et reproduisent ainsi intégralement des partimenti dont ils proposent parfois des réalisations16. Ainsi, Hippolyte Colet, dans son ouvrage Partimenti ou traité spécial de l’accompagnement pratique au piano, explique dans sa préface qu’il a « emprunté souvent à Fénaroli, à Sala, enfin aux meilleurs auteurs classiques quelques-unes des Basses qu[’il] donne, [et qu’il a] composé les autres17 » (Colet, 1846, « Préface »). Victor Dourlen18 utilise lui aussi des partimenti d’auteurs italiens et donne un double chiffrage afin de satisfaire aux exigences pédagogiques françaises : « Les chiffres de dessus sont ceux de Sala, ceux de dessous sont ceux employés dans cet ouvrage et adoptés au Conservatoire » (Dourlen, 1840, p. 46). Cette pratique témoigne bien d’une appropriation de la matière pédagogique que sont les partimenti.

François-Joseph Fétis considère pour sa part que les partimenti font partie de la formation nécessaire de l’accompagnateur : « J’ai présenté dans ce court exposé, tout ce qu’un accompagnateur doit savoir pour devenir habile […]. Le plus convenable pour atteindre ce but, est d’accompagner beaucoup les basses des bons Solfèges, les Partimenti de Durante et de Fénaroli […]. Cinq ou six mois de ce travail, bien fait, suffiront pour faire un Accompagnateur consommé » (Fétis, 1824, p. 26). Fétis donne dans son ouvrage des basses « extraites des Partimenti de Durante et Sala19 ». Les partimenti sont pour lui un passage obligé et permettent d’apprendre rapidement le métier d’accompagnateur. Kastner renvoie lui aussi aux partimenti puisqu’il conseille de pratiquer sur les solfèges et les « partimenti de Durante et de Fenaroli » (Kastner, 1841, p. 51). Lemoine présente quant à lui des « Leçons de basses chiffrées et non chiffrées tirées des Partimenti de D. Carlo Cotimacci et Fedele Fenaroli » (Lemoine, 1835, p. 185). Louis François Dauprat20 écrit un « Supplément des partimenti de Fenaroli » qui est utile pour mettre en pratique les connaissances apprises à l’aide de son traité, et présente les partimenti comme une finalité. En revanche, Dauprat ne donne pas les partimenti, mais seulement des indications sur certaines basses, ainsi que des conseils de réalisation, ce qui invite à penser qu’il considérait que ses lecteurs possédaient ou pouvaient obtenir les partimenti en question. Son traité ne s'adresse pas seulement aux pianistes, l’auteur invitant tous les instrumentistes à l’utiliser ; l’harmonie apprise au clavier apparaît alors comme une nécessité pour comprendre la musique. Dauprat prescrit en effet dans son traité l’apprentissage de l’harmonie au clavier pour tous les instrumentistes et note qu’« il n’y a pas assez de Professeurs de Solfège, d’Étude du Clavier, d’Harmonie et de Composition au Conservatoire de Musique, pour que les nombreux Instrumentistes et Chanteurs qu’on y forme, puissent indistinctement prendre part à ces différentes branches des études musicales, lesquelles pourtant devraient être communes à tous » (Dauprat, 1856, p. II). Enfin, François-Louis Perne21, dans son Cours élémentaire d’harmonie et d’accompagnement, utilise lui aussi des partimenti de Fenaroli.

Dans les ouvrages français, on observe une grande prédominance des partimenti de Fenaroli, ce qui peut s’expliquer par la proximité temporelle, puisque ce dernier meurt en 1818 : il s’agit donc de musique contemporaine pour les auteurs de traités. Pour autant, les auteurs français ne citent pas seulement la dernière génération. Giorgio Sanguinetti22, dans son ouvrage sur le partimento, établit des généalogies et classe les auteurs de partimenti en périodes. Les auteurs italiens cités par les Français dans notre corpus appartiennent bien à plusieurs générations, puisque, d’après la classification de Sanguinetti, la génération du « golden age » est représentée par Durante (1684-1755) et la « middle generation » par Nicola Sala (1713-1801), alors que Fenaroli (1730-1818) appartient à la « triumvirate era » (composée par Fenaroli, Paisiello et Tritto, placés tous trois à la tête du Collège royal de Musique de Saint-Sébastien). Les auteurs français ne focalisent donc pas leur choix sur une période, et utilisent autant les partimenti des auteurs plus anciens que de ceux qui leur sont pratiquement contemporains.

Cependant, certains auteurs français emploient le terme partimenti sans aucune référence aux auteurs italiens. Ainsi, Colet, dans un autre ouvrage, l’emploie comme un synonyme de « basse chiffrée » : « La manière d’indiquer les accords par des chiffres s’appelle en italien partimento (basse chiffrée). Cette méthode est aussi ancienne qu’imparfaite ; et ce n’est même que par elle que plusieurs points sont devenus difficiles dans l’étude de l’harmonie » (Colet, 1837, p. 36). Il s’agit donc pour Colet de réformer la manière de chiffrer : il en propose ici une nouvelle, alors que neuf ans plus tard, dans Partimenti, il donne les chiffrages « usuels ». Chez Dourlen, qui utilise dans son ouvrage des partimenti d’auteurs italiens, le terme est aussi utilisé comme simple synonyme de « basse chiffrée » : « Différents partimenti ou basses chiffrées » (Dourlen, 1840, p. 44). Chez Garaudé, le terme est aussi utilisé pour ses propres basses chiffrées qu’il compare à celles des Italiens23. L’usage du terme n’est donc pas réservé aux partimenti italiens, et il semble que les auteurs français en aient fait un synonyme de « basse chiffrée », sans faire nécessairement référence aux auteurs italiens.

L’utilisation du terme partimenti témoigne de l’utilisation par les auteurs français des basses des auteurs italiens sur plusieurs générations, mais aussi d’une appropriation de la matière pédagogique empruntée, puisque les auteurs de traités d’accompagnement de notre corpus donnent des conseils de réalisation, changent les chiffrages, ou utilisent le terme partimenti pour leurs propres basses. La pratique des partimenti, en tant qu’exercice scolaire, semble bien un passage obligé pour les claviéristes d’une part, mais aussi, plus généralement, pour tous les musiciens. Cette utilisation d’une matière pédagogique italienne chez les Français n’est pas un cas isolé : dès le XVIIIe siècle, les solfèges italiens sont utilisés en France ; les Italiens sont, pour les Français, garants d’une tradition pédagogique de l’écriture et notamment du contrepoint, et Cherubini, compositeur italien, est justement nommé directeur du Conservatoire de Paris en 1822.

 

Le moment de l’apprentissage de la règle de l’octave

Les pédagogues italiens accordaient une importance particulière à la règle de l’octave, qui était enseignée très rapidement : « in the Neapolitan tradition the RO was taught immediately after the cadenze » (Sanguinetti, 2012, p. 114). Les Français ne souscrivent pas à cette tradition, puisque leurs traités exposent en général chaque accord avant de présenter la règle de l’octave, qui apparaît alors comme une mise en application de ce qui a été appris, comme nous avons pu l’observer à travers la façon dont les auteurs présentent les accords. Cette différence est d’ailleurs notée par Garaudé :

Quoique j’aie fait mon possible pour donner, en général, à ces partimenti une forme agréable, on appréciera, sans doute, l’extrême difficulté qui entravait mon désir à cet égard ; puisqu’au lieu d’avoir, de suite, à ma disposition, toute espèce d’accords (comme dans les partimenti de Fenaroli, Sala, etc.), le plan de mon ouvrage m’astreignait à composer la plupart des miens seulement avec un, deux ou plusieurs accords. D’ailleurs, comme toute autre science abstraite, l’étude de l’harmonie, surtout dans les commencemens, ne peut être fort récréante, mais on y trouve ensuite des développemens et des résultats d’un si grand intérêt, qu’on est loin de regretter les soins et la persévérance que les premiers travaux ont dû exiger. (Garaudé, 1835, p. 3)

Garaudé présente donc dans son traité chaque accord, puis les met en application avec des basses chiffrées qui s’astreignent à n’utiliser que les accords connus. Il est ainsi conscient que ses partimenti sont moins plaisants que ceux des Italiens. Les siens constituent bien une abstraction pédagogique, puisqu’ils ont perdu leur lien avec la pratique concrète de l’accompagnement, et n’ont de valeur qu’à titre d’exercice. On retrouve ici l’idée évoquée plus haut à propos de l’usage du terme partimenti : Garaudé l’utilise pour ses propres basses chiffrées, sans que ces dernières n’aient été composées par les maîtres italiens. De plus, certains auteurs comme Colet présentent des partimenti qui permettent justement de mettre en application la règle de l’octave. En effet, ses « Exercices sur la règle d’octave24 » sont en fait des basses chiffrées pour apprendre à utiliser la règle.

Nous sommes donc face à deux conceptions complètement opposées dans la manière de penser l’apprentissage : certains auteurs comme Clouzet préfèrent que les élèves apprennent sans les comprendre les enchaînements comme la règle de l’octave, la compréhension venant bien après. Ainsi, Clouzet affirme en couverture de son ouvrage : « On ne doit enseigner les règles aux élèves que lorsqu’ils ont acquis la connaissance des faits, car les règles ne sont que le résumé des faits » (Clouzet, 1854, Couverture), ou encore : « On doit apprendre l’Harmonie comme on apprend sa langue : la pratique avant la théorie » (ibid., p. 3). À l’inverse, d’autres auteurs critiquent de façon virulente la pédagogie par la répétition sans compréhension des lois générales :

Ainsi, lorsque la nature nous a accordé du génie, lorsqu’on est bien conduit, lorsqu’on travaille sérieusement et assidument, ce n’est qu’après huit années que l’on commence à se rendre compte de ce qu’on l’on fait ! […] Prenez-y garde ; celui qui a marché huit années consécutives dans les ténèbres est bien près d’avoir perdu la faculté d’y voir en plein jour […]. (Chevé, 1856, vol. 1, p. 38)

Puis, plus loin25 :

que le vénérable Chérubini [...] étudiait encore le contre-point à 70 ans ; […] Jusqu’à quand travailleront donc ceux qui n’ont pas le génie d’Auber et de Cherubini ? Ces aveux sont désespérants. (Chevé, 1856, vol. 1, p. 41)

En effet, Cherubini est un défenseur de la répétition de formules, comme la règle de l’octave, qu’il défend ainsi : « Quoique, à la première inspection, il puisse paraître assez étrange que des espèces de phrases toutes faites soient apprises, en quelque sorte par cœur ; nous ferons observer que ces procédés, pour ainsi dire mécaniques, sont journellement d’un utile secours » (Cherubini, 1847, p. 1). Cette prescription fait appel à une conception commune avec l’enseignement instrumental à la même époque : le mécanisme ou la répétition quotidienne des formules digitales. On voit donc bien que les exercices comme la règle de l’octave sont pensés comme le sont les exercices de mécanisme des violonistes ou des pianistes : il s’agit d’apprendre par la répétition sans chercher nécessairement à comprendre ce que l’on fait. Dauprat prescrit par exemple le fait « de dire et redire ces exercices en accélérant davantage leur mouvement à chaque répétition. Ils doivent même devenir familiers au point de se graver dans la mémoire » (Dauprat, 1856, p. 20) : cette phrase pourrait se trouver dans une méthode instrumentale de la même époque26. On voit donc qu’un ensemble d’auteurs pense l’apprentissage de l’accompagnement exactement de la même façon que l’apprentissage des instruments : par la répétition de formules.

 

La règle de l’octave pour préparer à l’écriture vocale

Clotilde Verwaerde note qu’« [i]l est toutefois nécessaire de délimiter l’emploi des partimenti par les harmonistes français et leur place dans la pratique : ces basses chiffrées ne constituent qu’un exercice harmonique, loin de toute subordination à une partie soliste » (Verwaerde, 2015, p. 344). En effet, on peut voir qu’un ouvrage comme les Partimenti de Colet présente bien leur réalisation au piano comme une préparation à l’écriture instrumentale et vocale :

Dans les écoles d’Italie, on ne réalisait ces basses que sur le Piano, la main gauche jouait la basse, et la main droite plaquait les accords ; ces exercices étaient donc préparés pour l’étude de l’accompagnement : aujourd’hui, on écrit sur les basses trois parties vocales, et plus rarement deux ou une. (Colet, 1846, p. 92)

Colet est donc conscient que l’usage des partimenti a changé et que la pratique italienne ne coïncide plus avec ce qu’en ont fait les Français. Dans sa préface, il explique que la pratique au piano des partimenti permet de mieux connaître les accords, mais que la finalité est non seulement l’écriture vocale, mais aussi orchestrale : « Les exercices au piano rendent l’élève plus familier avec l’emploi des accords et avec toutes les formules harmoniques ; la réalisation de ses basses avec des parties vocales lui apprend à écrire non seulement pour les voix, mais aussi pour l’orchestre » (Colet, 1846, Préface). De plus, on constate bien le rapport à l’écriture vocale et instrumentale à la fin du traité de Colet. Bien qu’il soit nommé Partimenti ou traité spécial de l’accompagnement pratique au piano, l’auteur place, à la fin de son ouvrage, de nombreuses copies d’élèves du concours du Conservatoire de Paris ayant obtenu des premiers prix. Ces copies se présentent sous la forme de réalisations de quatuors vocaux ou à cordes. Cela est d’autant plus surprenant que Colet ne donne aucun exercice d’harmonie écrite dans son traité. Pour lui, les partimenti réalisés au piano sont donc une préparation à l’harmonie écrite. Colet était par ailleurs professeur de contrepoint et d’harmonie écrite au Conservatoire de Paris, ce qui explique la visée pédagogique qu’il donne aux partimenti.

Il semble donc que la pratique de l’accompagnement soit une première étape avant l’apprentissage de l’harmonie écrite, elle-même étant une étape du chemin menant à la composition. Johann Georg Albrechtsberger affirme ainsi que « l’étude de la basse chiffrée est le premier degré de celle de la composition à plusieurs parties » (Albrechtsberger, 1830, p. 1). Elwart évoque aussi l’idée que l’accompagnement et l’apprentissage du piano préparent à l’harmonie et par la suite à la composition : « il sera à même de joindre l’accompagnement, et de se donner une idée fixe des bases de l’harmonie, premier pas vers la science de la composition qui sera l’objet de notre troisième partie » (Elwart, Damour et Burnett, 1838, p. 160).

Dès lors, il semble bien que les exercices d’accompagnement que sont les partimenti ou les basses chiffrées pratiqués au piano, soient bien un exercice purement scolaire qui trouve sa place dans la pédagogie de la musique au XIXe siècle. Mais, pour bien comprendre cet état de fait qui a été relevé dans les ouvrages théoriques, il faut comprendre le rôle du Conservatoire de Paris au sein de cet apprentissage.

 

Les partimenti sans chiffres et la pratique de la basse non chiffrée dans les concours du Conservatoire de Paris

Le lien entre les exercices harmoniques du passé et l’enseignement au Conservatoire de Paris est explicite chez certains auteurs27 : ainsi, Chevé, qui dans ses ouvrages s’oppose à la manière dont on enseigne au Conservatoire, affirme :

notre but n’est point de faire un traité spécial de ces diverses formes d’harmonies […]. Dans notre conviction, ces formes surannées, et presque entièrement abandonnées par les praticiens partout ailleurs que dans les classes des Conservatoires, n’ont pas peu contribué à retenir l’enseignement de l’harmonie dans l’état déplorable où on le voit partout (Chevé, 1856, vol. 2, p. 131).

Chevé relève donc bien que l’enseignement au Conservatoire s’inscrit dans la continuation des pratiques du passé. Cette continuation est pour lui sans rapport avec la musique de son époque. Il critique donc de manière générale la façon dont on apprend l’harmonie, qui s’est éloignée des pratiques musicales.

L’apprentissage de la règle de l’octave permet de réaliser les partimenti sans chiffres, justement un des exercices du passé qui continue à être pratiqué au Conservatoire. En effet, la règle de l’octave permet de choisir l’accord à placer sur une note de basse en fonction de sa position dans la gamme. Ainsi, Victor Dourlen28 donne dans son traité des partimenti sans chiffre : en guise de correction, il donne seulement les chiffres à la fin de l’ouvrage. Cette pratique nous montre que la difficulté pédagogique est bien de savoir chiffrer la basse pour pouvoir l’accompagner. Colet donne lui aussi dans son traité des « Partimenti sans chiffres29 » dont il donne une réalisation. Dans la pensée de ces auteurs, c’est donc bien grâce à la connaissance des partimenti, et parce que les élèves ont au préalable appris à accompagner la règle de l’octave dans tous les tons, qu’ils peuvent réaliser les basses, qui plus est directement au clavier, ce qui demande certains automatismes acquis par la répétition de la formule.

Les auteurs qui utilisent des partimenti dans leurs ouvrages ont tous un lien avec le Conservatoire de Paris30 : Colet, Garaudé, Kastner et Lemoine ont tous été élèves de Reicha. Dourlen a été l’élève de Catel et Fétis celui de Rey. De plus, certains des auteurs qui utilisent des partimenti dans leurs traités (Colet, Dourlen, Garaudé, Lemoine, Dauprat et Perne) ont été professeurs au Conservatoire, seul Kastner n’y ayant apparemment pas enseigné. Il semble donc bien que l’usage des partimenti soit lié à l’institution et à ses concours. On peut penser que cette proximité entre la pratique des partimenti et le Conservatoire s’explique par l’organisation même des études dans cet établissement, les études d’harmonie et d’accompagnement étant constamment liées. En effet, les classes d’harmonie et d’accompagnement furent réunies en 1823 avant d’être à nouveau séparées en 1839 :

En 1823, à la demande de Cherubini, directeur de l’École, on fondit ces deux branches d’études en une seule, afin « de former des élèves à la fois bons harmonistes et bons accompagnateurs ». C’était limiter l’étude de l’harmonie aux seuls élèves qui cultivaient le piano. […] Cet état de choses subsista jusqu’en novembre 1839 où, sous la direction même de Cherubini, l’on revint à l’ancienne distinction comportant, d’une part, l’enseignement de l’harmonie écrite et, d’autre part, celui de l’harmonie appliquée au piano : il n’était plus indispensable d’être pianiste pour entreprendre l’étude de la science des accords. (Basses et chants donnés aux examens et concours des classes d’harmonie et d’accompagnement (années 1827-1900), recueillis par Constant Pierre, 1900, p. v)

Il est intéressant de noter que si les élèves des classes d’harmonie n’ont plus à réaliser d’exercices au piano, ceux d’accompagnement continuent à pratiquer l’harmonie écrite :

Dès le principe, le programme des classes d’harmonie et d’accompagnement pratique comporta l’étude de l’harmonie écrite comme pour les classes d’harmonie seule, et malgré le rétablissement de ces dernières, en 1839, on n’abandonna pas lesdites épreuves écrites. (ibid., p. vi)

Les exercices du concours de la classe d’harmonie « comprennent la réalisation à quatre parties vocales – très exceptionnellement il y en eut pour quatuor instrumental – d’une basse non chiffrée et d’un chant » (ibid., p. 5). Alors que ceux du concours d’harmonie et d’accompagnement pratique comprennent à l’écrit une basse non chiffrée et un chant, les élèves devant en outre réaliser au clavier un autre chant et une basse cette fois chiffrée. On voit bien que la réalisation d’une basse non chiffrée à l’écrit est un exercice très important, puisque tous les élèves, qu’ils soient en harmonie ou en accompagnement, doivent s’y soumettre. On comprend dès lors que les auteurs que nous avons évoqués plus tôt accordent une place importante à l’apprentissage de la règle de l’octave, puisqu’elle permet de trouver l’harmonie sur une basse justement non chiffrée. Colet place ainsi la finalité de son enseignement dans les réalisations écrites, puisque les élèves accompagnateurs doivent s’y soumettre. De plus, on note que les basses à réaliser au piano sont les seules à être chiffrées : il semble donc moins important de savoir placer un accord sur une note de basse directement au clavier, alors que cette compétence était primordiale pour les claviéristes du XVIIIsiècle. Dès lors, dans la première partie du XIXe siècle (comme par exemple dans les ouvrages de Colet), l’accompagnement au piano tel qu’il est enseigné au Conservatoire de Paris n’est pas pensé comme une finalité, mais bien comme un moyen. L’apprentissage de la règle de l’octave au clavier permet, comme le dit Colet, de se familiariser avec les accords et d’acquérir des automatismes qui seront particulièrement utiles pour la pratique de l’harmonie écrite. Si la règle a donc perdu son utilité première qui était, au XVIIIe siècle, de réaliser les basses non chiffrées, elle devient au XIXe siècle un exercice privilégié par le Conservatoire de Paris pour les exercices des classes d’harmonie et d’accompagnement. Il semble donc bien que l’on puisse parler, dans ce contexte, de conservation par l’école d’une pratique ayant disparu par ailleurs.

 

Réflexions et changements : la règle de l’octave par les auteurs du XIXe siècle

Nous avons vu jusqu’ici que la règle de l’octave est généralement pensée par les auteurs comme un exercice du passé, qui se perpétue au Conservatoire de Paris. L’opposition entre les auteurs souhaitant suivre les pratiques pédagogiques des anciens, et ceux souhaitant les renouveler, est explicitée en avant-propos de l’ouvrage de Victor Derode :

Il n’y a, en effet, que deux partis à prendre : il faut suivre fidèlement les traces des anciens, et se déterminer à n’être qu’un écho insignifiant, ou bien frayer une route nouvelle, et voir s’élever contre soi toute la résistance que fait naître une longue habitude, et se résigner à être taxé de présomption toutes les fois qu’on se sera trompé. (Derode, 1828, p. viii)

Pourtant, on peut observer que, plutôt que d’abandonner ou de continuer à utiliser la règle de l’octave telle qu’elle se pratiquait au XVIIIe siècle, les auteurs du XIXe siècle vont chercher une adéquation entre celle-ci et les nécessités pédagogiques contemporaines. On assiste ainsi à une transformation de l’exercice.

 

Adaptation de la règle de l’octave aux pratiques d’accompagnement du XIXe siècle

Clothilde Verwaerde31 a montré que les figurations d’accords dans l’accompagnement deviennent une préoccupation pour les auteurs de traités à partir des années 1770, notamment dans les ouvrages de Bemetzrieder, ainsi que dans une méthode anonyme de harpe32 dans laquelle l’auteur propose de nombreuses figurations d’accord. On peut penser que, plus tôt dans le XVIIIe siècle, les figurations étaient proposées par le maître de clavecin pendant la leçon et ne nécessitaient donc pas une mise à l'écrit. Au cours du XIXe siècle, les figurations sont souvent explicitées dans les traités, et sont généralement présentées une fois que les enchaînements harmoniques sont connus sous la forme d’accords plaqués. Un chapitre est souvent consacré à cette pratique, chapitre dans lequel sont présentées les différentes possibilités pour réaliser un enchaînement harmonique. Entre 1820 et 1860, les auteurs qui proposent de telles figurations sont : Elwart, Kastner, Le Carpentier, Gérard, Poisson, Kalkbrenner, Viallon, Billard, Concone, Jelensperger, Panseron, Dauprat, Savard, Barbereau et Moncouteau. On observe cependant que tous les auteurs ne partagent pas la même terminologie. Cette absence de consensus peut s’expliquer par le fait que ces figurations sont, comme nous l’observions plus haut, nouvellement mises à l'écrit. Les auteurs cherchent donc des termes correspondant aux exemples musicaux qu’ils proposent. On peut penser que certains auteurs inventent des dénominations alors que d’autres choisissent simplement la mise à l'écrit d’appellations héritées des maîtres de la basse continue.

Rythme : Elwart33Le Carpentier34 et Poisson35.
Manières d’arpéger : Elwart36 ; « Arpège » chez Dauprat37 et Panseron38.
Accords brisés : Kastner39 (distinction avec les « accords plaqués »), Concone40 et Jelensperger41.
Brisure ou arpège : Viallon42.
Harmonie figurée : Kastner43.
Variante : Kalkbrenner44.
Formules de préludes : Billard45.
Dessin : Moncouteau46.

L’utilisation de figurations rythmiques sur une formule harmonique va être appliquée à la règle de l’octave. On peut penser que le développement de la pratique amateure a poussé les auteurs à écrire les arpèges sur la règle de l’octave. En effet, les maîtres du XVIIIe siècle avaient certainement l’habitude de faire jouer la règle à l’aide d’arpèges, mais le fait que les amateurs soient amenés à travailler seuls (comme le promettent d’ailleurs souvent les titres des traités47) nécessite une mise à l’écrit de cette pratique. On peut dès lors penser que l’on assiste à une forme de standardisation, qui permet aux amateurs d’obtenir un résultat musical au détriment des variantes que pouvait proposer le maître de musique. Dans le même temps, ces figurations apparaissent aussi comme un moyen pour les auteurs d’illustrer de manière différente la règle, qui n’était présentée qu’en accords plaqués dans les traités du XVIIIe siècle.


	PANSERON, A., Traité de l’harmonie pratique et des modulations en 3 parties, Paris, Brandus, 1855, p. 206.

PANSERON, A., Traité de l’harmonie pratique et des modulations en 3 parties, Paris, Brandus, 1855, p. 206.

Auguste Panseron propose ici des arpèges sur la règle de l’octave : il s’inscrit donc dans le renouvellement d’un matériau pédagogique ancien. De plus, le but n’est plus de pouvoir déduire les accords sur une basse non chiffrée, mais de construire un prélude avec un canevas harmonique préétabli. On retrouve d’ailleurs ici l’injonction de pratiquer la règle dans tous les tons. Ce canevas harmonique est d’autant plus utile pour les amateurs, qui ne sont pas forcément capables de construire une structure harmonique pour un prélude.


	GÉRARD, H. P., Traité méthodique d’harmonie, op. cit., p. 70.

GÉRARD, H. P., Traité méthodique d’harmonie, op. cit., p. 70.

Henri Philippe Gérard présente lui aussi des arpèges sur la règle de l’octave. La place donnée à la règle est d’ailleurs plus importante chez cet auteur, puisque la plupart des figurations d’accords qu’il propose sont réalisées sur la règle de l’octave. Notons que les figurations semblent autoriser une certaine liberté dans la position, contrairement aux enchaînements plus « didactiques », puisque l’auteur présente ici un changement de position entre le premier accord et le dernier (voir plus haut sur la question des positions). Il semble alors que l’un des buts privilégiés des arpèges sur la règle de l’octave soit de préluder. Kalkbrenner souhaite justement permettre d’apprendre à préluder48, car cette capacité ne fait plus partie des savoir-faire de la plupart des pianistes, alors qu’un siècle plus tôt, l’improvisation était pratiquée par les claviéristes. Ainsi, Kalkbrenner décrit la marche à suivre qu’il propose comme « une nouvelle manière d’appliquer l’harmonie à des progressions ou suites d’accords, pour apprendre à préluder et à improviser » (Kalkbrenner, 1849, p. 1). La règle de l’octave est justement une « suite d’accords » qui peut permettre d’accéder à ce but. La règle s’inscrit donc dans la nouvelle nécessité d’offrir un canevas harmonique préétabli pour des pianistes qui n’ont plus l’habitude d’improviser. De nombreux titres d’ouvrages évoquent justement la facilité afin de toucher un public amateur, avec l’utilisation de termes tels que : « musique légère49 », « facile50 », « musique simplifiée51 », etc.

 

La règle de l’octave et la prédominance du chant

La pratique de la basse continue était fondée au XVIIIe siècle sur l’accompagnement de la basse : ceci explique notamment l’importance donnée à la règle de l'octave dans les traités qui prennent pour objectif la réalisation d’une basse, comme nous l’avons vu plus tôt. Au cours du XIXe siècle, certains musiciens commencent à se préoccuper de l’accompagnement du chant. Cette préoccupation apparaît bien comme nouvelle et est relevée par les auteurs. Ainsi le comité des études du Conservatoire de Paris note à propos d’un ouvrage de François Bazin qu’il « a eu le mérite de traiter [d]u chant donné mélodique, un point de l’enseignement longtemps négligé dans nos écoles, l’art de trouver la basse de l’harmonie d’une mélodie donnée » (Bazin, 1857, p. v). Henry Cohen va plus loin en affirmant que « [l]a mélodie règne donc aujourd’hui en souveraine, et le rôle de l’harmonie se borne à lui servir de marche-pied pour monter sur son trône » (Cohen, 1854, « Préface »). L’ancienne suprématie de la basse est donc remise en question au profit de la mélodie. Il est intéressant de noter que, dans la première partie du XIXe siècle, les traités52 témoignent d'un intérêt pour la basse comme pour la mélodie, bien que la seconde semble de plus en plus intéresser les auteurs. Dans ce nouveau contexte de développement des pratiques amateurs et d’un intérêt accru pour la mélodie, la règle de l’octave peut servir de base à la construction d’un chant, par exemple dans le cadre d’une improvisation, voire d’une recherche écrite d’invention mélodique : ceci amène à penser la règle de l’octave comme une suite d’accords utilisés pour la construction de mélodies et leur accompagnement.

Jacques-Marin Dauvilliers, qui d’après Fétis a composé seulement des romances et des pots-pourris (deux genres dans lesquels la mélodie prédomine), affirme justement en 1834 que « la musique par excellence sera toujours celle qui sera basée sur la mélodie, avec des accompagnemens qui laisseront entendre le chant, d’accord avec les paroles pour lesquelles il doit être fait, ainsi que la partie principale de tout morceau de musique » (Dauvilliers, 1834, p. 3). S’il place donc la mélodie comme prédominante, on pourrait s’attendre à ce qu’il n’utilise pas la règle de l’octave, qui est construite sur la basse. Cependant, il continue à l’utiliser mais la présente comme un simple canevas harmonique sur lequel on construit un chant. Ainsi, Dauvilliers propose dans son traité deux chants, l’un en majeur et l’autre en mineur : la basse suit une gamme diatonique qui progresse en respectant les accords de la règle de l’octave. Dauvilliers a donc construit son chant en fonction de l’enchaînement harmonique proposé par la règle :


	DAUVILLIERS, J.-M., Traité de composition élémentaire des accords, Paris, Janet et Cotelle, 1834, p. 123.

DAUVILLIERS, J.-M., Traité de composition élémentaire des accords, Paris, Janet et Cotelle, 1834, p. 123.

Cet exemple du chant en majeur témoigne d’une réactualisation de la règle de l’octave. Cette dernière est toujours pensée comme un enchaînement harmonique qui peut servir de base à un morceau mais, comme dans le cas des arpèges, cette nouvelle façon de la présenter semble répondre aux besoins des pianistes accompagnateurs du XIXe siècle, qui peuvent être amenés à accompagner à vue un chant, ou encore à construire une partie mélodique sur un canevas harmonique déterminé, ce que permet justement la règle de l’octave. Malgré l’utilisation de cette règle par les nombreux auteurs que nous avons cités jusqu’ici, celle-ci est dans le même temps critiquée pour sa construction harmonique. Certains auteurs proposent alors des corrections dans le choix des accords.  

 

Corrections harmoniques de la règle de l’octave

Christensen note qu’il n’y a pas de consensus tout au long du XVIIIe siècle sur la façon d’accompagner la règle, excepté sur la première et la cinquième note de la gamme53. Au XIXe siècle, les auteurs ne sont toujours pas unanimes sur le choix des accords, et le consensus que relève Christensen ne semble plus d’actualité. Le choix des accords composant la règle suscite dès lors des débats qui sont inhérents à la manière dont les auteurs de ce siècle pensent la tonalité et les enchaînements harmoniques.


	COLET, H., La Panharmonie musicale ou Cours complet de composition théorique et pratique, 1re édition, Paris, Pacini, 1837, p. 62.

COLET, H., La Panharmonie musicale ou Cours complet de composition théorique et pratique, 1re édition, Paris, Pacini, 1837, p. 62.

Colet fait ici une critique très virulente de la règle de l’octave. Il présente l’harmonisation de la règle comme dogmatique et l’œuvre d’un seul homme : « Delaire » (cette conception s’oppose à celle de Castil-Blaze54). Colet critique le fait qu’elle impose une seule harmonie par degré, alors que certains degrés peuvent en supporter plusieurs. Cette critique est compréhensible à une époque où les compositeurs sont amenés à utiliser « l’harmonie dans ses plus grands développements55 », bien loin des seules harmonies imposées par la règle. Il concède que l’harmonisation de la règle est « harmonieuse », mais elle lui semble imposer une limite au génie de l’harmonisateur. Il critique plus généralement les règles dans l’harmonie qui briment l’inventivité. Plus tôt dans son ouvrage, il relevait l’opposition entre la façon d’apprendre l’harmonie et la musique moderne : « En effet, à quoi servent les études qu’on fait suivre dans l’ancienne école, si on ne sait en faire l’application au genre moderne, et qu’on apprenne seulement de la musique comme on la pratiquait au XVIe siècle, sans savoir de quelle ressource elle peut être pour celle du XIXe » (Colet, 1837, p. 37). Dans le paragraphe que Colet consacre à la règle de l’octave, une autre critique est formulée, cette fois d’ordre pédagogique : le fait que la règle de l’octave utilise des accords renversés et modulants, alors que l’élève est encore débutant. Il souhaite un apprentissage avec « méthode », c’est-à-dire qui procède en allant du plus simple au plus complexe. Or, la règle de l’octave utilise des accords à quatre sons renversés. On retrouve ici la volonté de rationaliser l’enseignement de l’harmonie, déjà rencontrée avec la question des positions digitales, en présentant systématiquement les éléments du plus simple au plus complexe et en les segmentant par difficulté.

De plus, Colet critique le fait que la règle de l’octave utilise des fa # en descendant. Pour lui, cela risque de troubler l’élève qui croit « qu’il accompagne une seule et même gamme ». En d’autres termes, l’élève pense être intégralement en do majeur et est pourtant amené à utiliser un dièse. Le +6 présent sur le la en descendant est donc pensé comme une modulation pour Colet. L’emploi d’une modulation semble éloigner de l’apprentissage avec méthode qu’il préconise. C’est pour ces raisons que l’auteur propose de remplacer l’harmonisation classique de la gamme par une « marche de sixte » qui permet de rester intégralement en do majeur et de n’utiliser que des accords de trois sons.

Il y a bien ici une façon radicalement différente d’envisager l’apprentissage de l’harmonie par rapport à la tradition italienne, qui introduisait la règle de l’octave très rapidement dans le processus didactique. Colet souhaite en effet un enseignement dans lequel chaque difficulté est isolée et qui procède par complexification graduelle, comme c’était le cas chez des auteurs comme Clouzet. Mais surtout, il va plus loin en souhaitant une simplification harmonique par la suppression de l’emprunt en sol majeur. Cette simplification éloigne encore plus la règle de l’octave des pratiques d’accompagnement contemporaines des traités étudiés. Sa construction harmonique est adaptée aux besoins de la pédagogie. Dans cette logique, la règle de l’octave ne pourrait être présentée que comme une synthèse, une fois que tous les accords et le principe de la modulation sont connus et maîtrisés par l’élève.

Fétis évoque lui aussi la présence de l’emprunt au cinquième degré en descendant. Dans son Traité complet de la théorie et de la pratique de l’harmonie, il propose une gamme diatonique harmonisée par des accords « naturels ». Cela l’amène à supprimer la présence du +6 sur le sixième degré en descendant, ainsi que l’accord de sixte et quarte souvent placé sur le quatrième degré en montant, qu’il remplace par un simple accord de sixte :


	FÉTIS, F.-J., Traité complet de la théorie et de la pratique de l’harmonie contenant la doctrine de la science de cet art, 6e édition, Paris, G. Brandus, Dufour & Cie, 1858, p. 85.

FÉTIS, F.-J., Traité complet de la théorie et de la pratique de l’harmonie contenant la doctrine de la science de cet art, 6e édition, Paris, G. Brandus, Dufour & Cie, 1858, p. 85.

Fétis explique à la suite de cet exemple les différences qui existent dans la règle de l’octave :

Les habitudes de modulations que les accords dissonants naturels ont introduites dans la musique, en constituant la tonalité moderne, ont donné naissance à une formule de gamme harmonique généralement adoptée, dans laquelle l’unité tonale n’est pas conservée en descendant ; car on y place la sixte sensible sur le sixième degré, considérant momentanément la dominante comme une tonique nouvelle, et rentrant ensuite dans le ton de la gamme par le quatrième degré, accompagné de l’accord de triton. Cette formule a été appelée par les anciens harmonistes français règle de l’octave ; les Italiens lui donnent le nom de scala armonica, ou simplement scala. (Fétis, 1858, p. 85-86)

Pour Fétis, le +6 sur le sixième degré en descendant est donc bien ce qui supprime « l’unité tonale » : on retrouve l’idée d’unité qu’évoquait Colet. Cette unité paraît être une préoccupation importante pour les auteurs de traités dans la période étudiée. En revanche, le point de vue est ici théorique alors qu’il était pédagogique chez Colet. Il ne s’agit pas chez Fétis de simplifier l’apprentissage, mais bien de construire une théorie cohérente de l’harmonie. La question des « accords dissonants naturels » est d’ailleurs au cœur des traités d’accompagnement du début du XIXe siècle, puisque les auteurs choisissent très souvent ce type de classement pour les présenter. Ils commencent en effet par présenter les accords naturels, avant de présenter les accords dissonants. Cette distinction est héritée de Catel qui, dans son Traité d’harmonie, classe les accords selon qu’ils soient « naturels » ou « composés56 ». Les traités d’accompagnement suivent en général l’ordre de présentation choisi dans le Traité de Catel. Cet ouvrage, adopté au Conservatoire de Paris, va être utilisé tout au long du XIXe siècle57, comme en témoignent ses nombreuses rééditions, qui se poursuivent jusqu’en 193258. Fétis donne aussi un exemple en mineur, puisque la configuration en descendant est différente à cause de l’utilisation du mineur naturel :

Dans le mode mineur, le sixième degré étant un demi-ton plus bas que dans le mode majeur, on ne peut l’accompagner avec la sixte sensible : l’unité tonale n’admet sur ce degré que l’accord de sixte. (Fétis, 1858, p. 86)


	Ibid., p. 86.

Ibid., p. 86.

De plus, Fétis choisit d’accompagner le fa par un simple accord de sixte alors que les auteurs comme Campion utilisent un accord 4/3 avec un si en plus. L’auteur semble refuser cette dissonance, de même que le principe d’un emprunt au cinquième degré. Fétis juge que « cette formule harmonique est incontestablement la meilleure, la plus conforme aux lois de la tonalité ; toutefois, ce n’est pas celle dont l’usage est le plus général » (Fétis, 1858, p. 87). Il est donc conscient que cette version n’est pas la plus usitée (il place d’ailleurs à la suite de cet exemple la version classique de la règle), mais c’est l’unité tonale et la recherche d’une harmonie qu’il juge naturelle qui guident son choix d’accords.

Fétis n’est pas le seul à proposer une harmonisation de la gamme qui ne module pas : Victor Dourlen en propose une autre version. Son harmonisation ne fait entendre que des accords à l’état fondamental, ce qui l’oblige d’ailleurs à utiliser des changements de position. Pour autant, il ne se satisfait pas de cette harmonisation, et on peut donc se demander pourquoi il choisit de la placer dans son ouvrage, si ce n'est pour la condamner, dans la mesure où il s’agissait peut-être d'une harmonisation qui se pratiquait. Néanmoins cette version n’est présente chez aucun autre auteur. Dourlen juge cette harmonisation « dure », car elle fait entendre une suite d’accords diatoniques. Cela lui permet en revanche d’exposer un principe théorique, à savoir que l’enchaînement de deux accords diatoniques est possible seulement si l’un est majeur et l’autre mineur, ou bien si le second module. Il s’agirait ici d’un exemple théorique servant à démontrer un principe musical par un contre-exemple :


	DOURLEN, V., Principes d’harmonie et Tableau général de tous les accords, de leur origine, leur préparation, leur renversement suivis d’un Traité sur la gamme et sur les principales marches des basses, Paris, Pacini, 1824, p. 14.

DOURLEN, V., Principes d’harmonie et Tableau général de tous les accords, de leur origine, leur préparation, leur renversement suivis d’un Traité sur la gamme et sur les principales marches des basses, Paris, Pacini, 1824, p. 14.

On observe donc que la condamnation de l’emprunt à la dominante sur l’accord du sixième degré en descendant la règle répond donc à deux critiques : l’une pédagogique, qui s’inscrit dans la volonté de construire un enseignement gradué, l’autre théorique, qui sous-tend l’idée d’une harmonisation naturelle de la gamme. À l’inverse, d’autres auteurs vont privilégier cet emprunt, et ce même en montant la gamme.

 

Utilisation du fa dièse en montant

Dans sa version classique, la règle de l’octave fait entendre, comme on l’a vu, un accord +6 sur le sixième degré en descendant, ce qui produit en do majeur un fa dièse (emprunt en sol qui se résout sur l’accord de sol suivant). Certains auteurs proposent d’utiliser le même chiffrage en montant :


	KALKBRENNER, F., Traité d’harmonie du pianiste, op. cit., p. 30.

KALKBRENNER, F., Traité d’harmonie du pianiste, op. cit., p. 30.

On voit que Kalkbrenner propose ici une correction sans pour autant donner de justifications théoriques. Il présente d’ailleurs simplement cette correction en écrivant qu’il n’a « jamais pu expliquer » ce choix d’accord. Loin d’un enjeu théorique, il semble bien qu’il fasse appel à son « bon goût ». Il n’hésite pas pour cela à s’exprimer à la première personne. Il propose également une correction du même type en mineur, faisant le choix d’utiliser le mineur mélodique ascendant en montant et le mineur naturel en descendant. De plus, il place un ré dièse sur l’accord du sixième degré, ce qui produit un emprunt au ton de la dominante, comme il est d’usage lors de la descente de la gamme. Notons d’ailleurs que la doublure de la sensible et les octaves parallèles ne semblent pas lui poser problème.


	Ibid., p. 31.

Ibid., p. 31.

Il semble donc que Kalkbrenner cherche à ce que les harmonies de la règle correspondent à son goût. Son idée est de transformer la règle, non pas pour la faire correspondre à sa théorie de la tonalité comme chez Fétis, mais pour s’approcher des enchaînements harmoniques qu’il a l’habitude de pratiquer. Il ne cherche donc pas à reproduire une version canonique de la règle.

 

6/4 sur le cinquième degré

Jusqu’ici, nous avons pu relever des corrections sur les deuxième et sixième degrés de la gamme. Cependant, certains auteurs vont chercher à changer aussi l’harmonie du cinquième degré. Comme le dit Christensen, il n’y avait de consensus au XVIIIe siècle que sur les premier et cinquième degrés dans le choix des accords. Cette affirmation n’est donc plus vraie chez les auteurs français entre 1820 et 1860. En effet, certains auteurs choisissent de chiffrer le cinquième degré en montant avec un accord de quarte et sixte : c’est le cas de Panseron qui donne sa propre version, mais note en dessous que « plusieurs théoriciens » l’accompagnent différemment. Le changement est donc ici effectué sur la cinquième note de la gamme en montant :


	PANSERON, A., Traité de l’harmonie pratique et des modulations en 3 parties, op. cit., p. 107.

PANSERON, A., Traité de l’harmonie pratique et des modulations en 3 parties, op. cit., p. 107.

Panseron justifie sa correction par les fondamentales des accords : en effet, le fait d’enchaîner un accord de sol majeur à un accord de fa majeur produit un mouvement de seconde descendante de la basse fondamentale ; il lui préfère un mouvement de quarte ascendante. On peut y voir une application des théories ramistes qui privilégient les mouvements de chute de quinte. Pourtant, dans son Traité, Rameau harmonise lui-même la règle de l’octave avec un accord de quinte sur le cinquième degré et un accord de sixte sur le sixième59. Castil-Blaze affirme d'ailleurs dans l’article « Règle de l’octave » :

ce n’a été qu’en raison du développement d’un système primordial d’harmonie, dont les fausses interprétations ont été poussées trop loin. On voit bien qu’il s’agit ici de la basse fondamentale : elle n’était qu’une puérile et ridicule application de l’acte de cadence finale. (Castil-Blaze, 1825, p. 206)

Panseron ferait-il donc partie des auteurs qui ont poussé trop loin les théories de Rameau en voulant substituer au mouvement de seconde descendante un mouvement imitant la cadence parfaite ? Néanmoins, le fait de faire appel à la basse fondamentale pour le justifier semble bien démontrer une intégration de certains principes ramistes. Benjamin Straehli affirme à propos du Traité de l’harmonie réduite à ses principes naturels : « La véritable innovation de Rameau dans l’ouvrage consiste à analyser cette suite d’accords en indiquant les basses fondamentales correspondantes, notamment dans le sixième chapitre » (Straehli, 2015, p. 89). Certains auteurs du XIXe siècle perpétuent cette pratique, en plaçant systématiquement la basse fondamentale en-dessous de la basse sur la règle de l’octave, comme on peut le voir dans l’exemple suivant. Mais cela ne se retrouve pas exclusivement avec la règle ; les auteurs notent souvent la basse fondamentale sous les divers enchaînements harmoniques qu’ils proposent.


	DAUPRAT, L. F., Nouveau traité théorique et pratique des accords, op. cit., p. 130.

DAUPRAT, L. F., Nouveau traité théorique et pratique des accords, op. cit., p. 130.

Contrairement à Panseron qui l’utilisait pour justifier son choix d’accords, Dauprat utilise ici cette présentation de la règle de l’octave comme un outil pédagogique. Certains auteurs demandent en effet aux lecteurs de chercher la basse fondamentale d’un enchaînement. L’utilisation de la théorie est donc pensée à des fins pédagogiques, afin de permettre une meilleure compréhension des enchaînements harmoniques. Nicolas Giuliani propose ainsi comme Panseron de chiffrer la cinquième note 6/4, mais justifie son choix d’une manière différente :


	GIULIANI, N., Introduction au Code d’harmonie pratique et théorique, ou Nouveau système de basse fondamentale, Saint-Pétersbourg / Paris, J. Hauer / H. Bossange, 1847, vol. 1, p. 84.

GIULIANI, N., Introduction au Code d’harmonie pratique et théorique, ou Nouveau système de basse fondamentale, Saint-Pétersbourg / Paris, J. Hauer / H. Bossange, 1847, vol. 1, p. 84.

Giuliani considère en effet que la fausse relation qui intervient au moment de l’enchaînement du cinquième vers le sixième degré avec un accord de quinte et un accord de sixte, est une faute, puisque cela fait entendre une fausse relation de triton. Pour justifier son propos, il cite la définition de la fausse relation selon Cherubini :

Ces fautes ne doivent pas se rencontrer dans une gamme destinée, comme règle élémentaire et fondamentale, à faire connaître aux élèves la marche harmonique des accords. […] J’ai promis de prouver que, de l’aveu de Cherubini, la succession diatonique des deux accords de sol et de fa est défendue. Voici ce qu’il dit sur les fausses relations dans son Cours de contrepoint, page 8, règle VII : « On doit éviter entre les parties la fausse relation d’octave et celle de triton. Ces deux relations sont d’un effet dur à l’oreille, surtout celle de l’octave. » (Giuliani, 1847, p. 84-85)

Au-delà de l’enjeu théorique, Giuliani évoque l’enjeu pédagogique, car si l’on présente aux élèves la règle de l’octave comme une formule canonique, elle ne doit pas comporter de fautes. Colet émet la même critique et cite lui aussi Cherubini60 : « les successions suivantes […] sont mauvaises, parce qu’il s’y trouve une fausse relation de triton […] (voyez Cherubini, page 9) » (Colet, 1837, p. 63). Cherubini semble bien être le représentant d’une école61 et d’un style « pur »62, sans fautes de contrepoint, qui ne pourraient être justifiées dans la règle de l’octave. Après son exposé sur les fautes présentes dans la règle, Colet va plus loin en énonçant une critique vive de cette « ancienne » manière d’accompagner la gamme qui est selon lui remplie d’absurdités :

Si on voulait énumérer toutes les absurdités de cette vieille école, on écrirait des volumes entiers, car ces maîtres ont toujours tracé leurs règles d’une manière arbitraire, comme s’ils ne savaient pas que l’oreille ne fait rien par convention. (Colet, 1837, p. 63)

On perçoit bien, à travers l’étude des corrections que proposent les auteurs, que la règle de l’octave est utilisée avec de nouveaux outils. Pour autant, si certains s’opposent aux traditions que défend le Conservatoire de Paris, ce dernier reste bien une référence, et les auteurs n’hésitent pas à citer Cherubini, dernier représentant de l’école contrapuntique italienne, comme le plus sûr représentant d’un style « pur ». Ainsi, plutôt que d’abandonner la pratique d’un exercice qui, en grande partie, ne correspond plus aux besoins pédagogiques contemporains, les auteurs proposent de nouvelles façons de l’envisager. La règle permet ainsi, à l’aide des figurations et de l’invention mélodique des auteurs, de construire des préludes ou des accompagnements de chant qui correspondent au goût de l’époque. Cette réactualisation et les corrections apportées sont autant de manières de se réapproprier un matériau pédagogique du passé. On peut penser que l’ancienne importance de cet exercice amène les auteurs à chercher à le renouveler plutôt qu’à le considérer comme un exercice désuet. Ainsi la règle devient le support d’une rationalisation de l’harmonie mise en œuvre dans les traités théoriques produits par les enseignants du Conservatoire.

 

Conclusion

La présence de la règle de l’octave dans les traités d’accompagnement publiés entre 1820 et 1860 est la conséquence de plusieurs phénomènes historiques majeurs qui affectent la pédagogie musicale au XIXesiècle. Certains auteurs ayant été formés à une époque à laquelle la basse continue était pratiquée par les claviéristes, on observe une perpétuation des méthodes d’apprentissage de l’accompagnement, alors même que les besoins de la discipline ont changé. Ainsi, le Conservatoire de Paris a construit au cours du XIXe siècle une pédagogie qui utilise les exercices anciens et perpétue une tradition contrapuntique et harmonique à la fois issue de la tradition de la basse continue et des maîtres italiens de la fin du XVIIIe siècle. À ce titre, la règle de l’octave faisait partie intégrante de la formation des accompagnateurs. Mais cette présence suscite des débats, dont le principal porte sur l’utilité de la règle parmi la richesse des pratiques harmoniques disponibles au XIXe siècle. Si certains auteurs choisissent d’abandonner la règle, d’autres choisissent de la corriger, de proposer de nouveaux exercices fondés sur elle ou encore de proposer à l’aide de celle-ci une théorisation de la tonalité et des fonctions harmoniques.

Les discours sur l’exercice permettent donc d’observer des débats pédagogiques communs à l’apprentissage instrumental. En effet, la question de la répétition et du travail mécanique de transposition sur un matériau musical, comme c’est le cas dans l’apprentissage de la règle, trouve ses défenseurs et ses détracteurs. Les premiers y voient le moyen le plus sûr de posséder des formules types qu’ils pourront réutiliser à loisir, tandis que les seconds critiquent l’absence de compréhension globale des mécanismes harmoniques et préfèrent proposer des lois générales invitant l’élève à comprendre le matériau plutôt qu’à le répéter. En outre, la règle est aussi repensée en fonction des savoir-faire nécessaires aux pianistes accompagnateurs modernes. Les auteurs l’utilisent alors pour proposer un parcours harmonique simple, qui peut servir à la construction d’un prélude ou d’une improvisation, capacité qui fait à l’époque défaut à de nombreux pianistes.

La question centrale est cependant bien celle de la réappropriation scolaire. Si la règle telle qu’elle se pratiquait un siècle plus tôt ne correspond plus aux besoins professionnels des accompagnateurs du XIXe siècle, on assiste à son implantation dans l’apprentissage de l’harmonie au clavier. Les frontières entre les disciplines que sont l’accompagnement, l’harmonie écrite et la composition sont alors poreuses, notamment au Conservatoire de Paris. À cette époque, il semble que l’accompagnement est pensé comme une préparation à l’harmonie, constituant elle-même une étape sur le chemin menant à la composition. La règle de l’octave est dès lors pensée comme un exercice au sein d’un ensemble pédagogique conçu par l’institution.

Bibliographie

I. Sources

1. Traités d’accompagnement publiés entre 1820 et 1860

AIMON, L., Étude élémentaire de l’harmonie ou Nouvelle méthode pour apprendre en très peu de temps à connaître tous les accords, ouvrage agréé par Méhul, Paris, Nicou-Choron et Canaux, 1839 (2e éd.).

ALBRECHTSBERGER, J. G., Méthodes d’harmonie et de composition, Paris, Bachelier / Institution de Musique religieuse, 1830.

ANDREVÍ, F., Traité théorique et pratique d’harmonie et de composition musicales, Paris, Périsse Frères, 1848.

BAUDOIN, A., Harmonie vocale et instrumentale d’après un nouveau mode d’enseignement, Le Havre, l’Auteur, 1855.

BAZIN, F., Cours d’harmonie théorique et pratique, Paris, L. Escudier, 1857 (2e éd.).

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Notes

1Pour l’analyse des dernières publications de basses continues, cf. VERWAERDE, C., La Pratique de l’accompagnement en France (1750-1800) : De la basse continue improvisée à l’écriture pour clavier dans la sonate avec violon, thèse de doctorat, Université de la Sorbonne, 2015.

2CHRISTENSEN, T., « The “Règle de l’Octave” in Thorough-Bass Theory and Practice », Acta Musicologica, vol. 64, no 2, 1992, p. 91 : « In virtually every eighteenth-century thorough-bass and composition treatrise one finds a series of scale harmonizations figured above all 24 ascending and descending major and melodic minor scales. »

3Ibid. : « The original idea behind Campion’s règle de l’octave […] was to provide the beginning accompanist and composer a simple harmonization that could be applied above an unfigured diatonic bass line. »

4CAMPION, F., Traité d’accompagnement et de composition, selon la règle des octaves de musique, Paris, Veuve G. Adam, 1716.

5GJERDINGEN, R. O., Child Composers in the Old Conservatories : How Orphans Became Elite Musicians, Oxford University Press, 2020, p. 88.

6La notion de « naturel » est présente chez plusieurs auteurs comme Fétis, et est souvent associée à des enchaînements non modulants ou n’utilisant que des accords construits sur la résonance du corps sonore.

7Sur la pédagogie au Conservatoire de Paris, cf. CHASSAIN, L., « Le Conservatoire et la notion d’“école française” », in BONGRAIN, A. et A. POIRIER (dir.), Le Conservatoire de Paris. Deux cents ans de pédagogie (1795-1995), Paris, Buchet-Chastel, 1999, p. 15-27. Sur le travail spécifique au piano et sur la notion d’école française de piano, cf. TIMBRELL, C., French Pianism : A Historical Perspective, Portland, Amadeus Press, 1999 (2e éd.).

8Sur la séparation entre les publics savants et amateurs, cf. LETERRIER, S. A., « Musique populaire et musique savante au XIXe siècle : Du “peuple” au “public” », Revue d’Histoire du XIXe siècle. Société d’histoire de la Révolution de 1848 et des révolutions du XIXe siècle, no 19, 1er décembre 1999, p. 89‑103.

9DEGOLA, A. L., Méthode abrégée et facile pour apprendre à accompagner un chant en harmonie simple et naturelle, pour piano, harpe et guitare, Paris, l’Auteur, 1830. Sur la vulgarisation et les méthodes destinées aux amateurs, cf. CABARROU, A., « “Vulgariser l’harmonie” durant la seconde moitié du XIXe siècle : les méthodes de composition de Bernardin Rahn », La Revue du Conservatoire, no 6, 12 décembre 2017.

10POISSON, T. R., L’Harmonie dans ses plus grands développements présentée sous un jour entièrement nouveau ou Théorie de composition musicale, Paris, l’Auteur, 1838.

11Ce processus est le même dans la pédagogie musicale, qui isole les difficultés afin de les vaincre, comme dans le genre instrumental de l’étude ; cf. CAMPOS, R., « L’étude instrumentale ou quand le travail devient œuvre », La Revue du Conservatoire, no 4, en ligne, consulté le 14 décembre 2015.

12GJERDINGEN, R. O., Child Composers..., op. cit., p. 114 : « A partimento, like a lead sheet, was also notated on a single staff and served to summarize a composition that becomes fully realized in performance. But whereas a lead sheet represents a known composition, a partimento only provides a thread that leads through the phrases, sequences, and cadences of an unknown composition, something that the performer will improvise at the keyboard or write down in a multivoice score. »

13STELLA, G., « Partimenti in the Age of Romanticism : Raimondi, Platania and Boucheron », Journal of Music Theory, vol. 51, no 1, 2007, p. 161‑186.

14CHORON, A., Principes d’accompagnement des écoles d’Italie extraits des meilleurs auteurs, Leo, Durante, Fenaroli, Sala, Azopardi, Sabbadine, le P. Martini et autres, Paris, Imbault, 1804.

15Rosa Cafiero a montré que la pédagogie italienne, et notamment les partimenti, exercent une influence majeure sur les Français de 1750 à 1850 (CAFIERO, R., « The Early Reception of Neapolitan Partimento Theory in France : A Survey », Journal of Music Theory, 2007, vol. 51, no 1, p. 137‑159.

16Pour une comparaison des réalisations entre les auteurs français du XIXe siècle et la tradition italienne, cf. VERWAERDE, C., La Pratique de l’accompagnement en France, op. cit., chap. « Influence et prévalence des partimenti », p. 334.

17Ibid., « Préface ».

18DOURLEN, V., Traité d’accompagnement contenant les notions d’harmonie nécessaire pour accompagner la basse chiffrée et par suite la partition, Paris, Cendrier, 1840.

19Ibid., p. 45.

20DAUPRAT, L. F., Nouveau traité théorique et pratique des accords ou préceptes et exemples d’harmonie et d’accompagnement de la basse chiffrée, Paris, Alexis Quinzard, 1856.

21PERNE, F.-L., Cours élémentaire d’harmonie et d’accompagnement composé d’une suite de leçons graduées présentées sous la forme de thêmes et d’exercices au moyen desquels on peut apprendre la composition vocale et instrumentale, Paris, Dorval, 1822.

22SANGUINETTI, G., The Art of Partimento : History, Theory and Practice, New York, Oxford University Press, 2012.

23GARAUDÉ, A., L’Harmonie rendue facile ou Théorie pratique de cette science et d’accompagnement de la basse chiffrée et de la partition, Paris, l’Auteur, 1835, p. 3.

24COLET, H., Partimenti, op. cit., p. 161.

25Cette seconde citation est extraite d’un article d’Oscar Commettant cité par Chevé.

26HERZ, H., Méthode complète de piano op. 100, Paris, J. Meissonnier, 1838, p. 24 : « Attaquez les notes avec fermeté en commençant par un mouvement lent, et accélerez par degrés, à mesure que le mécanisme devient plus souple. Répétez chaque exercice huit ou dix fois de suite. »

27Pour la structuration de l’enseignement de l’écriture au Conservatoire de Paris, cf. BERGERAULT, A., « L’enseignement du contrepoint et de la fugue au Conservatoire de Paris (1858-1905) », Transposition. Musique et Sciences sociales, no 1, 1er février 2011.

28DOURLEN, V., Traité d’accompagnement…, op. cit.

29COLET, H., Partimenti, op. cit., p. 262 et 271-272 (réalisations).

30PIERRE, C., Le Conservatoire national de musique et de déclamation : Documents historiques et administratifs, Paris, Imprimerie nationale, 1900.

31VERWAERDE, C., La Pratique de l’accompagnement en France, op. cit., p. 259.

32Anon., Méthode de harpe, avec laquelle on peut accompagner à livre ouvert, toutes sortes d’Ariettes et Chansons avec le secours de la basse chiffrée, Paris, Bouin, 1787.

33ELWART, A., Petit Manuel d’harmonie et d’accompagnement de la basse chiffrée, de réduction de la partition au piano et de transposition musicale, Paris, Colombier, 1841 (2e édition), p. 53-56.

34LE CARPENTIER, A., Petit Traité de composition mélodique appliqué spécialement aux valses, quadrilles et romances suivi d’un Aperçu des accompagnements de piano et des premiers principes de l’harmonie, Paris, Heugel, 1843, p. 25.

35POISSON, T. R., De la Basse sous le chant ou L'Art d’accompagner la mélodie et du contrepoint et de la fugue, suite et complément à L’Harmonie dans ses plus grands développements, Paris, Canaux, 1846, p. 34.

36ELWART, A., Le Chanteur-accompagnateur ou Traité du clavier de la basse chiffrée, de l’harmonie simple et composée, Paris, l’Auteur, 1844, p. 53-54.

37DAUPRAT, L. F., Nouveau Traité théorique…, op. cit., p. 116.

38PANSERON, A., Traité de l’harmonie pratique et des modulations en 3 parties, Paris, Brandus, 1855, p. 205.

39KASTNER, J.-G., Tableau analytique de l’harmonie, Paris, A. Meissonnier et Heugel, 1842.

40CONCONE, G., Méthode d’harmonie et de composition, op. cit., p. 102.

41JELENSPERGER, D., L’Harmonie au commencement du XIXe siècle et méthode pour l’étudier, Paris, Zetter et Cie, 1830, p. 85.

42VIALLON, P. J. M., Abrégé harmonique à l’usage des écoles et des cours publics, Paris, [sans éditeur], 1852, p. 37.

43KASTNER, J.-G., Méthode élémentaire d’harmonie…, op. cit., p. 38.

44KALKBRENNER, F., Traité d’harmonie du pianiste : Principes relationnels de la modulation pour apprendre à préluder et à improviser, exemples d’études, de fugues et de préludes pour le piano, Paris, l’Auteur, 1849, p. 12.

45BILLARD, E., L’Art de préluder réduit à sa plus simple expression, Paris, Alex-Grus, 1858, p. 58-61.

46MONCOUTEAU, P.-F., Exercices harmoniques et mélodiques, Paris, Alexandre Grus, 1846, p. 26.

47On peut penser à la formule « sans maître », qui se retrouve dans des titres de traités, par exemple : DASTH, J., L’Art d’accompagner au piano et sur l’harmonium, appris en une leçon et sans Maitre, Toulon, l’Auteur, 1835.

48Sur l’improvisation au XIXsiècle, cf. ORENGIA, J.-L., La Notion d’improvisation dans la musique de piano au XIXe siècle : Éléments de recherche pour une musique de l’instant, thèse de doctorat, Université de la Sorbonne, 2006.

49MARCAILHOU, G., L’Art de composer et d’exécuter la musique légère, quadrille, valse, polka etc..., Paris, Bureau central de Musique, 1852.

50GARAUDÉ, A., L’Harmonie rendue facile..., op. cit.

51BUSSET, F. C., La Musique simplifiée dans sa théorie et dans son enseignement., Paris, Chamerot, 1836.

52Le titre donné par Elwart à son traité est révélateur de l’intérêt à la fois pour l’accompagnement de la basse et de la mélodie : ELWART, A., Petit manuel d’harmonie, d’accompagnement de la basse chiffrée, de réduction de la partition au piano et de transposition musicale, contenant en outre des règles pour parvenir à écrire la basse ou un accompagnement de piano sous toute espèce de mélodie..., Paris, Colombier, 1839.

53CHRISTENSEN, T., « The “Règle de l’Octave” in Thorough-Bass Theory and Practice », art. cit.

54CASTIL-BLAZE, Dictionnaire…, op. cit., p. 204 : « La règle d’octave n’a été inventée par aucun maître en particulier, elle a été donnée par l’impulsion successive que la tonalité moderne a amenée dans l’harmonie. »

55Comme l’indique par exemple le titre de l’ouvrage de Poisson : L’Harmonie dans ses plus grands développements présentée sous un jour entièrement nouveau ou Théorie de composition musicaleop. cit.

56CATEL, C.-S., Traité d’harmonie adopté par le Conservatoire pour servir à l’étude dans cet établissement, Paris, Impr. du Conservatoire, 1802, p. 5 ; cf. aussi GEAY, G., « Le Traité d’harmonie de Catel », in BONGRAIN, A., GÉRARD Y. et M.-H. COUDROY-SAGHAI (dir.), Le Conservatoire de Paris (1795-1995), Paris, Buchet-Chastel, 1996, vol. 2, p. 227-249.

57ARLETTAZ, V., « Comment lire et comprendre les traités théoriques. Une contribution à l’enseignement historique de l’écriture musicale », Revue musicale de Suisse romande, vol. 63, no 4, décembre 2010, p. 43‑53 : « Le Traité d’harmonie de Catel (An X, 1802) fut assurément le plus répandu de son époque, et resta longtemps une référence, même après avoir été remplacé par celui de Reicha comme manuel officiel du Conservatoire de Paris. »

58CATEL, C.-S., L’Harmonie à la portée de tous. Traité complet d’harmonie, Paris, M. Labbé, 1937.

59RAMEAU, J.-P., Traité de l’harmonie reduite à ses principes naturels ; divisé en quatre livres. Livre I. Du rapport des raisons & proportions harmoniques. Livre II. De la nature & de la proprieté des accords ; et de tout ce qui peut servir à rendre une musique parfaite. Livre III. Principes de composition. Livre IV. Principes d’accompagnement., Paris, Ballard, 1722, p. 382.

60Colet semble pourtant opposé aux traditions de l’écriture perpétuées par le Conservatoire : « [Colet] a été révolté, nous dit-il, en voyant que le Conservatoire s’en tenait toujours aux enseignements des anciens compositeurs, en sorte que les élèves sentaient (c’est toujours M. Colet qui parle) s’engourdir leur imagination, et perdaient bientôt toute verve et toute originalité. », Gazette musicale de Paris, no 28, 1838.

61Sur la notion d’école, cf. CAMPOS, R., François-Joseph Fétis : Musicographe, Genève, Droz / Haute École de Musique de Genève, « Musique & Recherche », 2013, p. 345 (« Les règles scolaires »)  et 358 (« Imitations des anciens ou admiration des chefs-d’œuvre ? »).

62Voir plus haut à propos de l’autorité de Cherubini et de la perpétuation de l’enseignement des maîtres italiens de la fin du XVIIIe siècle.

Pour citer ce document

Justin Ratel, «La règle de l’octave dans les traités d’accompagnement entre 1820 et 1860», La Revue du Conservatoire [En ligne], Le huitième numéro, La revue du Conservatoire, mis à jour le : 15/10/2024, URL : https://larevue.conservatoiredeparis.fr:443/index.php?id=2705.

Quelques mots à propos de :  Justin Ratel

Justin Ratel a étudié la musicologie à l'Université de la Sorbonne puis au Conservatoire de Paris, où il a obtenu le prix d’histoire de la musique (classe de Rémy Campos) et d’analyse (classe de Claude Abromont). Parallèlement, il a étudié le chant au Pôle sup’93 où il a obtenu le Diplôme national supérieur de musicien et le Diplôme d’État de professeur de chant. Actuellement, il allie ses passions pour le chant et la musicologie en menant une double carrière de chanteur et d'enseignant au Conservatoire de Nanterre, tout en poursuivant ses recherches musicologiques sur l’enseignement de la musique en France au début du XIXe siècle, notamment en ce qui concerne l’apprentissage du solfège et du chant. justin.ratel@gmail.com