Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris
n°7
Sylvie Pébrier

Focale sur les publications du Mozarteum de Salzbourg

Article

Texte intégral

Le Mozarteum, fondé en 1841 à, devient en 1970école supérieure d’enseignement, puis en Université de la musique et des arts figuratifs (Université Mozarteumde Salzbourg). Le volant principal de la recherche porte sur Mozart. En 1931 est érigé l’Institut central pour la recherche mozartienne, qui a notamment établi la nouvelle édition critique monumentale des œuvres de Mozart (1953-1995). De son côté, l’Institut pour l’opéra mozartien organise des productions, des concours de chant et des séminaires. Du point de vue musicologique, la recherche sur l’histoire de la réception et de l’interprétation de l’œuvre de Mozart se déroule d’un côté dans le cadre de l’IMRI (Institut für Musikalische Rezeptions- und Interpretationsgeschichte, Institut pour l’histoire de la réception et de l’interprétation musicale), dont les publications sont signées Wolfgang Gratzer, Joachim Brügge, Thomas Hochradner…, et de l’autre dans le cadre de l’Institut d’herméneutique musicale où l’on retrouve Wolfgang Gratzer aux côtés de Siegfried Mauser et Gernot Gruber. L’année Mozart en 2006 a été l’occasion de la sortie de publications importantes.

 

On le sait peut-être moins, en 1961, Carl Orff crée une école au sein du Mozarteum qui devient un lieu important pour la pratique et la transmission de sa pédagogie. En 1983 est créé le Forum de Salzbourg pour l’Orff-Schulwerk, qui est le centre du réseau international des sociétés Orff-Schulwerk et des institutions affiliées. Des publications viennent attester de cette histoire. Notons la publication bilingue (allemand, anglais) en 2011 chez Schott, intitulée Studientexte zu Theorie und Praxis des Orff-Schulwerks, Texts on Theory and Practice of Orff-Schulwerk [Textes sur la théorie et la pratique de l’atelier Orff], sous la direction de Barbara Haselbach et Esther Bacher.

 

Les publications de l’Université Mozarteum de Salzbourg connaissent un grand élan depuis 2008 avec une étonnante diversité de parutions touchant l’histoire de la réception de compositeurs patrimoniaux (Bach, Haydn) et contemporains (Olga Neuwith) ou l’étude de l’interprétation avec Nikolaus Harnoncourt (qui y enseigna entre 1973 et 1993 et dont les cours ont constitué la trame des ouvrages fondateurs que sont Le Dialogue musical et Le Discours musical), et comptant également un ouvrage consacré à la poétesse, nouvelliste et librettiste Ingeborg Bachmann, ainsi que des publications traitant des relations entre art et politique.

 


	Karin Hochradel, Olga Neuwirth und Elfriede Jelinek gemeinsames Musiktheaterschaffen [Les Œuvres de théâtre musical communes d’Olga Neuwirth et Elfriede Jelinek], publications de la recherche salzbourgeoise sur la musique et la danse, Peter Lang Bern, 2010.

Karin Hochradel, Olga Neuwirth und Elfriede Jelinek gemeinsames Musiktheaterschaffen [Les Œuvres de théâtre musical communes d’Olga Neuwirth et Elfriede Jelinek], publications de la recherche salzbourgeoise sur la musique et la danse, Peter Lang Bern, 2010.

 

La compositrice Olga Neuwirth, née en 1968, a composé six drames musicaux sur des livrets de la femme de lettres autrichienne et lauréate du prix Nobel Elfriede Jelinek : Robert der Teufel [Robert le diable], Körperliche Veränderungen [Les Altérations corporelles], Der Wald [La forêt], Aufenthalt [Séjour], Bählamms Fest [La Fête de l’agneau] d’après Leonora Carrington en 1997-1998 et Lost Highway [La Route perdue] d’après le film de David Lynch en 2002-2003 qui montre la progression du doute dans l’esprit du saxophoniste Fred au sujet de la fidélité de sa femme. Cet univers confus est le théâtre d’une explosion de violence verbale et sexuelle dont la compositrice rend sensible le disparate et l’arbitraire.

La démarche de déconstruction de l’opéra d’Olga Neuwirth passe en effet par une remise en cause de la hiérarchie des arts comme de leur convergence dans l’œuvre d’art total wagnérienne. Au contraire du Gesamtkunstwerk, Olga Neuwirth refuse l’illusion d’une œuvre homogène et choisit de montrer l’hétérogénéité de l’ensemble en soulignant les articulations, devenues « sutures ».

Le premier chapitre du livre de Karin Hochradel traite des modalités du théâtre musical, du milieu des années 1970 à aujourd’hui, et distingue les traits de style de la compositrice qui s’y rapportent ou s’en éloignent. Les chapitres 2 à 4 présentent les positions communes d’Elfriede Jelinek et Olga Neuwirth en matière d’esthétique, de processus de création, de réception et les aspects concrets du travail qu’elles ont mené ensemble, avec quelques excursions comparatives chez Hans Werner Henze et Ingeborg Bachmann. Rappelons que les deux femmes ont également collaboré pour des pièces radiophoniques, Todesraten [Les Taux de la mort] en 1997 et Der Tod und das Mädchen [La Jeune Fille et la Mort] en 1999.

Les chapitres 5 et 6, qui composent la dernière partie, sont consacrés à l’analyse des six œuvres, en termes de forme, d’instrumentation, de style et de technique scénique. Cette analyse est reliée aux déclarations esthétiques de la compositrice.

Si ce livre est réservé aux germanophones, on peut en revanche trouver un excellent article en français sur la compositrice de Laure Gautier, « Olga Neuwirth, vigilance oblige », publié dans la revue Filigrane sur le site de la Maison des Sciences de l’homme de Paris Nord. Cet article montre la façon singulière qu’a Olga Neuwirth de penser l’articulation des enjeux esthétiques et politiques. Aux antipodes des revendications de force, elle fait de la fragilité un emblème esthétique, de l’instabilité un principe formel, des caractères opaques et hybrides de la musique des lieux de résistance : « je veux simplement au travers de ma musique rappeler la douleur et la délicatesse qui entourent le monde, ce qui est trouble dans l’espace public, ce qui est vain dans la vie des hommes.»

Les œuvres d’Olga Neuwirth disponibles à la médiathèque du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris représentent 40 entrées : parmi les œuvres étudiées dans le livre de Karin Hochradel, se trouvent Bählammsfest (en CD par le Klangmusikforum Wien dirigé par Johannes Kalitzke, et de nombreux extraits en partition), Aufenthalt (en partition), Lost Highway (en CD par la même équipe). Ne pas manquer son œuvre pour orchestre Clinamen/Nodus (CD par le London Symphony Orchestra dirigé par Pierre Boulez), son quatuor Settori (en parties et partition), les nombreuses pièces pour instrument solo (trompette, piano, basson…), ainsi qu’une pièce pour basson et accordéon.

Pour citer ce document

Sylvie Pébrier, «Focale sur les publications du Mozarteum de Salzbourg», La Revue du Conservatoire [En ligne], Kiosque International, La revue du Conservatoire, Le deuxième numéro, mis à jour le : 13/06/2013, URL : https://larevue.conservatoiredeparis.fr:443/index.php?id=697.

Quelques mots à propos de :  Sylvie Pébrier

Professeure associée d’histoire de la musique au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris