Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris
n°7
Matthias Demoucron

Mesure et analyse du geste dans la performance musicale

Article
  • Résumé
  • Abstract

La performance musicale nécessite différentes expertises très développées sur lesquelles le musicien s’appuie pour interpréter la musique et agir sur l’instrument. Ces expertises acquises par l’apprentissage présentent un cas d’étude intéressant pour des domaines scientifiques variés (cognition, contrôle moteur, perception, entre autres). Le but de cet article est donc, dans un premier temps, de discuter les différents processus mis en œuvre dans la performance musicale et d’expliquer pourquoi la recherche s’y intéresse. L’article présentera différentes méthodes pour mesurer la performance musicale, puis il se concentrera plus précisément sur la mesure de l’action du violoniste. Nous décrirons le dispositif de mesure que nous utilisons pour la capture du mouvement et la mesure des paramètres de contrôle du violoniste, puis nous illustrerons cette mesure avec l’analyse de la coordination gestuelle dans les bariolages. Enfin, l’article se terminera par une discussion où nous proposerons d’examiner si, et comment, cette recherche scientifique peut être utile au musicien, en particulier pour la pédagogie musicale.

Texte intégral

Mesure et analyse du geste dans la performance musicale

 

 

Pourquoi des domaines aussi différents que la psychologie, la robotique, les sciences cognitives, l’acoustique musicale ou encore la biomécanique s’intéressent-ils au musicien ? Pourquoi tous ces domaines de recherche scientifique, et d’autres encore, prennent-ils comme sujet l’activité musicale ? S’agit-il de simples recherches anecdotiques, d’un caprice personnel, d’une « gourmandise » de chercheur qui voit là l’occasion de faire une étude amusante, ou y a-t-il de véritables enjeux scientifiques et techniques derrière l’étude de la performance musicale ? En quoi l’expertise du musicien peut-elle être utile au chercheur ? Il n’y a bien sûr pas une unique réponse à ces questions car chaque recherche a ses propres enjeux et ses propres motivations. Certains y trouvent une manière de démontrer un savoir-faire, par exemple lorsqu’il s’agit d’illustrer la finesse de manipulation dont est capable un robot initialement destiné à l’usage domestique. D’autres y trouvent une activité qui remet en cause ou valide certaines connaissances issues de la recherche. Cependant, dans tous les cas, l’intérêt pour l’activité musicale se justifie par l’expertise particulière sur laquelle elle repose et qui constitue une forme de défi à l’examen scientifique et aux technologies.

Il est difficile de maîtriser un instrument de musique et d’atteindre l’excellence dans l’exécution musicale. Jouer de la musique repose en effet sur plusieurs compétences développées à travers les années de pratique : les musiciens ne sont pas seulement capables de comprendre une partition, de construire une interprétation personnelle et de planifier l’exécution, mais ils ont aussi des capacités techniques qui leur permettent de transformer cette représentation abstraite de la musique en son lorsqu’ils jouent sur l’instrument, et des méthodes de préparation ou de répétition qui leur permettent d’optimiser l’entraînement. En d’autres termes, ils savent ce qu’ils veulent réaliser musicalement, ils savent comment le réaliser, et surtout, ils sont capables de le réaliser.

Cette expertise particulière nous fascine et nous touche. Elle évoque quelque chose qui est de l’ordre de la performance, de la prouesse, dans sa virtuosité et ses exigences physiques, mais elle contient aussi une composante essentielle qui fait appel à l’émotion et à la communication. Il s’agit donc d’un sujet de recherche stimulant pour le chercheur, à la frontière entre plusieurs domaines scientifiques, qui semble au premier abord impossible à modéliser, c’est-à-dire à simplifier selon un ensemble de principes limités, et qui peut être abordé selon différents angles. Dans le cadre de cet article, nous nous concentrerons sur le geste dans la performance musicale et nous nous intéresserons plus particulièrement à l’action du musicien sur l’instrument, c’est-à-dire à la technique instrumentale. Pour cela, nous allons d’abord proposer une description analytique de la performance musicale dans son ensemble afin de poser les bases du problème. Ensuite, nous donnerons un aperçu plutôt historique des méthodes d’observation et de mesure de la performance musicale, puis nous définirons les problèmes liés à la mesure du geste du musicien. La troisième partie de cet article s’intéressera plus spécifiquement à l’action du violoniste. Pour cela, nous décrirons un système dédié à la mesure des paramètres de jeu du violon et nous illustrerons cette mesure avec l’analyse de la coordination gestuelle dans les bariolages. Enfin, l’article se terminera par une discussion où nous proposerons d’examiner si cette recherche scientifique peut être utile à son sujet, l’activité musicale, en particulier dans ses aspects pédagogiques.

 

 

Les composantes de la performance musicale

 

La performance musicale est une activité assez particulière dans le sens où le musicien développe des capacités motrices très subtiles dédiées à l’expression artistique par l’intermédiaire d’une interface mécanique relativement complexe, l’instrument de musique. C’est aussi une activité sociale qui implique des émotions personnelles, des interactions avec d’autres musiciens et avec un public. Par conséquent, de nombreux facteurs sont impliqués dans ce processus artistique, ce qui en fait une activité assez difficile à examiner dans sa globalité. Dans cette partie, nous allons d’abord décrire comment le chercheur peut aborder cette activité, puis nous discuterons plus précisément certaines composantes qui nous paraissent particulièrement importantes dans le cadre de cet article : mouvements, retours sensoriels et contraintes fondamentales sur lesquelles repose l’action du musicien et le développement de sa technique instrumentale.

Si on approche le problème d’un point de vue analytique, le processus dans son ensemble peut être décrit tel que représenté dans la figure 1. À la gauche du schéma, on trouve un ensemble de processus cognitifs (1) sur lesquels la performance musicale s’appuie. C’est notamment par ces processus cognitifs que le musicien imagine le résultat sonore qu’il veut obtenir et planifie la séquence de mouvements à mettre en œuvre pour obtenir ce résultat sonore. Un troisième processus cognitif essentiel que nous décrirons plus loin est la boucle de rétroaction, ou feedback, par laquelle il confronte le résultat sonore effectif et le mouvement réalisé avec son objectif initial, en s’appuyant sur les différentes modalité sensorielles (son, vibration, proprioception, notamment). La planification motrice se traduit dans des mouvements, ou gestes (2), qui permettent d’appliquer des paramètres de contrôle spécifiques (3) sur l’instrument (4). Par exemple, pour le violoniste, la planification motrice résultera dans des mouvements du corps, et notamment des bras, dont la finalité est de réguler l’évolution temporelle de certains paramètres qui contrôlent la vibration de la corde (pression d’archet, vitesse d’archet, distance au chevalet, point d’appui de la main gauche sur la corde, par exemple). L’instrument réagit alors à ces paramètres de contrôle en produisant du son (5). En parallèle, les gestes impliqués dans l’exécution musicale produisent aussi un résultat visuel (6) qui contribue à l’interaction avec les autres musiciens ou avec le public. L’ensemble de ce processus est dynamique, régulé et adaptatif, et il requiert donc un retour par différents canaux sensoriels, ou feedback (7), afin d’obtenir un contrôle efficace de l’action sur l’instrument. Finalement, il faut aussi noter que certains aspects de l’exécution musicale, et donc des composants décrits ici, sont indéniablement influencés par le contexte dans lequel la performance a lieu, le type de musique jouée et les conditions de jeu. Par exemple, les gestes auront probablement plus d’importance pour le chef d’attaque d’une section de cordes et requerront donc une attention plus particulière de sa part. De même, l’entraînement et l’optimisation de ce processus dans un contexte de répétition sont différents de son utilisation dans un contexte de concert.


	Représentation schématique des différentes composantes de la performance musicale.

Représentation schématique des différentes composantes de la performance musicale.

Dans ce processus, le geste occupe une position centrale : il est à la fois la conséquence visible la plus immédiate de processus cognitifs cachés (ou du moins difficilement observables) et la cause physique du son que nous percevons. En d’autres termes, il est le vecteur d’interaction entre une intention et un résultat effectif. Cependant, la performance musicale n’implique pas seulement des mouvements liés directement à la production sonore, mais aussi des mouvements du corps entier, des postures, ou des expressions faciales, par exemple, qui peuvent servir différents objectifs. Il est donc important d’identifier d’abord ces différents types de mouvements et les fonctions qui leur sont associées, afin de définir plus précisément notre sujet de recherche. Une taxonomie minimale discerne quatre fonctions de base dans la gestuelle du musicien (Jensenius et al., 2010) : les mouvements qui agissent sur l’instrument pour produire le son, ceux qui facilitent cette action sur l’instrument, les gestes de communication et, finalement, les gestes d’expression. Les gestes de production sonore sont les mouvements qui contrôlent directement la vibration de l’instrument, c’est-à-dire qu’ils permettent de définir les paramètres de contrôle appliqués sur l’instrument, comme décrit précédemment. Les gestes qui facilitent l’action ne contrôlent pas directement la vibration, mais aident à la réalisation de l’action, par exemple en plaçant le corps dans une position qui permet d’appliquer le contrôle adéquat. Les déplacements latéraux du torse d’un pianiste pour atteindre différentes parties du clavier font partie de ces types de mouvements, de même que les démanchés d’un violoniste. Les gestes de communication et d’expression, quant à eux, utilisent le canal visuel pour aider l’exécution musicale ou exprimer un contenu musical au public et aux autres musiciens. Ils sont utilisés de manière évidente à certains moments-clés de la performance : signes pour synchroniser l’attaque simultanée d’une note par plusieurs musiciens, pour donner le tempo au début d’une pièce, mouvements qui accompagnent un rubato, etc. Cette classification minimale peut être discutée ou raffinée, et la frontière entre ces différents types de mouvement est souvent un peu lâche, mais elle permet néanmoins de souligner qu’il existe différentes fonctions du mouvement dans la performance musicale. Dans le cadre de cette présentation, nous nous intéresserons essentiellement aux deux premiers types de mouvements, ceux qui sont liés à l’action du musicien sur l’instrument, c’est-à-dire ceux qui ont un rapport direct avec la technique instrumentale.

Dans le processus décrit par la figure 1, le musicien reçoit différents types de retours sensoriels liés à l’exécution du geste, ce qui l’aide à contrôler, modifier et améliorer sa performance. De manière évidente, ces retours sensoriels comprennent le son produit mais aussi d’autres signaux non auditifs sur lesquels l’instrumentiste peut s’appuyer. Par exemple, la vibration de l’instrument peut être ressentie à travers différentes parties du corps en contact avec l’instrument, ce qui produit une forme alternative de retour vibratoire. De plus, la vision directe et la perception de la position des membres et de leur mouvement sous forme proprioceptive (par les récepteurs des muscles, tendons et articulations) offrent des moyens efficaces pour réguler le mouvement. Si l’on se concentre sur les retours acoustiques pour la planification de l’action sur l’instrument, la situation peut être décrite ainsi : le musicien contrôle l’instrument avec un certain objectif sonore à atteindre, qui peut ensuite être confronté au résultat sonore effectif du geste exécuté. Par la pratique, il acquiert une connaissance de la manière dont l’instrument répond à ses actions, ce qui lui permet de modifier son contrôle afin d’améliorer la proximité entre l’intention musicale et le résultat sonore. Cette description contient deux idées essentielles. D’abord, elle suggère que le processus d’exécution dans son ensemble est intégré dans la représentation mentale que l’instrumentiste a de la performance. En particulier, il connaît le type de son qu’il veut produire, mais il a aussi une expertise, ou une compréhension empirique, de la réponse mécanique de l’instrument, ce qui lui permet de sélectionner l’action adéquate en fonction du résultat sonore voulu. Un examen de ce processus de planification et de régulation révèle donc la présence de trois compétences cognitives hautement développées : une grande aptitude pour la régulation du mouvement et pour des mouvements experts, une représentation mentale précise des propriétés mécaniques de l’instrument, et une capacité aiguë pour la perception et le jugement du résultat sonore. Ces trois compétences reflètent en fait trois contraintes essentielles pour la performance musicale : des contraintes motrices liées au corps et au contrôle du mouvement, des contraintes mécaniques liées à l’instrument et à sa réponse acoustique, et enfin, des contraintes perceptives liées à la finesse de la perception du résultat sonore. Ces trois contraintes sont fondamentales pour le développement de la technique instrumentale et nous allons donc les décrire un peu plus précisément pour conclure cette description des processus impliqués dans l’exécution musicale.

L’action du musicien sur l’instrument se développe au cours de la pratique et de l’éducation en tenant compte d’un ensemble de contraintes relativement strictes. D’une part, le musicien doit agir avec son corps et, pour cette raison, son geste dépend de contraintes physiologiques et biomécaniques, et de la manière dont les processus cognitifs, c’est-à-dire le cerveau, gèrent l’exécution du mouvement. De manière évidente, par exemple, la morphologie de la main, l’écart et la force des doigts, contraignent certains aspects de l’exécution, comme le doigté utilisé par la main gauche du violoniste. Mais de manière plus générale, ce qu’il est possible de réaliser, et la précision avec laquelle le musicien peut le réaliser, dépend de contraintes physiologiques dont l’instrumentiste doit tenir compte, souvent inconsciemment, lorsque le geste se développe. Par exemple, il est impossible de changer subitement de direction d’archet : l’inertie des membres et le contrôle du mouvement ne permettent que de changer la direction après une phase de décélération et une phase d’accélération qui peuvent être néanmoins relativement courtes. Une partie de l’éducation du musicien vise à développer ces capacités motrices (souplesse des membres, fluidité, rapidité et précision du mouvement), mais néanmoins, ce développement ne peut se faire que jusqu’à un certain point et le musicien reste toujours dépendant de ce « certain point » jusqu’auquel son corps peut aller.

D’autre part, le musicien agit sur un système mécanique, l’instrument, qui répond à son action d’une manière donnée et relativement prévisible. Par exemple, pour une vitesse d’archet et une distance au chevalet données, le violoniste doit exercer une certaine pression sur la corde pour obtenir un son correct. Si la force est trop petite, le son devient détimbré, sifflant, et si la force est trop grande, le son est « écrasé ». Dans ce dernier cas, il est intéressant de noter l’utilisation pour la description sonore d’un adjectif décrivant une action physique, ce qui illustre bien dans le domaine verbal l’intimité de la relation entre le geste et le son. De même, pour les attaques, une certaine combinaison de force et d’accélération d’archet est à utiliser pour obtenir une attaque franche et claire. Ces caractéristiques acoustiques sont à mettre en rapport avec la vibration de la corde imposée par l’archet qui peut être prévue de manière empirique, pour le musicien, ou de manière analytique, pour le chercheur. L’apprentissage de cette réponse de l’instrument dans un but de prédiction et de planification du mouvement en fonction d’un résultat sonore escompté est aussi une des composantes essentielles de l’entraînement du musicien.

Finalement, une dernière contrainte sur laquelle repose l’action de l’instrumentiste est de l’ordre de la perception, de l’attention au son produit. Un musicien apprend à écouter des aspects particuliers du son, à les juger, et développe donc une acuité particulière de l’oreille qu’il exploite dans sa pratique et dans son exécution musicale. Par exemple, il apprend à juger la justesse d’une note, sa qualité d’attaque, ou différents modes de jeu tels que des staccatos ou des sautillés, c’est-à-dire qu’il apprend à évaluer ce qui est acceptable et ce qui doit être amélioré. En d’autres termes, il est capable de concentrer son attention sur des aspects pertinents du son et d’utiliser des critères d’évaluation afin de porter un jugement expert sur les différents aspects techniques qui forment la matière d’un discours musical construit. Cette expertise ne peut se développer que dans des proportions fixées par les limites perceptives de l’oreille et par la manière dont le cerveau traite l’information sonore, mais à l’intérieur de ces limites, c’est l’instrumentiste lui-même, ou son éducation musicale, qui définit l’acceptabilité de ce qu’il perçoit et donc les contraintes perceptuelles qu’il s’impose.

L’ensemble de ces contraintes fondamentales créent une sorte « d’espace des possibilités » (Rasamimanana, 2012) dans lequel s’inscrit l’action du musicien. L’éducation musicale et la pratique intensive de l’instrument visent, en partie, à explorer et élargir au maximum cet espace des possibilités afin de créer un domaine aussi vaste que possible dans lequel puisse naître la liberté, c’est-à-dire la musique et l’interprétation. Cependant, cet espace est nécessairement limité puisqu’il résulte de contraintes qui ne peuvent être repoussées que jusqu’à un certain point. L’étude de la performance musicale peut donc être vue comme une manière d’examiner l’utilisation de cet espace et les limites qui s’imposent à cette utilisation. Pour le chercheur qui s’intéresse à la performance musicale, ces limites représentent aussi trois angles possibles d’analyse représentés, respectivement par la physiologie et le contrôle moteur, l’acoustique musicale et, finalement, la perception.

 

 

Mesure et analyse de la performance musicale

 

Pour étudier la performance musicale, le chercheur doit d’abord mettre en place des méthodes de mesure et d’observation. L’analyse peut donc s’appuyer sur différentes données selon les objectifs et les technologies à disposition. Par exemple, l’observation directe a longtemps été le seul élément sur lequel l’analyse pouvait reposer, avant l’apparition de l’enregistrement audio, des outils d’analyse mécaniques, électroniques ou informatiques, puis de technologies permettant la mesure du mouvement et de l’action du musicien. Dans cette section, nous allons décrire brièvement l’histoire de ces différents outils d’analyse et certaines recherches associées.

L’observation directe ne fait pas appel à la mesure physique du phénomène observé. Elle s’appuie sur la manière dont l’investigateur perçoit la performance musicale, c’est-à-dire essentiellement sur la vision et l’audition. Il s’agit donc d’une analyse subjective, mais qui peut être rendue relativement objective par la définition d’un protocole d’analyse précis et la confrontation d’analyses faites par différents observateurs. Typiquement, le chercheur définit les éléments sur lesquels il souhaite que les observateurs portent leur attention, ainsi qu’une classification associée à ces éléments, ce qui permet aux observateurs de décrire la performance selon certains critères pertinents pour le sujet de la recherche. Ce type d’analyse permet, par exemple, de décrire des attitudes, des mouvements, des expressions ou la manière dont certains gestes techniques sont réalisés. Il est ainsi possible de s’intéresser aux gestes que font deux musiciens pour communiquer pendant l’exécution musicale, à la manière dont ils expriment un contenu émotif, ou aux différentes stratégies gestuelles mises en œuvre dans la technique instrumentale (doigtés, mouvements des bras, etc.). Ces éléments de la performance musicale peuvent tous être abordés par l’observation directe du musicien, dans un premier temps. L’observation auditive permet, quant à elle, d’identifier des erreurs dans l’interprétation de la musique ou de juger de la qualité d’une performance, par exemple.

À ce sujet, il est intéressant de noter que, dans une certaine mesure, les ouvrages pédagogiques sur la technique instrumentale constituent un exemple particulier d’observation directe s’appuyant sur l’expertise de l’auteur. L’analyse introspective d’un maître et l’expérience d’un pédagogue observant ses élèves pour expliquer tel ou tel aspect de la technique instrumentale et de l’interprétation se basent essentiellement sur les mêmes éléments que l’observation directe décrite précédemment : observation du geste et jugement du résultat sonore. À cela s’ajoute aussi souvent une description des « sensations à cultiver », du ressenti gestuel, qui permet d’intérioriser une description essentiellement extérieure de la technique. Si ces ouvrages n’ont pas à l’origine une ambition scientifique, ils constituent néanmoins une source précieuse d’analyse et de référence pour le chercheur examinant la performance musicale.

D’un point de vue historique, l’observation directe représente donc une source originelle pour l’analyse de la performance musicale. Dans la recherche moderne, qui vise souvent à fonder l’analyse sur des mesures physiques objectives et des phénomènes quantifiables, voire à automatiser les procédures d’analyse, cette méthode peut sembler quelque peu rudimentaire et subjective, « peu scientifique », d’une certaine manière. Cependant, malgré cet aspect rudimentaire, elle constitue souvent la première étape de nombreuses recherches, l’étape initiale par laquelle le chercheur décide ce qui doit être mesuré et développe les technologies et les méthodologies adaptées à l’objet de sa recherche. D’autre part, certains phénomènes sont difficilement quantifiables et ne peuvent être approchés avec d’autres méthodes, ce qui fait de l’observation directe une méthode d’analyse privilégiée pour les domaines de recherche qui s’intéressent à ces phénomènes (communication non verbale, par exemple). Il faut aussi noter que l’observation directe peut maintenant s’appuyer sur d’autres outils tels que la photographie ou l’enregistrement vidéo et sonore, qui permettent d’élargir les sources sur lesquelles se fonde la recherche et de s’affranchir en partie de contraintes liées à l’observation immédiate.

Cependant, l’analyse scientifique de la performance musicale n’a pu réellement prendre son essor qu’au début du XXe siècle avec l’apparition des techniques de captation du son et d’enregistrement. La possibilité de fixer sur un support physique les aspects sonores de la performance a offert une nouvelle base d’analyse pour la recherche, permettant d’analyser a posteriori les enregistrements, de répéter les analyses avec de nouveaux outils, de comparer différentes performances, et surtout de conserver une trace physique de ces analyses. Pour le chercheur, il fallait donc aussi développer des technologies permettant d’analyser le son (en terme d’intensité ou de fréquence, par exemple) et de transcrire ces analyses sur un support permettant l’étude a posteriori de l’enregistrement. Si l’on considère les outils technologiques disponibles à cette époque, on ne peut qu’être fascinés par les trésors d’inventivité que les chercheurs du début du XXe siècle ont déployés pour développer les instruments d’analyse dont ils avaient besoin, souvent à base de techniques essentiellement mécaniques.

À cet égard, on peut considérer que les travaux du groupe de C. E. Seashore à l’université d’Iowa, dans les années 1930, ont construit les fondations de l’analyse moderne de la performance musicale. Seashore travaillait surtout sur les aspects psychologiques et perceptuels de l’expertise musicale, mais le groupe de recherche qui s’est constitué autour de lui dans ces années-là a développé des méthodes de mesure objectives d’enregistrements sonores pour caractériser le vibrato ou analyser les différences d’interprétation en termes de déviation rythmiques, par exemple (Seashore, 1938). L’analyse de la performance musicale par Seashore et ses collaborateurs reposait essentiellement sur la mesure de l’intensité sonore et de la hauteur (avec un instrument appelé tonoscope) et sur la représentation de ces grandeurs physiques en fonction du temps. La représentation d’une interprétation sous forme de « performance score » permettait de visualiser l’évolution temporelle de l’intensité et la hauteur du son au cours d’une performance. Une étape ultérieure de l’analyse, appelée « phrasing score », représentait les déviations temporelles, d’intonation et d’intensité pour chaque note de la partition. De nombreux instruments ont ainsi été étudiés mais, en raison des contraintes technologiques de l’époque, il s’agissait essentiellement d’instruments monophoniques comme le violon ou la voix. De nos jours, les outils d’analyse du signal permettent d’étudier des situations plus complexes (instruments polyphoniques, par exemple) avec plus de précision, mais les principes de l’analyse demeurent essentiellement les mêmes.

L’analyse moderne de la performance musicale est aussi redevable au groupe de Seashore d’une invention remarquable d’ingéniosité. Les outils techniques de l’époque ne permettaient pas d’analyser précisément le signal acoustique d’instruments polyphoniques tels que le piano, comme nous l’avons mentionné précédemment. Afin d’étudier les problématiques d’interprétation liées au piano, Seashore et ses collaborateurs mirent au point un système qui enregistrait sur film photographique l’activité des touches du clavier. Lorsque le pianiste pressait une touche, une ouverture liée au mouvement du marteau permettait à une source lumineuse de venir exciter un film photographique à une position correspondant à la note jouée. Le défilement continu du film enregistrait la succession temporelle des touches pressées. Le mécanisme était fait de telle manière qu’il était aussi possible de déduire la vitesse du marteau ainsi que le moment où la touche était relâchée. Ce principe, ainsi que la manière dont les données étaient visualisées n’est pas sans rappeler le principe des claviers MIDI et de la visualisation en « piano roll » (qui tient son nom des rouleaux actionnant les pianos mécaniques). Aujourd’hui encore, cette transcription de la performance pianistique en termes de hauteur de note, vitesse d’enfoncement de la touche, instant d’enfoncement et de relâchement, forme la base de nombreuses études scientifiques analysant l’interprétation au piano. Il est par ailleurs intéressant de noter que la grande majorité des études portant sur l’interprétation musicale et l’expressivité s’est concentrée, jusqu’à aujourd’hui, sur le cas du piano. Celui-ci présente en effet une interface mécanique entre le musicien et la corde qui facilite la mise en place de dispositifs de mesure peu perturbants pour l’instrumentiste et pour l’instrument. La présence de cette interface est un cas assez unique dans l’ensemble des instruments classiques, pour lesquels il y a, en général, un contact direct entre le musicien et l’instrument et sur lesquels il est donc difficile d’introduire des dispositifs de mesure intermédiaires. Ce n’est donc pas un hasard si le piano a été l’objet des premières études prenant en compte l’action de l’instrumentiste, et non plus seulement le résultat sonore. Seashore et ses collaborateurs n’étaient pas les premiers à développer un système de mesure de l’action du pianiste sur l’instrument et, bien des années plus tard, c’est encore le clavier qui représenta l’interface de contrôle privilégiée entre le musicien et l’instrument, numérique, cette fois-ci, à travers le protocole MIDI. La large disponibilité de pianos instrumentés pour la mesure (Yamaha Disklavier, Bosendorfer CEUS digital pianos ou simple clavier-maître numérique) et la possibilité d’enregistrer directement, et facilement, les données MIDI a, à n’en pas douter, grandement favorisé une certaine focalisation des recherches sur l’expressivité dans le jeu pianistique.

Pour résumer, l’analyse des enregistrements sonores fournit des informations sur le tempo et les variations de tempo pendant la performance musicale (rubato, ritardendo, déviations systématiques), l’intonation et le vibrato, ou les variations d’intensité (forte, piano, crescendo, etc.). Elle présente l’avantage de permettre la mesure de l’interprétation pour différents instruments avec très peu de contraintes techniques. D’un autre côté, la mesure de l’action du musicien sur le piano (avec les claviers instrumentés, par exemple) facilite l’analyse et donne des résultats souvent plus précis. Il est intéressant de noter que cette représentation « objective » de la performance musicale en termes de déviation temporelle, d’intensité sonore, de timbre et d’intonation forme toujours la base de l’analyse sonore de l’interprétation près d’un siècle après les travaux pionniers de l’université d’Iowa. Les recherches les plus directement redevables de leur approche sont celles qui portent aujourd’hui sur l’analyse de l’expressivité musicale et sur la performance automatique et expressive de partitions musicales (par opposition à l’interprétation quelque peu mécanique que produit, par exemple, un ordinateur en s’appuyant uniquement sur la partition MIDI d’une œuvre). Cependant, ces approches ne permettent pas d’étudier directement l’action du musicien sur l’instrument et le développement de la technique instrumentale. C’est évident pour les études qui se basent sur l’analyse acoustique, c’est-à-dire sur le résultat sonore, mais même l’enfoncement de la touche du piano ne représente qu’une mesure limitée de l’action : d’une certaine manière, c’est déjà une conséquence de l’action du pianiste et elle ne permet pas d’observer les stratégies gestuelles ou mouvements mis en œuvre dans cette action, c’est-à-dire tout ce qui forme la technique instrumentale. Pour mesurer cette action proprement dite, il était donc nécessaire de développer d’autres technologies et de nouveaux outils de mesure et d’analyse.

Pour différentes raisons, la mesure directe de l’action du musicien sur d’autres instruments que le piano n’a pu véritablement se développer que pendant les trente dernières années, malgré des tentatives ingénieuses et isolées dans le courant du siècle dernier. Les problèmes de cette mesure sont les suivants. D’abord, et avant tout, le chercheur veut observer le mouvement du musicien sans le perturber, c’est-à-dire que, au minimum, le musicien devrait être capable de produire effectivement un son avec l’instrument, et dans l’idéal, le système devrait être « transparent » pour le musicien, dans le sens où le musicien devrait pouvoir jouer librement sans modifier son geste « naturel » en conséquence ou, plus précisément, sous la contrainte du système de mesure. Par exemple, un simple poids placé sur l’archet du violon ou un système attaché à l’anche d’une clarinette auront nécessairement des conséquences sur les propriétés vibratoires de l’instrument et/ou sur l’action du musicien. Ceci constitue la contrainte fondamentale pour la mesure de l’action du musicien dans la performance musicale. Une autre contrainte, importante mais plus secondaire, découle du fait que le chercheur aimerait mesurer l’action du musicien sur son propre instrument, l’instrument qu’il connaît et sur lequel il est habitué à jouer, ou pouvoir comparer l’action du musicien sur différents instruments. Cela signifie que le dispositif de mesure ne doit pas être attaché en permanence à un unique instrument, mais qu’il devrait être possible de l’adapter et de le monter sur différents instruments sans les détériorer. Nous dirons donc que nous cherchons à développer des dispositifs non invasifs. Finalement, le chercheur aimerait pouvoir mesurer la performance musicale dans des conditions dites « écologiques », c’est-à-dire hors du laboratoire, en répétition, en concert, bref, dans « l’habitat naturel » du musicien. Concrètement, cette contrainte impose l’utilisation de technologies légères et portatives. Cet ensemble de problèmes produit des contraintes si strictes qu’il a fallu les développements technologiques récents, avec l’apparition de capteurs miniatures et des technologies de capture du mouvement, pour finalement être en mesure de commencer à mesurer l’action du musicien. Un problème complémentaire est que cette mesure produit, en général, une grande quantité de données qu’il faut pouvoir traiter rapidement et stocker, ce qui n’a été possible qu’avec l’augmentation récente de la puissance de calcul des ordinateurs.

Dans la partie suivante, nous développerons plus particulièrement le cas de la mesure de l’action du violoniste, mais il est intéressant de mentionner déjà ici quelques technologies et l’utilisation qui en est faite dans le cadre de la mesure de la performance musicale. Les techniques de capture de mouvement, par exemple, permettent de mesurer la position dans l’espace de différents points définis au préalable et trouvent une application pour la mesure dans le cas d’instruments dont le contrôle est directement en rapport avec les mouvements du musicien. C’est le cas des instruments à cordes frottées et des percussions, mais aussi, dans une certaine mesure, du piano ou de la harpe. Pour les instruments à vent, ces techniques ne permettent, en général, que de mesurer des attitudes ou des gestes d’expression, c’est-à-dire des gestes qui ne sont pas directement nécessaires à la production sonore. Le cas des instruments à vent est en effet plus problématique, puisque l’excitation résulte de l’interaction directe entre le système respiratoire du musicien, les propriétés mécaniques de ses lèvres, l’action de la langue, et l’instrument. Par exemple, une mesure de la surpression dans la bouche responsable de la vibration d’une anche est obtenue avec l’utilisation d’un cathéter reliant la cavité buccale à un capteur de pression, mais d’autres paramètres de jeu comme la raideur des lèvres ne peuvent être mesurés qu’indirectement (par exemple en mesurant la contraction des muscles entourant les lèvres avec des électromyogrammes de surface). Pour ces instruments, la mesure est donc délicate et, lorsqu’elle est possible, particulièrement invasive ou dérangeante pour le musicien.

En conclusion, les techniques de mesure de l’action du musicien peuvent être développées pour examiner plus précisément les stratégies de contrôle qu’ils utilisent pour obtenir un certain résultat sonore, les mouvements qui accompagnent l’exécution musicale, mais aussi d’autres paramètres physiologiques liés à la performance musicale (respiration ou contraction des muscles). L’utilisation de ces technologies dans un contexte musical pose des problèmes spécifiques qui ne peuvent pas toujours être résolus à l’heure actuelle. Cependant, lorsque ces mesures sont possibles, elles ouvrent de nouveaux champs d’investigation qui n’étaient pas accessibles auparavant à l’observation et à l’analyse.

 

 

Mesure des paramètres de jeu du violoniste

 

Contexte et introduction historique

Le violon, et les instruments à cordes de manière générale, représentent un cas d’étude intéressant pour la mesure de l’action du musicien. En effet, hormis la force d’appui de l’archet sur la corde, tous les paramètres de jeu résultent du mouvement du bras et sont donc clairement accessibles à l’observation et à la mesure, en particulier la vitesse de l’archet, la position du contact entre la corde et l’archet, ou l’inclinaison de l’archet. Cette caractéristique contraste, par exemple, avec le cas des instruments à vent pour lesquels l’action excitatrice (contraction des lèvres, mouvements de la langue, pression buccale, en particulier) est difficile à observer et à quantifier. Ce n’est donc pas un hasard si, avant même l’apparition des capteurs miniatures, des technologies de captation du mouvement et de l’informatique moderne, des chercheurs ont pu mettre en œuvre des techniques, certes rudimentaires, mais néanmoins ingénieuses pour appréhender l’action du violoniste. Le travail de P. Hodgson (1958), dans les années 1930, constitue probablement la première description systématique des gestes impliqués dans la technique instrumentale du violon. L’objectif de Hodgson était de démontrer que la trajectoire de la main guidant l’archet devait être courbe et sans changement brusque de trajectoire afin de garantir une bonne continuité des mouvements. Il avait donc essentiellement un objectif pédagogique et didactique. Pour cela, il demanda au violoniste Albert Sammons d’exécuter différents exercices techniques dans une chambre sombre avec une source lumineuse placée sur l’index droit, au niveau du talon de l’archet. Pendant l’exécution de ces exercices, un appareil photographique captait la source lumineuse et permettait donc d’avoir une image de la trajectoire de l’archet, après développement de la pellicule. Trois exemples de ces « cyclographes » obtenus par Hodgson sont illustrés dans la figure 2 qui montre des photographies de la trajectoire du talon telle qu’elle serait vue par le violoniste, avec le chevalet approximativement dans le coin supérieur gauche de chacune des photographies. On peut y voir des trajectoires typiques que les violonistes connaissent bien, tels que les « 8 » horizontaux et verticaux des bariolages. Si ce travail n’a probablement pas eu l’incidence souhaitée par son auteur sur les milieux pédagogiques, il représente néanmoins, à notre connaissance, la première tentative d’enregistrement et de visualisation du geste musical. À titre anecdotique, ces images ne sont pas sans rappeler la célèbre photographie de Jascha Heifetz par Gjon Mili (1952) dans laquelle le mouvement de l’archet apparaît sous la forme d’une trace lumineuse.


	Cyclographes de Hodgson (1958). Les photographies représentent le mouvement du talon de l’archet pour les motifs techniques représentés en dessous de chaque figure. Le mouvement est observé du point de vue du violoniste, avec le chevalet approximativement dans le coin supérieur gauche de chaque photographie.

Cyclographes de Hodgson (1958). Les photographies représentent le mouvement du talon de l’archet pour les motifs techniques représentés en dessous de chaque figure. Le mouvement est observé du point de vue du violoniste, avec le chevalet approximativement dans le coin supérieur gauche de chaque photographie.

Dans la deuxième moitié des années 1980, A. Askenfelt mit au point le premier véritable système de mesure des trois paramètres de jeu essentiels du violon : pression d’archet, vitesse d’archet et distance au chevalet (Askenfelt, 1986, 1989). Le système reposait sur une instrumentation de l’archet qui exigeait des opérations lourdes (collage de capteurs entre la mèche et le bois de l’archet, en particulier) et était relativement fragile. Il a néanmoins été utilisé pour vérifier certaines prédictions théoriques portant sur la réponse de l’instrument lorsque le musicien applique un ensemble de paramètres de contrôle donnés (niveau sonore, limites de pression d’archet), et pour faire de premières observations sur les stratégies gestuelles utilisées dans un contexte d’interprétation musicale. Il est intéressant d’insister sur le changement de perspective que cela représente. Auparavant, et pendant près d’un siècle, l’étude des instruments de musique reposait en grande partie sur l’analyse de leur fonctionnement mécanique afin de le modéliser et d’en tirer des enseignements théoriques (Woodhouse, 2004), d’une part, et d’autre part, sur quelques expériences isolées dans lesquelles l’instrument était excité de manière extrêmement contrôlée, avec des archets mécaniques, par exemple, dans le cas du violon. En mesurant précisément la manière dont le musicien agissait sur l’instrument, il devenait possible, pour la première fois, de confronter quantitativement ces résultats théoriques portant sur le fonctionnement de l’instrument avec l’utilisation que le musicien fait de ce fonctionnement dans un contexte musical. Si l’on met en perspective la quantité de travaux qui sont dédiés à l’interaction entre le musicien et l’instrument dans le domaine de l’acoustique musicale aujourd’hui, et le relatif isolement de l’étude d’Askenfelt à l’époque, il est saisissant d’observer à quel point celle-ci représentait un travail véritablement pionnier et fondateur, du moins pour l’étude des cordes frottées. Cette volonté de rapprocher l’analyse théorique et la pratique instrumentale réelle a trouvé une continuité dans les travaux de K. Guettler, quelques années plus tard. Guettler, qui était contrebassiste et professeur aux conservatoires de La Haye et Oslo, cherchait à comprendre les corrélats acoustiques de sa pratique instrumentale et à les présenter sous une forme utile à l’instrumentiste dans son enseignement1. Dans ce domaine, ses contributions majeures portent sur les conditions d’attaque des notes et l’analyse gestuelle de modes de jeu sautés (Guettler 1997, 2002, 2003).

Depuis les années 2000, les développements technologiques ont rendu plus accessible la mesure de l’action du violoniste sur l’instrument. Ses nouveaux dispositifs de mesure reposent sur la capture du mouvement, optique ou magnétique (Schoonderwaldt et al., 2009 ; Maestre et al., 2007), la construction de capteurs amovibles (Bevilacqua et al., 2006), ou l’instrumentation d’archets dédiés à la mesure (Young, 2002). Si on doit extraire une tendance générale de ces travaux, il semble que ces deux derniers cas soient plutôt orientés vers l’utilisation du geste pour contrôler des processus sonores numériques, dans un contexte de performance musicale mixte mêlant instrumentiste réel et traitement informatique, alors que la capture du mouvement optique ou magnétique est plus lourde à mettre en œuvre mais donne des résultats souvent plus fiables et est donc plutôt utilisée dans un contexte scientifique d’analyse du mouvement. Le contexte pédagogique, qui mêle les nécessités de mesures relativement fiables et d’utilisation facile, se trouve souvent entre les deux approches. Dans tous les cas, ces techniques sont bien moins invasives que ce qui avait été fait auparavant, et leur développement a été accompagné de nombreuses études portant sur l’analyse d’aspects particuliers du jeu instrumental : modélisation de modes de jeu et de paramètres de contrôle (Demoucron, 2008 ; Maestre et al., 2009), stratégies gestuelles (Rasamimanana et al., 2006, 2009), coordination (Winold et al., 1994 ; Baader, 2005 ; Schoonderwaldt, 2009), entre autres. Les deux parties suivantes seront dédiées à la description précise d’un de ces systèmes de mesure mêlant capture optique du mouvement et capteurs dédiés, et à une illustration de l’analyse de ces mesures pour l’étude de la technique instrumentale.

 

Méthodologie de la mesure

Le système décrit ici repose sur la capture optique des trajectoires spatiales de différents marqueurs placés sur l’instrument, sur l’archet et sur le musicien. De plus, cette mesure cinématique est complétée par des capteurs fixés sur l’archet et permettant de mesurer la pression d’archet sur la corde et l’accélération du talon dans les trois directions. Le dispositif de mesure est représenté schématiquement dans la figure 3 et décrit plus précisément dans les lignes qui suivent.

La capture optique du mouvement est basée sur l’utilisation de caméras, situées autour de la scène à mesurer, qui émettent une lumière infrarouge et enregistrent la position de réflecteurs placés sur les objets dont on souhaite suivre le mouvement. Ces réflecteurs se présentent comme de petites sphères argentées et sont visibles à gauche de la figure 3 (figure 3a). Dans notre cas, elles sont fixées sur l’archet, le violon, le bras du musicien, et tout autre objet ou partie du corps à mesurer. À partir de la position des marqueurs vue dans les plans de chacune des caméras et d’une calibration préalable de la géométrie des marqueurs sur les objets à suivre, le logiciel peut ensuite identifier chaque marqueur et reconstruire la position et l’orientation tridimensionnelle des objets présents dans le champ des caméras. Cette reconstruction spatiale est montrée dans la figure 3b où, en plus du violon et de l’archet, la partie supérieure du musicien est représentée (torse, bras et tête).


	Représentation schématique du système pour la mesure de l’action du violoniste. (a) Dispositif expérimental. (b) Reconstruction spatiale de la position des marqueurs. (c) Visualisation des paramètres de jeu. Le système permet de mesurer un ensemble complet de paramètres de jeu décrivant l’action du musicien sur l’instrument : pression d’archet, vitesse d’archet et distance au chevalet, entre autres. (video: http://youtu.be/W69LxKA0BdQ)

Représentation schématique du système pour la mesure de l’action du violoniste. (a) Dispositif expérimental. (b) Reconstruction spatiale de la position des marqueurs. (c) Visualisation des paramètres de jeu. Le système permet de mesurer un ensemble complet de paramètres de jeu décrivant l’action du musicien sur l’instrument : pression d’archet, vitesse d’archet et distance au chevalet, entre autres. (video: http://youtu.be/W69LxKA0BdQ)

Connaissant la trajectoire des marqueurs dans l’espace, il s’agit ensuite de calculer les paramètres de jeu qui nous intéressent. Dans le cas du violon, on cherche par exemple à obtenir les trois paramètres de jeu principaux (vitesse d’archet, distance au chevalet et pression d’archet), et d’autres paramètres plus secondaires mais qui sont pertinents pour la description de l’action du violoniste : inclinaison de l’archet par rapport au violon (pour déduire la corde jouée), rotation de l’archet sur son axe, parallélisme au chevalet, et distance au-dessus de la corde (pour déduire le contact de l’archet sur la corde), principalement. À l’exception de la pression d’archet sur laquelle nous reviendrons plus loin, tous ces paramètres peuvent être calculés en projetant le mouvement de l’archet dans le référentiel du violon, c’est-à-dire en calculant la position et le mouvement relatif de l’archet par rapport au violon. La figure 3c, dans sa partie gauche montre un exemple de ce mouvement relatif de l’archet vu dans le plan du violon (en haut, comme si le violon était regardé d’au-dessus) et dans un plan perpendiculaire aux cordes (en bas, tel que l’archet est vu par le musicien, avec le chevalet au milieu). Dans cette dernière figure, les zones colorées indiquent donc les positions où le talon de l’archet se trouve lorsque le musicien joue les différentes cordes (en partant du haut : corde de sol, en rose, jusqu’à la corde de mi, en mauve).

Pour la pression d’archet sur la corde, un capteur dédié est utilisé. Celui-ci est placé sur l’archet, au niveau du passant de la hausse et est sensible au déplacement de la mèche lorsque celle-ci appuie sur la corde. La réponse du capteur dépend de plusieurs variables, dont la pression d’archet, mais aussi de la position du point de contact avec la corde sur la mèche. Pour calculer de manière précise et calibrée la pression d’archet, il faut donc corriger la réponse brute du capteur en tenant compte de la distance entre le point d’appui et la hausse. Cette distance est obtenue par la capture optique du mouvement décrite précédemment. Enfin, le système est complété par des mini-accéléromètres placés eux aussi sur la hausse et sensibles aux changements de vitesse de l’archet. Les mesures de ces accéléromètres, une fois calibrées et corrigées grâce aux mesures optiques, permettent d’obtenir une mesure plus précise, avec une meilleure résolution temporelle, du mouvement de l’archet. Ces mesures d’accélération sont en particulier très utiles pour étudier des mouvements rapides tels que les attaques ou les changements de direction d’archet.

Les mesures peuvent être présentées comme dans la figure 3c, qui montre en fait une capture d’écran d’un petit film permettant de visualiser l’enregistrement2. Nous avons déjà décrit précédemment la partie gauche de la figure, qui présente le mouvement relatif de l’archet par rapport au violon. Sur la partie droite, en haut, on peut voir une représentation de la pression d’archet (la couleur des trajectoires dépend elle aussi de la pression d’archet), et en bas, une représentation avec la vitesse d’archet sur l’axe horizontal et l’angle de l’archet sur l’axe vertical. Cette visualisation est utile en guise de démonstration, ou comme feedback pour le musicien, s’il s’agit de lui faire observer sa performance. Pour le chercheur, dans un but d’analyse, il est souvent plus utile d’avoir une représentation temporelle de ces différentes mesures, comme dans la figure 4. Cette dernière montre, par exemple, différents paramètres de jeu enregistrés pendant l’exécution de l’allemande de la 2ePartita pour violon seul de J. S. Bach. En partant du haut, on peut observer la distance de la corde au talon de l’archet (position sur l’archet), la vitesse d’archet, la pression d’archet, la distance au chevalet, et l’inclinaison de l’archet, qui reflète la corde sur laquelle le musicien joue.


	Représentation temporelle des paramètres de jeu pour un enregistrement de l’allemande de la 2ePartita pour violon seul de J. S. Bach.

Représentation temporelle des paramètres de jeu pour un enregistrement de l’allemande de la 2ePartita pour violon seul de J. S. Bach.

Notons qu’il est possible de définir des modèles géométriques ou mécaniques plus fins de l’instrument afin d’obtenir des mesures plus précises. Par exemple, les lignes discontinues des figures 3c ou 4, représentant les limites angulaires pour jouer chacune des cordes, ne sont pas fixes mais dépendent de l’abaissement des cordes dû à l’appui des doigts de la main gauche sur la touche, de la tension des cordes, de la distance au chevalet et de la pression d’archet. De manière similaire, ces limites ont une certaine étendue qui dépend, elle, de la tension de la mèche, de la position sur l’archet et de la pression d’archet. En particulier, ces modèles raffinés sont utiles pour étudier la répartition de la pression d’archet entre les cordes dans le jeu en doubles cordes, ou pour les bariolages, comme nous le verrons dans la partie suivante.

En conclusion, nous avons décrit ici un système qui permet de mesurer un ensemble complet de paramètres de jeu liés à la technique instrumentale du violon. Le système est peu invasif et peut être utilisé sans danger pour l’instrument (et le musicien), ce qui répond bien à une partie des contraintes initialement posées. En revanche, il s’agit de technologies relativement coûteuses, assez difficilement utilisables en dehors du laboratoire, et donc peu adaptées à un contexte pédagogique ou de production musicale. Ces mesures peuvent être utilisées de manière purement descriptive, pour observer ce que fait le musicien ou la manière dont deux musiciens traitent techniquement le même passage musical, ou pour essayer d’en extraire des informations plus spécifiques sur les processus mis en œuvre dans l’exécution musicale. À titre d’illustration, dans la partie suivante, nous allons voir de quelle manière ces mesures peuvent être utilisées pour analyser l’action du musicien et le développement du geste technique.

 

Application : analyse de modes de jeu complexes

Dans cette partie, nous allons chercher à quantifier certains aspects de l’action du musicien, c’est-à-dire aller au-delà de la simple description visuelle ou qualitative, et tenter d’identifier les bases sur lesquelles le geste technique se développe. Cette démarche sera illustrée avec un cas précis qui concerne l’exécution de modes de jeu complexes impliquant des changements de cordes combinés avec des changements de direction d’archet, ou bariolages.

De nombreuses mesures sur différents violonistes ont été réalisées dans le cadre de nos expériences, impliquant à la fois l’exécution d’extraits musicaux et d’exercices techniques. Parmi ces exercices techniques, il était demandé aux musiciens de jouer des bariolages tels que celui montré dans la figure 5a, c’est-à-dire un détaché rapide et répétitif sur deux cordes adjacentes. Cette figure montre un extrait où la mélodie est jouée sur la corde de la, en tirant, alternée avec une note répétée sur la corde de mi, en poussant. C’est un mouvement qu’on rencontre dans beaucoup d’exemples musicaux, tels que le prélude de la 3ePartita de J. S. Bach, dont ce motif est extrait, et qui implique la réalisation d’un mouvement circulaire continu avec la main droite. Ce mouvement circulaire peut être observé dans la figure 5b, qui montre la mesure d’un musicien exécutant ce motif, et où les tirés et poussés sont indiqués par des trajectoires bleues et rouges, respectivement. Cette trajectoire est une trajectoire moyenne, c’est-à-dire représentative d’un ensemble répété de trajectoires individuelles (celles-ci peuvent être distinguées en arrière plan et autour de la trajectoire moyenne, en bleu pâle). Dans cette figure et dans les suivantes, la zone de jeu correspondant à la corde de la est indiquée en vert, et celle correspondant à la corde de mi, en mauve.


	Mesure de bariolages. (a) Motif technique exécuté par le violoniste. (b) Représentation dans le plan perpendiculaire aux cordes. (c) Représentation de l’inclinaison de l’archet en fonction de la vitesse d’archet. (d) Représentation temporelle de l’inclinaison et de la vitesse. La trajectoire moyenne (en bleu et rouge pour les tirés et poussés, respectivement) montre un déphasage entre l’inclinaison et la vitesse, indiquant que le changement de direction d’archet se produit systématiquement vers la fin du changement de corde.

Mesure de bariolages. (a) Motif technique exécuté par le violoniste. (b) Représentation dans le plan perpendiculaire aux cordes. (c) Représentation de l’inclinaison de l’archet en fonction de la vitesse d’archet. (d) Représentation temporelle de l’inclinaison et de la vitesse. La trajectoire moyenne (en bleu et rouge pour les tirés et poussés, respectivement) montre un déphasage entre l’inclinaison et la vitesse, indiquant que le changement de direction d’archet se produit systématiquement vers la fin du changement de corde.

Ce même mouvement peut être observé en fonction du temps dans la figure 5d, avec les mêmes conventions de couleur. Sur cette figure, on peut voir l’évolution de l’inclinaison, représenté sur l’axe vertical, en bleu et rouge, sur une période du mouvement (c’est-à-dire un tiré-poussé, dans la zone claire entre les temps 0 et 1). Entre les zones correspondant aux cordes de la et mi se trouve une zone intermédiaire où les couleurs se mélangent et qui correspond à une étendue angulaire dans laquelle l’archet est en contact avec les deux cordes à la fois. Cette zone intermédiaire est calculée en tenant compte de certaines propriétés mécaniques de l’instrument et de paramètres liés à l’exécution, comme nous l’avons mentionné dans la partie précédente. À l’intérieur de cet espace, la ligne horizontale en tirets indique la position pour laquelle la pression d’archet est répartie uniformément entre les deux cordes. Cette zone intermédiaire est d’une importance cruciale pour la réalisation de ce type de mode de jeu, puisqu’elle permet de transférer continûment la pression d’archet d’une corde à l’autre. En revanche, nous verrons par la suite qu’elle rend impossible la synchronisation précise du changement de direction d’archet et du changement de corde et que le musicien devra trouver un compromis gestuel pour rendre cette absence de synchronisation stricte acceptable.

Si nous revenons pour l’instant à la figure 5d, nous pouvons suivre le mouvement de gauche à droite, en commençant au début de la zone centrale lumineuse, au temps 0. Globalement, l’évolution de l’inclinaison ressemble à une sinusoïde, ce qui n’est pas surprenant, puisque la trajectoire est à peu près circulaire. Pendant la plus grande partie du tiré, en bleu, l’archet est sur la corde de la, comme attendu. Cependant, vers la fin du tiré, l’inclinaison entre dans la zone intermédiaire, ce qui signifie que l’archet est en contact avec les deux cordes. C’est à ce moment que le changement de direction d’archet intervient, juste avant de quitter la zone intermédiaire pour la corde de mi. Ensuite, le mouvement est exécuté en poussant sur la corde de mi, et de nouveau, vers la fin du mouvement, l’archet entre dans la zone intermédiaire. Le changement de direction se produit, cette fois, après que l’archet ait quitté la zone intermédiaire, c’est-à-dire lorsqu’il n’est plus en contact qu’avec la corde de mi. Pour résumer ces observations, on observe un léger décalage, ou différence de phase, entre l’inclinaison, qui contrôle le changement de corde, et la vitesse de l’archet. Cette différence de phase est rendue évidente dans la figure 5c, qui montre la même inclinaison représentée en fonction de la vitesse d’archet. Dans cette représentation, la trajectoire prend la forme d’une ellipse écrasée, alors que si l’inclinaison et la vitesse étaient parfaitement synchronisées, nous observerions un segment de droite. En particulier, la valeur de l’inclinaison lorsque la trajectoire croise la vitesse nulle (c’est-à-dire le changement de direction d’archet) est différente pendant le poussé et pendant le tiré et se trouve autour des limites de la zone intermédiaire, lorsque la majeure partie de la pression d’archet a été transférée sur la corde suivante.


	(a) Modèle de contrôle utilisé pour simuler les bariolages avec un violon virtuel. Les deux paramètres d’exécution fondamentaux sont la différence de phase entre l’inclinaison et la vitesse de l’archet, et l’étendue angulaire du changement de corde, qui contrôle le transfert de pression d’archet d’une corde à l’autre. (b) Résultat des tests perceptifs et représentation des caractéristiques sonores des bariolages. La figure met en évidence une zone d’exécution optimale (en blanc) dans laquelle ces caractéristiques sonores se trouvent dans des proportions acceptables pour le violoniste.

(a) Modèle de contrôle utilisé pour simuler les bariolages avec un violon virtuel. Les deux paramètres d’exécution fondamentaux sont la différence de phase entre l’inclinaison et la vitesse de l’archet, et l’étendue angulaire du changement de corde, qui contrôle le transfert de pression d’archet d’une corde à l’autre. (b) Résultat des tests perceptifs et représentation des caractéristiques sonores des bariolages. La figure met en évidence une zone d’exécution optimale (en blanc) dans laquelle ces caractéristiques sonores se trouvent dans des proportions acceptables pour le violoniste.

D’après l’analyse précédente, il y a donc deux paramètres cruciaux pour la réalisation de ce mouvement : d’une part, la différence de phase entre la vitesse de l’archet et l’inclinaison, qui décrit la synchronisation entre les deux directions du mouvement de l’archet, et, d’autre part, le rapport entre l’étendue de la zone intermédiaire et l’amplitude totale du mouvement, qui permet de déduire la proportion de temps pendant laquelle l’archet est en contact avec une seule ou avec les deux cordes, ainsi que le transfert de pression d’archet d’une corde à l’autre. Ces paramètres d’exécution sont montrés dans la figure 6a, qui représente schématiquement les variations d’inclinaison, de vitesse et de pression d’archet sur une période du mouvement (un tiré-poussé). La manière dont ces deux paramètres sont utilisés pour exécuter le mouvement contrôle la qualité de la réalisation, mais aussi, de manière plus subtile, les propriétés acoustiques que le musicien veut donner au bariolage. Par exemple, s’il veut laisser sonner la corde précédente, la phase aura tendance à augmenter (ou de manière équivalente, l’amplitude totale du mouvement devrait augmenter), alors que s’il veut l’étouffer et obtenir une exécution plus « claire », la différence de phase devrait diminuer. L’analyse de plusieurs musiciens dans des contextes musicaux différents permet de mettre en évidence des préférences dans le choix de ces paramètres et, surtout, des combinaisons de paramètres que les interprètes évitent absolument. Dans un contexte pédagogique, ou pour décrire les aspects techniques de l’exécution de ces modes de jeu, cela peut être suffisant. En revanche, pour le chercheur, une étape ultérieure de l’analyse consiste à essayer de comprendre les raisons de cette préférence que les instrumentistes développent souvent de manière plus ou moins intuitive.

Pour examiner cette question, il nous faut revenir à la description des contraintes qui gouvernent le développement de la technique instrumentale. Nous en avons décrit trois précédemment et deux d’entre elles – contraintes physiologiques et acoustiques – pourraient chacune expliquer pourquoi les violonistes observés utilisent des mouvements dans lesquels la vitesse et l’inclinaison de l’archet sont légèrement désynchronisées. D’une part, il est possible qu’ils ne puissent pas faire autrement, soit pour des raisons motrices de coordination entre les deux composantes du mouvement, soit parce qu’ils ont besoin d’un signal permettant de réguler le mouvement et que ce signal pourrait être donné par le contact de l’archet avec la corde suivante (sous forme acoustique, ou sensitive, au niveau de l’archet). D’autre part, il est aussi possible que cette coordination particulière soit rendue nécessaire par les propriétés mécaniques de l’instrument afin, par exemple, de garantir une attaque optimale de chaque note sur chacun des coups d’archet. Pour identifier la valeur de chacune de ces explications, nous avons découplé les deux contraintes en effectuant des tests perceptifs reposant sur le contrôle d’un violon virtuel, c’est-à-dire un synthétiseur simulant le comportement mécanique de l’instrument et qui permet donc d’imiter la réponse du violon en fonction de paramètres de jeu pertinents (pression d’archet, vitesse d’archet et distance au chevalet). Dans ces tests, le violon virtuel était utilisé pour produire des bariolages contrôlés par les deux paramètres de coordination (déphasage et amplitude relative de l’inclinaison) montrés dans la figure 6a. Des instrumentistes pouvaient alors régler en temps réel les deux paramètres afin d’obtenir l’exécution qui leur paraissait sonner le mieux. C’était donc un test qui ne faisait pas intervenir directement l’exécution physique de ces modes de jeu, mais qui se basait uniquement sur le résultat sonore, donc la réponse mécanique de l’instrument, et sur la perception que les musiciens avaient de ce résultat sonore. Les résultats de cette expérience ont montré que les instrumentistes préféraient des paramètres de coordination similaires à ceux du geste réel, et donc, que les caractéristiques sonores jouaient un rôle prépondérant dans l’exécution de ce geste technique.

En identifiant ces caractéristiques sonores des bariolages, il est possible d’aller plus loin dans l’analyse et de les mettre en rapport avec les préférences mesurées. Ces caractéristiques sonores dépendent de la position du changement de direction d’archet en fonction de la position du changement de corde. Si le changement de direction intervient après le changement de corde, alors, la corde suivante sera excitée pendant un court instant avant le changement de direction, produisant une note parasite qui sera perçue plus ou moins fortement en fonction de sa durée. À l’inverse, si le changement de direction intervient avant le changement de corde, alors la corde précédente est de nouveau excitée avant que l’archet n’aille sur la corde suivante. Ces deux types d’excitation parasites, ou « fausses attaques », interviennent toutes les deux lorsque le changement de direction a lieu dans l’intervalle de temps où l’archet est en contact avec les deux cordes (zone grise de la figure 6a). Les durées respectives de ces fausses attaques dépendent donc des deux paramètres d’exécution décrits auparavant, différence de phase et étendue relative du changement de corde, elles sont plus ou moins acceptables d’un point de vue perceptif, et elles définissent clairement des combinaisons de paramètres d’exécution optimaux. Il est intéressant de noter qu’il est impossible de minimiser toutes ces contraintes à la fois, puisqu’elles agissent dans des directions opposées. La zone optimale d’exécution résulte donc d’un compromis perceptif entre ces différentes caractéristiques sonores et est montrée en blanc dans la figure 6b, les zones colorées montrant les combinaisons de paramètres d’exécution pour lesquelles les durées de ces fausses attaques ne sont pas acceptables (en bleu et vert). La zone en rouge montre une autre contrainte liée à l’arrêt de la note précédente : si celui-ci est trop dur ou trop bruyant, l’exécution n’est pas non plus acceptable. D’autres contraintes ou caractéristiques ne sont pas représentées ici mais interviennent de manière évidente dans la préférence des instrumentistes: elles concernent la qualité de l’attaque de la note suivante et l’amplitude de vibration résiduelle dans la corde précédente (qui agit sur la sécheresse du bariolage).

Le fait que, dans ces tests, les musiciens ne pouvaient fonder leur jugement que sur des critères sonores montre que, pour une grande part, les caractéristiques de ces mouvements émergent d’une interaction primordiale entre l’audition et le contrôle moteur, c’est-à-dire que le geste est développé, ou optimisé, sous le contrôle critique de l’oreille, et en s’appuyant sur certaines caractéristiques sonores quantifiables. Cette conclusion peut paraître triviale, cependant, elle ne l’est pas totalement lorsque l’on considère les deux idées suivantes. D’abord, il est très difficile pour un violoniste de changer cette coordination apprise. Au terme de l’apprentissage, elle apparaît comme une nécessité motrice et, a contrario, toute tentative de changement apparaît comme une difficulté motrice, voire une impossibilité. Ensuite, au terme de l’apprentissage encore, le contrôle de l’oreille pour l’exécution de ces modes de jeu joue un rôle très minime, en tout cas bien moins important que pendant leur apprentissage, puisque le retour auditif n’est pas nécessaire pour leur réalisation. Dans un orchestre, par exemple, il n’est pas nécessaire d’entendre précisément ce que l’on joue, et l’exécution peut reposer en grande partie sur la mémoire motrice ou sur des retours liés au mouvement. Donc, face à un phénomène qui a toutes les apparences d’une nécessité motrice, il n’est pas immédiat de mettre clairement en évidence que cette nécessité émerge d’une autre origine, une origine auditive dans le cas qui nous intéresse ici.

 

 

Conclusion - Vers une application à la pédagogie musicale ?

 

L’objectif de cet article était de présenter les raisons pour lesquelles la recherche scientifique s’intéresse à l’expertise musicale. Nous nous sommes principalement concentrés sur la mesure de l’action du musicien sur l’instrument afin de décrire différentes technologies existantes et de donner un exemple concret d’étude. Ce n’est bien sûr pas la seule approche possible et de nombreuses recherches portent, par exemple, sur la psychologie de la musique, ainsi que sur ces aspects cognitifs ou neurologiques. Des descriptions plus complètes de ces aspects importants peuvent être trouvés dans la littérature (voir, entre autres, les articles ou livres de Gabrielsson, 2003, Sloboda, 1985, 2005, et Zatorre, 2007). Pour conclure cet article, il nous paraît intéressant de discuter l’utilité de ces recherches et leurs applications potentielles dans le domaine musical. La question peut se poser ainsi : nous avons vu en introduction que l’expertise musicale constituait un cas d’étude intéressant et stimulant pour de différents domaines scientifiques, mais, à l’inverse, est-ce que le produit de ces recherches peut être utile à son sujet, c’est-à-dire le musicien? Est-ce que le musicien peut en tirer des enseignements ou des outils qui lui servent dans sa propre pratique? Il est difficile de répondre à ces questions et ce n’est certainement pas le rôle du chercheur d’y répondre complètement : de manière évidente, seul le musicien, et chaque musicien individuellement, pourra dire s’il trouve un intérêt à ces recherches. Nous nous contenterons donc ici uniquement de donner des éléments de réponse en discutant plus particulièrement les applications possibles dans le domaine de la pédagogie musicale, certains pièges à éviter et certaines directions qui nous paraissent importantes.

L’étude du geste dans la performance musicale produit principalement deux types de résultats. D’une part, elle permet d’extraire de la connaissance, de décrire le geste et de comprendre certains mécanismes par lesquels l’expertise musicale se développe. D’autre part, elle produit des technologies dédiées à la mesure de la performance instrumentale, des capteurs et des manières de visualiser l’action de l’instrumentiste. Ces résultats trouvent une application évidente, au premier abord, pour la pédagogie musicale et l’aide au développement de la technique instrumentale. Cependant, il convient probablement de séparer ces deux types de résultats dans la discussion qui suit. L’analyse permet de décrire l’action d’un musicien, celui qui participe à la mesure, d’en déduire des caractéristiques de son geste, et d’enrichir notre compréhension des contraintes sur lesquelles se développe sa technique instrumentale. En effectuant des mesures sur de nombreux musiciens, il est possible de déduire un comportement moyen, ou modèle de geste. Concrètement, l’analyse permet de dire: « tel musicien fait cela de telle manière, et tel autre, de telle manière. De manière générale, en regardant toutes nos analyses, ils font les choses comme cela. » Appliquer cette connaissance à des outils technologiques pour la pédagogie musicale revient souvent, pour le chercheur, à développer des outils qui mesurent d’abord le geste d’un sujet, ou élève, puis qui portent automatiquement un jugement, c’est-à-dire qui vérifient que le geste mesuré correspond au geste moyen qu’on lui a donné en modèle. En d’autres termes, le but final de ce type d’approche est que le geste réalisé par l’élève se rapproche le plus possible d’un modèle donné. Pour le chercheur, cette manière d’envisager l’application de ces connaissances constitue un défi technologique intéressant. Cependant, il nous semble que, d’un point de vue pédagogique, une vision trop stricte de ce type d’implémentation est mal adaptée à son objet et que ce jugement automatique par la technologie seule devrait être évité autant que possible. En effet, la technique instrumentale comprend des éléments communs à tous les musiciens, bien sûr, mais elle comprend aussi des éléments qui dépendent de chaque personne (d’une physionomie particulière, par exemple). La technique instrumentale comprend des bases formées de défauts à bannir absolument, notamment pour des raisons médicales et pour éviter certains traumatismes physiologiques liés à la pratique instrumentale, mais son développement ne repose probablement pas sur l’imitation exacte et contrainte d’un modèle donné. Différentes stratégies gestuelles existent pour un résultat sonore à peu près équivalent et la sélection de telle ou telle stratégie gestuelle dépend de contraintes propres à chaque individu, voire de l’histoire et des rencontres de l’élève, ce qui en fait un processus difficilement généralisable et même potentiellement dangereux à généraliser pour le développement physiologique et musical de l’instrumentiste. L’application directe et non réfléchie des aspects descriptifs de l’analyse gestuelle dans des technologies de pédagogie musicale ne nous semble donc pas souhaitable. En revanche, la connaissance des mécanismes sur lesquels se développe la technique instrumentale pourrait permettre d’améliorer et d’optimiser les processus pédagogiques en aidant à visualiser et cibler plus précisément certaines contraintes sonores et gestuelles. En d’autres termes, un outil pédagogique automatique s’appuyant sur l’analyse du geste devrait être capable de proposer ou de donner des directions, d’offrir des moyens d’évaluation adaptables, d’aider l’élève à réfléchir sur sa performance et à explorer l’espace gestuel et sonore propre à l’instrument, plutôt que de contraindre vers une direction donnée.

À cet égard, les outils technologiques développés pour la mesure de la performance musicale pourraient être utiles si ils étaient incorporés de manière réfléchie dans un contexte pédagogique. Ces outils de mesure ne représentent finalement qu’une manière alternative et complémentaire d’observer objectivement l’exécution musicale, observation qui fait pleinement partie du processus d’apprentissage. De manière évidente, un musicien travaillant devant le miroir est à la recherche d’une observation alternative de ses mouvements. Un élève travaillant sa justesse avec un accordeur est aussi à la recherche d’une observation alternative et objective de son intonation. S’il s’enregistre, écoute et analyse cet enregistrement, ce sera aussi pour pouvoir observer a posteriori et de manière plus objective sa performance musicale en étant détaché des contraintes de l’exécution directe. Toutes ses manières d’observer la performance musicale utilisent des outils afin de travailler efficacement certains aspects précis de la technique instrumentale ou de l’interprétation. Nous disposons aujourd’hui d’une gamme assez complète d’outils permettant de visualiser les mouvements, d’analyser le son ou de mesurer certaines données physiologiques pertinentes (respiration ou contractions des muscles, par exemple) et nous pouvons donc très bien imaginer que ces systèmes puissent un jour être utilisés d’une manière similaire pour le développement de l’expertise musicale. Cependant, la technologie ne peut pas et ne doit pas tenter de remplacer le professeur. Elle ne peut être qu’un outil et seulement un outil qui s’insère dans le dialogue entre l’élève et son enseignant. Elle devrait permettre de faciliter la communication et d’aider à réaliser les objectifs définis dans un processus pédagogique humain. Pour cela, il faudra d’abord que ces outils sortent du laboratoire et du contexte scientifique où ils sont cantonnés, ce qui suppose des améliorations technologiques pour les rendre facilement utilisables dansuncontextepédagogique réel et par un public non spécialiste.Il faudra aussi, et c’est le plus important, créer des interactions avec des pédagogues intéressés par ces technologies afin de les développer de manière pertinente. Aujourd’hui, les applications pédagogiques de ces outils sont majoritairement imaginées par des gens dont le métier n’est pas d’enseigner la musique, c’est-à-dire les chercheurs qui développent ces technologies, et il n’est donc pas étonnant que, dans la plupart des cas, ces applications ne correspondent pas aux besoins pédagogiques réels, ou pire, soient fondées sur des idées pédagogiques fausses. En d’autres termes, si ces technologies devaient être utilisées à l’avenir dans un contexte musical, cela ne pourra se faire que par une interaction forte avec des enseignants volontaires, intéressés et consentants, et dans un cadre qui reste à définir.

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Notes

1Le site de Knut Guettler n’est malheureusement plus maintenu, mais il contient toujours des informations intéressantes pour les musiciens intéressés par les problématiques acoustiques des instruments à cordes. 

2De nombreux exemples ont été mis en ligne par E. Schoonderwaldt. Voir notamment

Pour citer ce document

Matthias Demoucron, «Mesure et analyse du geste dans la performance musicale», La Revue du Conservatoire [En ligne], La revue du Conservatoire, Le troisième numéro, Dossier les savoir-faire de l’artiste, mis à jour le : 23/06/2014, URL : https://larevue.conservatoiredeparis.fr:443/index.php?id=998.

Quelques mots à propos de :  Matthias Demoucron

Matthias Demoucron a effectué sa thèse de doctorat à l’Université Pierre et Marie Curie (Paris) et au Royal Institute of Technology (Stockholm) et l’a soutenue en 2008 à l’IRCAM (Paris). Son travail de recherche porte sur la performance musicale, le contrôle de la synthèse sonore et la modélisation physique, en particulier pour les instruments à cordes frottées. Depuis 2009, il travaille à l’Institute for Psychoacoustic and Electronic Music (IPEM) à l’Université de Gand. Contact