Colloque Roland-Manuel (novembre 2016) | "Comment écoutez-vous la musique ?". Définitions et généalogies de l’esthétique musicale dans le contexte musicographique des années 1930-1960 (Roland-Manuel, Souvtchinski, Schloezer)
- Résumé
- Abstract
Cet article replace Roland-Manuel au centre d’une constellation de théoriciens qui ont apporté une contribution décisive à la définition de l’« expression » en musique, mise en crise par Stravinski dans les années 1930-1960.
Plan
Texte intégral
L’introduction de cette présentation1 posera une question, glissera une remarque et formulera une constatation. La question est la suivante : de la lecture des écrits musicographiques de Roland-Manuel, peut-on déduire une définition homogène de l’esthétique musicale ? Je crois précisément que, telle une synecdoque, le bref texte « Comment écoutez-vous la musique ? » de 19532 cristallise les principes généraux d’une esthétique de la musique (littéralement appréhendée comme théorie du beau musical), dont l’objet serait le langage musical et dont la finalité serait celle d’une écoute apaisée. Cet essai, publié dans le cadre des Cahiers du Journal musical français, n’est ni plus ni moins que la trame de son ouvrage Sonate que me veux-tu ? de 19573. Une compréhension adéquate de la musique impliquerait alors que la saillie déconcertante de Fontenelle (« Sonate, que me veux-tu ? »), à l’origine du titre du livre de Roland-Manuel, n’ait, in fine, plus de raison d’être.
La remarque est la suivante : assurément, l’une des particularités des écrits de Roland-Manuel, c’est qu’ils ont du style. Deux extraits de son Ravel pour le « plaisir » de la formule : « Car ce parc à la française, placé comme une oasis de féerie au milieu du désert castillan, compose le paysage le plus ravélien du monde avec ses alamedas et son palais qui se souvient de Marie-Louise de Savoie et de Domenico Scarlatti : des masques de fontaine y crachent l’eau du Tage dans des vasques où boivent les oiseaux, à deux pas de ce salon de porcelaine dont le décor multiplie les images d’une Chine entièrement artificielle4. » Ou encore : « Ravel ne spécule pas sur le sentiment : il ordonne la sensation ; mais, à la limite de la tension, à l’extrême du calcul, il délivre un charme qu’il n’a pas appelé, et que la rigueur obstinée eût été bien incapable de produire5. »
La constatation est la suivante : si j’ai souhaité inscrire Roland-Manuel dans une triangulation musicographique, c’est pour mieux montrer qu’en réalité un nom manque, et c’est en partie par rapport à lui que les enjeux esthétiques selon Roland-Manuel, Schloezer et Souvtchinski peuvent être appréhendés : il s’agit de Stravinsky et de ses conceptions sur l’expression en musique. Or, il me faut préciser que cette triangulation sera d’autant plus révélatrice que si la posture intellectuelle de Souvtchinski s’avère indissociable de la cause eurasiste (Souvtchinski se présentant comme plus stravinskien que Stravinsky lui-même), la culture de Roland-Manuel est humaniste, attachée aux Lumières, en fin lecteur de Rameau et de Chabanon qu’il fut, quand celle de Schloezer, très lié à Scriabine, joint le formalisme russe au symbolisme spiritualiste.
La notion d’expression selon Roland-Manuel
Quid de l’expression en musique pour Roland-Manuel ? « [L’]auditeur ressent confusément que la musique, art du mouvement (ars bene movendi, disaient les Anciens), ébranle par affinité cette sourde puissance qui participe en nous de l’instabilité physiologique et qu’on désigne précisément du nom d’émotion. C’est parce qu’elle est pur mouvoir que la musique possède la faculté de nous émouvoir, d’éveiller en nous un monde flottant, parfois inquiétant, de sensations, d’images et d’idées qu’elle suscite sans jamais les imposer6. » Cette phrase est tirée du bref essai « Comment écoutez-vous la musique ? ».
Et d’ajouter plus loin :
Est-il vraiment si difficile de se mettre en état d’accueillir la musique et de la comprendre ? La difficulté serait bien près d’être résolue si nous nous rangions d’abord à l’évidence en convenant que la musique ne saurait exprimer que ce qu’elle contient, à savoir le sentiment musical. Ce n’est donc pas comprendre la musique que surprendre l’histoire qui s’inscrit en marge de son développement ou le motif secret de son inspiration. La musique n’est pas une devinette. L’histoire qu’elle raconte, c’est la sienne. Autant dire qu’elle ne s’explique que par elle-même. […] La compréhension de la musique ne requiert pas autre chose, dans le champ d’une attention éveillée, qu’une intuition sensible qui escompte ce qui va se produire en conséquence de ce qui s’est produit. Affaire non de technique, mais d’accoutumance au langage. Écouter la musique, c’est la saisir au passage ; l’accueillir avec confiance ; la retenir dans son esprit et dans son cœur. Écouter la musique, ce n’est pas rêver à ce qu’elle nous suggère : c’est coïncider avec ses mouvements, épouser ses formes sans cesse renaissantes dans leur développement imprévisible et secrètement attendu ; c’est participer à ses élans, à ses repos ; c’est escompter les rencontres et les surprises de la merveilleuse aventure et des brûlants conflits du son et du temps. On conviendra que l’aventure, ainsi comprise, est un peu plus exaltante que tant de considérations sur les malheurs du génie et les à-côtés de la question7.
À lire ces phrases de Roland-Manuel, on se rend compte qu’elles contiennent déjà en germe l’essentiel du quatrième chapitre de l’essai Sonate que me veux-tu ?, publié à Lausanne en 1957. « Car si le langage de la musique peut nous saisir et nous charmer immédiatement, s’il nous touche et s’il nous atteint sans l’intermédiaire des idées et des mots, comment pourrions-nous le traduire en toute autre langue que la sienne ? Pourquoi tant d’esprits généreux, faute de prendre la musique pour ce qu’elle est, veulent-ils absolument la persuader d’exprimer autre chose que ce qu’elle dit ? Moyennant quoi, la question posée par Fontenelle reste toujours ouverte pour le commun des mortels8. » En tant qu’un ensemble de « réflexions sur les fins et les moyens de l’art musical », l’ouvrage Sonate que me veux-tu ? aura marqué sa décennie, proposition forte quant à une définition sensible du statut ontologique et épistémologique de la musique, dont on perçoit encore maint écho dans les Éléments d’esthétique musicale de 2011 sous la direction de Christian Accaoui : « L’esthétique s’intéresse aux œuvres, elle les admire, elle y prend plaisir, elle les commente et les questionne. Une fois ce point de départ admis, un constat s’impose : la musique tour à tour parle, peint, fait rêver, émeut, divertit, console, tonifie, amuse, élève, exalte, solennise, ritualise, fait danser, s’adresse à l’intelligence des formes, porte à la mélancolie ou au rire, excite, calme, intéresse9. » Pour autant, l’encyclopédie de 2011 ne soulève pas les mêmes interrogations car elle n’est pas le fruit d’un même imaginaire intellectuel et sensible. J’aimerais montrer que les travaux de Roland-Manuel sont de leur temps et qu’ils dialoguent, sans nécessairement l’afficher, avec d’autres positionnements esthétiques, en particulier ceux de Ravel, Souvtchinski, Stravinsky, ou encore Schloezer, mais qu’ils sont aussi pétris de cette culture de l’homme de goût, du bel esprit éclairé, dont les lectures vont d’Aristote à Paul Valéry, ou de Chabanon à Chesterton. Il est utile de souligner que cet essai d’esthétique musicale n’aurait pas été tel s’il n’avait pas été lié autant à l’activité de composition qu’à celle de l’enseignement, et plus généralement à la démarche de vulgarisation. Or, réfléchir sur les fins et les moyens de l’art musical, questionner tout à la fois l’écoute, la forme et l’expression, c’était pour Roland-Manuel exposer des principes esthétiques qui pouvaient entrer en résonance avec des imaginaires où la question de la poétique et du style étaient cruciaux, à l’exemple de Stravinsky dans sa Poétique musicale10, recueil de conférences rédigées en français pour Harvard et données durant l’hiver 1939-194011, mais aussi de Boris de Schloezer dans son Introduction à Jean-Sébastien Bach de 194712. Les pré-requis des thèses esthétiques de Roland-Manuel s’inscrivaient au demeurant dans une généalogie de pensée prolongeant Chabanon et ses Observations sur la musique13, où la substance est réévaluée sans pour autant que l’effet soit nié, thèses esthétiques en réalité davantage en phase avec cette définition de Rameau (« pour jouir pleinement de la musique, il faut être dans un pur abandon de soi-même14 ») qu’avec un quelconque formalisme dogmatique dont on trouve les avatars chez les épigones du message stravinskien déformé.
Reprenant à juste titre la remarque de Renoir15, Roland-Manuel aime à suggérer que le modèle est là pour « allumer le peintre ». Je le cite : « Chabanon entreprend de montrer que le pouvoir expressif du langage musical repose à la fois sur les conventions répétées qui participent à l’acquisition de ce que nous appellerions aujourd’hui le réflexe conditionnel et sur les éléments d’affinité dynamique qui unissent l’activité psychique au jeu sonore par des liens qui ne sont pas illusoires16. » Roland-Manuel insiste sur le fait que la musique agit sur nos sens par sa capacité à organiser et à qualifier le temps, comme dialectique du son et du mouvement, tout en invitant « à l’attention », pour citer l’expression de Claudel17.
La triade Roland-Manuel – Souvtchinski – Stravinsky
La même année que l’essai « Comment écoutez-vous la musique ? » paraît l’ouvrage collectif Musique russe18sous la direction de Pierre Souvtchinski auquel participent entre autres André Schaeffner, Boris de Schloezer et le jeune Boulez de « Stravinsky demeure »19. Si je mets en perspective ces deux contributions, celle de Roland-Manuel et le collectif sous la direction de Souvtchinski, c’est que Roland-Manuel et Pierre Souvtchinski s’étaient retrouvés dès 1939 tous deux associés à la Poétique musicale de Stravinsky. Pour écrire ce livre, Stravinsky avait fait appel à ces deux collaborateurs de culture différente – un Français et un Russe –, qu’il avait rémunérés pour leurs participations. Étrangement, Stravinsky attendit les toutes dernières années de sa vie pour reconnaître, « du bout des lèvres » comme l’écrit à juste titre Valérie Dufour20, l’évidence de cet usage particulier de collaboration littéraire. C’est Souvtchinski qui suggéra lui-même au compositeur de confier une partie du travail à Roland-Manuel. Dans une lettre du 26 avril 1939, Souvtchinski écrit ces mots à Stravinsky :
Roland-Manuel part à Sancellemoz samedi matin et il sera chez vous dans la soirée ; il vaut mieux battre les conférences pendant qu’elles sont brûlantes. […] En un mot, tout s’est miraculeusement réglé. Je suis moi-même très content en premier lieu pour vous : il fallait vous décharger de ce fardeau, et créer des conditions favorables de travail. Roland-Manuel, par rapport à tout ceci, pourra vous être un[e] meilleur[e] [sic] aide que moi, de par sa connaissance de la langue française et pour toute une série d’autres raisons. Lui-même a accueilli cette proposition avec enthousiasme ; de la discussion avec lui j’ai compris qu’il voudrait recevoir mille Francs tout de suite avant son départ ; […] il va également apporter tous les livres nécessaires. Je lui ai à grands traits énoncé le plan et les têtes de chapitres des conférences qui lui ont bien plu. Je suis content pour vous, pour Roland-Manuel et bien sûr je ne suis pas content pour moi que cette coïncidence de circonstances ne me permette pas d’être à sa place21.
La correspondance entre les trois protagonistes (Stravinsky, Souvtchinski, Roland-Manuel) montre que c’est au jugement de Souvtchinski que Roland-Manuel soumettait son travail de rédaction avant de le faire parvenir à Stravinsky. On peut, après Valérie Dufour qui amende Myriam Soumagnac, « établir la collaboration triangulaire sous la forme d’un cycle partant et revenant à Souvtchinski ». « Si Souvtchinski concevait, engendrait les idées, Stravinsky les assimilait et les développait brièvement, alors que Roland-Manuel les déployait, mettait en forme, amplifiait et complétait22. »
Pierre Souvtchinski, dont les archives commencent à être bien connues, est une personnalité dont le rôle a surtout été, pour reprendre un mot de Pierre Boulez, celui d’un « intermédiaire qui avait du temps ». « Il avait ses aises autant avec la littérature qu’avec la musique », précise Boulez dans l’entretien qu’il a accordé à Claude Samuel pour la sortie en 2006 de l’anthologie discographique autour des concerts du Domaine musical. Souvtchinski, proche de Prokofiev et de Stravinsky, mais aussi des écrivains Blok et Akhmatova ou du linguiste Troubetskoï, aura connu l’exil. Installé à Sofia puis à Berlin, il s’établit définitivement à Paris en 1925. Après avoir fait partie du mouvement eurasiste, il incarnera à partir des années 1930 cet esprit d’initiative qui l’incite, pour reprendre les mots de Valérie Dufour, à entretenir « des relations épistolaires avec de nombreuses personnalités : Boris Pasternak, Maxime Gorki, Charles Munch, ou encore Antonin Artaud […]. Après la [deuxième] guerre, [à partir de 1946,] Souvtchinski rencontre Pierre Boulez23. » Tous deux seront liés pendant l’aventure du Domaine musical. Cette expression de « domaine musical », si elle demeure une expression de Boulez lui-même, est inspirée d’une contribution écrite de Souvtchinski « Domaine de la musique russe ». C’est ce texte, précisément, qui ouvre le collectif Musique russe publié en 1953, sous la direction de Souvtchinski24. En réalité, cette contribution de Souvtchinski n’est autre que la synthèse d’un essai de plus longue haleine que Souvtchinski a tenté de publier chez Gallimard, sous le titre Un siècle de musique russe, essai que l’éditeur lui avait commandé dès décembre 194325. Souvtchinski souhaitait « rassembler quatre grands destins de la musique russe », de Glinka à Stravinsky en passant par Tchaïkovski et Moussorgski. Il a fallu attendre 2004 pour que ce livre voie le jour chez Actes Sud, grâce à Frank Langlois. Malheureusement l’édition est lacunaire.
« Les thèses de Pierre Souvtchinski sur le temps musical constituent la clé de voûte de sa pensée26 », écrit Valérie Dufour dans Stravinski et ses exégètes, ouvrage de 2006. Souvtchinski présente dans sa typologie des créations fondée sur l’expérience du temps musical, article pour le numéro spécial Stravinsky de La Revue musicale de mai-juin 1939, la différence fondamentale entre le temps musical wagnérien lié au pathos romantique, autrement dit une dramaturgie liée à l’expression des sentiments et de l’émotion, et le temps musical stravinskien qui s’abstrait de tout réflexe émotif. Cette thèse de Souvtchinski apporte à Stravinsky la justification de son procès de l’expression en musique, déjà présent dans Chroniques de ma vie. Souvtchinski écrit en substance que Stravinsky a réintroduit les lois formelles et l’ordre dans l’art musical et fait de la spéculation musicale abstraite le fondement de la musique. On ne peut être plus clair en matière de défense de l’objectivité et de l’autonomie de la musique fondée sur le rythme universel.
La question épineuse du statut de l’expression en musique est au cœur des échanges de Roland-Manuel avec Stravinsky durant la genèse de la Poétique musicale. Roland-Manuel notait dès février 1939, dans ses cahiers de conversations avec Stravinsky :
Je lui rappelle le mot de Fontenelle : « Sonate, que me veux-tu ? » – S.27 – Ils demandent tous à la musique un moyen de sortir de la vie… On en revient toujours au quoi et au comment : le quoi répond au pathétisme, au dolorisme ; le comment nous laisse ou nous introduit sur le plan du formel… ce qui est créé ne ment pas… […] En affirmant que l’expression n’a jamais été l’expression immanente de la musique je n’ai pas songé à nier que l’homme ne s’exprime pas dans son œuvre : il ne peut pas faire autrement. L’artiste fait toujours son propre portrait. Je prétends qu’on ne peut pas se servir de la musique comme moyen d’expression mais toute musique exprime son auteur. – Je demande des explications sur telles de ses œuvres où la musique est accordée à une action, à un spectacle (ballets, Petrouchka). – La musique n’exprime pas l’action, mais il faut qu’elle lui aille, comme on dit que le noir sied aux blondes. Aucune convention là-dedans : une situation se déroule dans cette musique plutôt que dans une autre dont la présence serait moins heureuse. […] Quand vous vous imaginez que la musique exprime quelque chose, ce n’est pas elle qui exprime : c’est votre attitude, vos habitudes d’oreille et d’esprit qui vous font croire qu’elle donne ce résultat28.
On aurait néanmoins tort de trop vite rapprocher les intuitions esthétiques de Roland-Manuel, pétries de la culture des Lumières (de cet humanisme attaché au « dictionnaire de la nature »), de celles spiritualisantes et eurasistes de Souvtchinski, ainsi que des thèses stravinskiennes sur l’objectivité du musical, où la posture a fini par l’emporter sur la réalité de la démarche. On ne peut en effet que débusquer la posture dans cette quête affichée d’universalisme, universalisme ouvertement déconnecté de son atavisme russe, et indissociablement lié à l’émergence du néoclassicisme et de sa réception (Stravinsky in fine biaise quand il répond aux remarques et arguments dialectiques de Roland-Manuel, puisque cette déconnexion n’est que de façade29). Posture débusquée par Schloezer, et, plus près de nous, par Richard Taruskin et Anne Rousselin30.
Les types de poétisation de la musique instrumentale à l’époque moderne sont tellement multiples, qu’il est utile de s’interroger sur la validité du concept d’autonomisation du phénomène musical. Peut-on raisonnablement parler d’autonomie du fait musical (même s’il y a émancipation de genres centrés sur le domaine instrumental), quand on continue de lui appliquer des critères analogiques ? Les réflexions bien connues de Stravinsky dans Chroniques de ma vie (1935), mais aussi celles de Boris de Schloezer (1947) qui n’en sont paradoxalement donc pas si proches, permettent de comprendre l’évolution des thèses formalistes au cours du XXe siècle. La thèse de Stravinsky sur l’expression (elle « n’a jamais été la propriété immanente de la musique31 ») ne doit pas être confrontée aux genres qu’il a abordés, puisqu’il a composé de la musique vocale ou de la musique de ballet auxquelles s’applique cette même définition, comme à toutes ses autres œuvres. Stravinsky n’interroge donc pas la musique comme une musique centrée sur les seuls sons instrumentaux. Bien au contraire, il propose une définition générale de la musique, appréhendée comme un « ordre », une « construction », un « jeu de formes » (au sens large, qu’elles soient vocales, instrumentales, liées à la danse ou non, etc.) qui « produi[sen]t une émotion »32.
Le formalisme de Boris de Schloezer
L’imprégnation du formalisme linguistique russe est encore plus apparente chez Boris de Schloezer dont les thèses ont fortement inspiré l’avant-garde musicale au sortir de la Deuxième Guerre mondiale (Boulez, mais aussi Boucourechliev par exemple), même si, in fine, Schloezer se disait moins formaliste que Stravinsky. « Lorsque les musiciens de ma génération ouvrirent, au lendemain de la guerre, l’Introduction à Jean-Sébastien Bach, [écrit Boucourechliev,] ils eurent l’impression que pour la première fois on leur parlait du phénomène musical, tel qu’ils le concevaient et le vivaient eux-mêmes33. » Il serait bien sûr trop réducteur de ne voir en Schloezer que l’auteur de ce livre fondamental. Il est avant tout une personnalité dont la pensée a embrassé bien des domaines, de sa connaissance des plus grands auteurs russes à son activité de musicographe (citons par exemple son essai de 1923, en russe, consacré à Scriabine34, jusqu’à l’ouvrage intitulé Problèmes de la musique moderne coécrit avec Marina Scriabine35, ou ses critiques musicales pour La Nouvelle revue française ou La Revue musicale, ou encore son fameux Stravinsky publié en 192936). Comme spécialiste de la littérature russe, Schloezer traduit entre autres La Guerre et la Paix de Tolstoï, Les Frères Karamazov et Les Démons de Dostoïevski, il publie un essai sur Gogol, mais aussi un article sur Tchekhov dont la première version remonte à 1932. On lui doit aussi d’avoir commenté de manière minutieuse la philosophie de Chestov.
Imprégné d’esthétique scriabinienne, Schloezer était devenu persona non grata auprès de Stravinsky et de son entourage après la publication du Stravinsky de 1929. Voici une lettre du 12 juillet 1939 de Souvtchinski à ce sujet, qui sous-entend que Roland-Manuel pourrait devenir l’interlocuteur idéal de Stravinsky (sous-entendu, il pourrait proposer une alternative à Schloezer, alternative qu’avaient déjà représentée les travaux de Schaeffner sur Stravinsky à partir de 1931) : « […] monsieur Schloezer a manifesté à maintes reprises une partialité qui ne le désigne pas à mon sens pour entreprendre une telle étude et je crois répondre à ce souci d’objectivité en vous conseillant de faire appel à monsieur Roland-Manuel […]37. »
Qu’en est-il, à présent, des interactions entre les écrits esthétiques de Roland-Manuel et ceux de Boris de Schloezer ? Il est important de souligner que, si Schloezer a pu être assez critique envers les écrits de Roland-Manuel, ce dernier a toujours été très ouvert et enthousiaste à l’égard de Schloezer. Pour Schloezer, style et expression sont des notions centrales, en particulier dans l’Introduction à Jean-Sébastien Bach, mais aussi dans nombre d’articles rédigés pour les revues françaises de l’époque (La Revue musicale dès 1921 et La Nouvelle Revue française, la revue Polyphonie d’André Souris à partir de 1947, Contrepoints de Fred Goldbeck).
À propos d’un numéro spécial sur Ravel paru dans La Revue musicale en 1925, Schloezer écrit dans La Nouvelle Revue française (1er juin 1925) : « les excellents musiciens que sont Vuillermoz et Roland-Manuel ont fait œuvre de purs littérateurs38. » Ou le 1er mars 1926, dans La Revue musicale : « Ce qui me sépare de Roland-Manuel et de certains de mes collègues […] c’est que, pour moi, la critique musicale doit être une science (je vois d’ici sourire bien des gens). […] [I]ls éliminent l’objet esthétique, la chose concrète […] pour se renfermer dans le monde de leurs impressions […]39. » Ou enfin, le 1er octobre 1939 dans La Nouvelle Revue française, Schloezer insiste sur ce qui le sépare de Roland-Manuel, mais aussi de Souvtchinski, concernant Stravinsky : « […] il ne faudrait pas se figurer que notre refus (comme paraît le croire Roland-Manuel […]) tient à notre attachement exclusif au romantisme […]. […] l’esthétique musicale fourmille d’équivoques et de malentendus. […] Autrement dit, l’œuvre musicale a-t-elle un contenu psychologique ? À cette question, Stravinsky répond par la négative, en quoi il a pleinement raison selon moi. Cependant, si la musique n’est pas le langage des émotions, il ne s’en suit pas qu’elle n’exprime rien, car son contenu pourrait être d’ordre intellectuel, spirituel40. » Schloezer déplore que Souvtchinski, zélé partisan des thèses stravinskiennes, développe par ailleurs une « métaphysique d’origine heideggérienne », assez lourde et absconse, au « ton naïvement dogmatique ». Les écrits de Schloezer étaient donc paradoxalement souvent en désaccord avec l’orientation stravinskienne, tout en étant opposés à tout dilettantisme subjectiviste.
C’est le chapitre intitulé « Les signes expressifs » dans Introduction à Jean-Sébastien Bach qui est le plus riche d’enseignements par rapport à notre problématique. Schloezer insiste sur le fait que les schèmes expressifs relèvent de l’ordre du signe : « Tout phénomène expressif est un signe ; tout signe cependant n’est pas expressif. » Schloezer précise alors sa pensée :
L’essentiel, c’est que ces signes n’ont pas à être interprétés, déchiffrés : leur sens nous est donné avec leur forme. […] l’œuvre musicale donne couramment lieu à des interprétations divergentes […]. Faut-il donc reconnaître qu’une sonate est incapable d’exprimer, ni directement (à la façon des signes dits organiques), ni indirectement (raisonnement par analogie) et que le sens psychologique que nous sommes portés à lui attribuer n’est qu’un ajout dû à un ensemble de conventions et d’associations que l’habitude a fixées et rendues inconscientes ? […] Il apparaît alors que la structure de l’œuvre comporte toujours certains signes expressifs que j’appellerai esthétiques ; on peut les classer en deux catégories41.
En guise de conclusion
« Sonate que me veux-tu ? » : il est évident que la phrase apocryphe de Fontenelle n’aura pas impliqué les mêmes sous-entendus selon les horizons d’attente. Originellement, cette formule interrogative concerne les sonates ou sinfonie italiennes qui ne cessent d’intriguer le philosophe et poète français42. Celui-ci se demande bien ce qu’il peut comprendre à ces genres instrumentaux et à la virtuosité qu’ils véhiculent. Cette formule interrogative est devenue, au cours du XXe siècle, le symptôme d’une prise de conscience, de plus en plus affichée, d’une écoute fondée sur l’expression intrinsèque du musical, ce qui est en particulier le cas sous la plume de Boucourechliev43, héritier de la pensée de Schloezer. « Nous sommes malades de deux siècles de vaine quête d’une « signification », d’un sens rationnel de la musique dont le langage serait le « porteur »… Or, en musique, rien n’est porteur d’autre chose44 », écrit Boucourechliev. Nombreux sont les compositeurs de la génération de 1925, dans la lignée des thèses de Schloezer, à avoir été attachés à l’autonomie des structures. Ce fut même la tendance la plus saillante au sortir de la Deuxième Guerre mondiale. Le monde spéculatif des avant-gardes, intrinsèquement lié à la définition des « chronosophies musicales45 » des années 1950, entre modernité, immanentisme, sens et structure autonome du matériau, estimait que le formalisme stravinskien « butait » sur la question du néoclassicisme. C’est en partie pour cela que Boulez, Souris ou Boucourechliev ont lu avec attention les thèses de Schloezer. Souvtchinski n’aura eu de cesse de susciter les conditions des retrouvailles entre Stravinsky et la génération de Boulez ; quant à Roland-Manuel, on ne soulignera jamais assez sa démarche de pédagogue et d’humaniste. Ce dernier aura imagé son discours et adouci sa pensée, réintroduisant de la poésie dans le formalisme46. Ne ressort-il pas de ces réflexions sur le statut de la musique ou sur toute théorie du beau musical (ce qui était originellement au cœur des questionnements esthétiques de Roland-Manuel) qu’elles sont indéniablement liées à la part du symbolique ?
On connaît d’autant mieux l’impact et la postérité de la question de Fontenelle qu’elle avait été relayée par Rousseau dans le Dictionnaire de musique de 176847 : « Pour savoir ce que veulent dire tous ces fatras de Sonates dont on est accablé, il faudrait faire comme ce peintre grossier qui était obligé d’écrire au-dessous de ses figures ; c’est un arbre, c’est un homme, c’est un cheval. Je n’oublierai jamais la saillie du célèbre Fontenelle, qui se trouvant excédé de ces éternelles Symphonies, s’écria tout haut dans un transport d’impatience : Sonate[,] que me veux-tu ?48 » En décidant d’écrire un article intitulé « Sonate que me veux-tu ? » en 196449, Boulez interroge la question de l’adéquation entre structure et matériau. Son titre, bien évidemment, n’induit pas les mêmes préalables que ceux du temps des Lumières, ni même que ceux contenus dans les essais d’esthétique de Roland-Manuel, mais porte sur la genèse et l’esthétique de la Troisième Sonate pour piano de 1957. Un titre révélateur de son temps, celui de l’irrigation du sérialisme par la mobilité de la forme. C’est bien, en effet, dans « Sonate que me veux-tu ? » que Boulez parle du concept de forme, cette « forme » qui « acquiert son autonomie [et] tend vers un absolu qu’elle n’a jamais connu auparavant50 », où le support y devient « anonyme ». « S’il fallait trouver un mobile profond à l’œuvre que j’ai tâché de décrire, ce serait la recherche d’un tel « anonymat »51. » Pour autant, ne peut-on pas considérer, comme chez Stravinsky, que cette remarque est en partie révélatrice d’une posture ? Nous commençons, depuis plusieurs décennies, à nous déprendre de ce prisme de l’autonomie. Même dans le cas d’une musique qui se présente comme la plus structurale, la plus « anonyme » qui soit, tout phénomène sonore s’il est organisé, repose, à mon sens, sur un « background » (tout à la fois d’ordre sonore, historique et culturel), autrement dit un arrière-fond à la fois « syntaxique », « sémantique » et « pragmatique »52. Ce background n’a pas à être effacé, car il appartient au compositeur, qui est par définition le premier auditeur de son œuvre. Il n’y aurait donc aucune raison de considérer que les habitudes d’écoute sont dues au seul fait de celui qui perçoit de l’extérieur et que les implications esthétiques des langages musicaux se résument aux seuls sons et structures. L’acte de composition est par définition un geste de stylisation de principes musicaux qui transcendent un imaginaire et qui ne sont donc pas en circuit fermé. C’est pour masquer ces phénomènes de stylisation que beaucoup de compositeurs ont opté pour le formalisme méthodologique. En parallèle des postures schloezeriennes de Boucourechliev et de Boulez, André Souris fut sans doute le « champion » de cette conception de la musique. Dans un article de 1954, il écrit :
Chacun des arts est spécifiquement ce qu’il est dans la mesure où il se signifie lui-même, dans la mesure où il manifeste son autonomie. Il faut cependant ajouter que cette autonomie n’est pas toujours absolue. Il y a dans chaque art, dans le noyau de chaque système artistique, un degré de pureté parfaite, qui est susceptible de plus ou moins s’altérer par un apport d’éléments étrangers. Cet apport constitue ce qu’on appelle la représentation. Dans les formes élevées des arts plastiques, il arrive que la représentation soit inhérente à la forme pure. Mais il est un art où la représentation est inexistante, c’est la musique qui, en tant que telle, ne signifie rien d’autre qu’elle-même. Tout en elle est élaboré à des fins seulement musicales. Sa matière, sa syntaxe, ses structures sont artificiellement agencées à l’intérieur d’un système parfaitement clos, sans référence à quoi que ce soit d’autre. À l’opposé de cet art absolument pur, on trouve les arts du langage, qui ont pour matière les mots, c’est-à-dire des signes qui, par définition, désignent d’autres choses qu’eux-mêmes53.
Les années 1950 ont placé la question de la forme et de l’expression au centre des préoccupations esthétiques, en lien avec ces fameux débats incessants sur la « musique pure ». On en déduit, pour reprendre Christian Accaoui, que la « musique pure » des romantiques est devenue « pure musique » chez les modernes54. Roland-Manuel, dans ses essais « Comment écoutez-vous la musique ? » et Sonate[,] que me veux-tu ?,occuperait ainsi, par son « humanisme musical » hérité de Chabanon, une position médiane entre le formalisme de Stravinsky/Souvtchinski d’une part, et celui de Schloezer et de ses héritiers d’autre part. Si la musique n’est pas un langage, elle a de commun néanmoins avec lui qu’elle est régie par une grammaire et qu’elle fonctionne comme symbole. Celui-ci, pour tenter une synthèse entre Goodman (1968)55 et Todorov (1977)56, appartient au réel et on ne peut s’en abstraire.
Notes
1Actes du colloque en hommage à Roland-Manuel, CNSMDP, 17 novembre 2016.
2ROLAND-MANUEL Alexis, « Comment écoutez-vous la musique ? », in Les Cahiers du Journal musical français, Paris, Société française de diffusion musicale et artistique, 1953.
3ROLAND-MANUEL Alexis, Sonate que me veux-tu ? Réflexions sur les fins et les moyens de l’art musical, Lausanne, Mermoz, 1957, rééd. Paris, Ivrea, 1996.
4ROLAND-MANUEL Alexis, Ravel [1938], préface et postface de Jean Roy, rééd. Paris, Mémoire du Livre, 2000, p. 25.
5Ibid., p. 184.
6ROLAND-MANUEL Alexis, « Comment écoutez-vous la musique ? », art. cit., p. 9, repris dans Sonate que me veux-tu ?,op. cit., p. 64.
7ROLAND-MANUEL Alexis, « Comment écoutez-vous la musique ? », art. cit., p. 31-32.
8ROLAND-MANUEL Alexis, Sonate que me veux-tu ?, op. cit., p. 62.
9ACCAOUI Christian, « Avant-propos », in Eléments d’esthétique musicale, Arles/Paris, Actes Sud/Cité de la musique, 2011, p. 9.
10STRAVINSKY Igor, Poétique musicale, éd. établie, présentée et annotée par Myriam Soumagnac, Paris, Flammarion, 2000.
11Conférences publiées en 1942 et traduites en anglais en 1947.
12SCHLOEZER Boris de, Introduction à J.-S. Bach, Paris, Gallimard, 1947, rééd. 1979.
13CHABANON Michel Paul Guy de, Observations sur la musique, et principalement sur la métaphysique de l’art [1779], rééd. Paris, Hachette-Livre/BnF, 2013. Lire également CHABANON, De la musique considérée en elle-même et dans ses rapports avec la parole, la poésie et le théâtre, Paris, Pissot, 1785, rééd. Genève, Slatkine Reprints, 2013.
14Expression citée par Roland-Manuel dans Sonate que me veux-tu ?, op. cit., p. 87, et tirée des Observations sur notre instinct pour la musique et sur son principe de Jean-Philippe Rameau, Paris, 1754, rééd. Genève, Slatkine Reprints, 2011.
15Référence dont la source n’est pas indiquée par Roland-Manuel.
16ROLAND-MANUEL, Sonate que me veux-tu ?, op. cit., p. 40.
17Expression de Claudel dont la source n’est pas indiquée par Roland-Manuel.
18SOUVTCHINKY Pierre (dir.), Musique russe, tomes 1 et 2, Paris, PUF, 1953.
19Article reproduit dans Relevés d’apprenti, Paris, Éditions du Seuil, 1966, p. 75-145.
20DUFOUR Valérie, Stravinski et ses exégètes (1910-1940), Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2006, p. 213.
21Lettre de Souvtchinski à Stravinsky reproduite par Valérie Dufour, ibid., p. 214.
22DUFOUR Valérie, ibid., p. 214.
23DUFOUR Valérie, ibid., p. 55.
24SOUVTCHINSKY Pierre (dir.), Musique russe, op. cit., tome 1, p. 1-26.
25SOUVTCHINSKY Pierre, Un siècle de musique russe (1830-1930), éd. réalisée et présentée par Frank Langlois, Arles, Actes Sud, 2004.
26DUFOUR Valérie, op. cit., p. 220.
27S. = Stravinsky.
28Reproduit par Myriam Soumagnac en annexe de son édition de la Poétique musicale, op. cit., p. 159-160.
29Pensons aux cloches des églises russes stylisées dans le final de la Symphonie de psaumes, pour reprendre la remarque de Nicolas Nabokov dans ses Mémoires. Cf. NABOKOV Nicolas, Cosmopolite. Mémoires, traduit de l’anglais par Claude Nabokov, Paris, Mémoire du Livre, 2002, p. 311.
30Communication personnelle.
31STRAVINSKY Igor, Chroniques de ma vie [1935], rééd. Paris, Denoël, 2000, p. 70.
32Ce que dit Stravinsky de la musique vocale est intéressant car il insiste sur l’importance du signifiant autant, voire plus, que du signifié. On peut entrevoir ici les caractéristiques d’une pensée musicale russe, liée aux développements du formalisme linguistique.
33BOUCOURECHLIEV André, « Boris de Schloezer », in Cahiers pour un temps, Paris, Centre Georges Pompidou/Pandora éditions, 1981, p. 17.
34SCHLOEZER Boris de, Alexandre Scriabine [1923], trad. fr. de Maya Minoustchine, avec introduction de Marina Scriabine, Paris, Librairie des cinq continents, 1975.
35SCHLOEZER Boris de et SCRIABINE Marina, Problèmes de la musique moderne, Paris, Minuit, 1959.
36SCHLOEZER Boris de, Stravinsky, Paris, éditions Claude Aveline, 1929. La nouvelle édition de cet ouvrage aux Presses Universitaires de Rennes, en 2012, par Christine Esclapez mentionne en quatrième de couverture les éditions Pierre Aveline. C’est bien évidemment une erreur.
37Lettre reproduite dans la préface de Myriam Soumagnac à son édition de la Poétique musicale en 2000, p. 30.
38Article de Boris de Schloezer reproduit dans Comprendre la musique. Contributions à La Nouvelle Revue française et à La Revue musicale (1921-1956), édition établie et présentée par Timothée Picard, Rennes, PUR, 2011, p. 138.
39SCHLOEZER Boris de, éd. Timothée Picard, op. cit., p. 131.
40Ibid., p. 148.
41Cf. SCHLOEZER Boris de, Introduction à J.-S. Bach, op. cit., p. 304-309. Ces deux catégories sont respectivement les signes « extrinsèquement expressifs » et « intrinsèquement expressifs ».
42Fontenelle, auteur des Entretiens sur la pluralité des mondes ou de l’Histoire des oracles, aura collaboré avec Colasse pour Thétis et Pélée et pour Énée et Lavinie, ou avec Collin de Blamont pour Endimion.
43Cf. BOUCOURECHLIEV André, Le Langage musical, Paris, Fayard, 1993.
44Ibid., p. 12.
45Cf. VANÇON Jean-Claire, « Chronosophies musicales dans les années cinquante. Enjeux et propositions », in Musique et temps, Paris, Cité de la musique, 2008, p. 91-119.
46Roland-Manuel aura, pour ainsi dire, « habillé de poésie » le formalisme esthétique, construisant des ponts entre Chabanon, d’une part, et Manuel de Falla et Ravel, d’autre part.
47Les Italiens en prennent pour leur grade, si l’on peut me pardonner cette remarque quelque peu triviale, mais aussi Mondonville dont les Sonates pour violon prolongent le style instrumental des Ultramontains.
48ROUSSEAU Jean-Jacques, Dictionnaire de musique [1768], entrée « Sonate », édition préparée et présentée par Claude Dauphin, Arles, Actes Sud, 2007, p. 452.
49Article reproduit dans Points de repère, Paris, Bourgois, 1981, p. 151-163.
50BOULEZ Pierre, ibid., p. 163.
51Ibid.
52En les appliquant à la musique, j’emprunte ces termes au sémiologue Charles Morris. Cf. MORRIS Charles, Signs, Language and Behavior [Signes, langage et comportement], New York, Prentice Hall, 1946. Lire également ECO Umberto, Le Signe [1980], trad. fr. de l’italien, Labor, Bruxelles, 1988, réédité au Livre de Poche, p. 41 sq.
53SOURIS André, « La lyre à double tranchant » [1954], in Conditions de la musique et autres écrits, Bruxelles-Paris, Éditions de l’Université de Bruxelles-CNRS, 1976, cité par Christian Accaoui, dans « Modernité », in Éléments d’esthétique musicale, op. cit., p. 345-346. La conférence d’André Souris, originellement donnée en 1951, fut publiée sous forme d’article dans la revue surréaliste Les Lèvres nues, no 2, août 1954. Article également republié dans La Lyre à double tranchant, écrits présentés par Robert Wangermée, Sprimont, Mardaga, p. 369-374.
54Cf. ACCAOUI Christian, « Modernité », ibid., p. 345.
55Cf. GOODMAN Nelson, Langages de l’art : une approche de la théorie des symboles (1968), trad. fr., Nîmes, Jacqueline Chambon, 1990, rééd. Paris, Hachette, 2005.
56Cf. TODOROV Tzvetan, Théories du symbole, Paris, Éditions du Seuil, 1977.