Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris
n°7
Sylvie Pébrier

Harvey Sachs, Six Famous Ears, Emanuel Ax, Alfred Brendel and András Schiff Tell How They Listen

Article

Texte intégral

SACHS Harvey, 2008, Six Famous Ears, Emanuel Ax, Alfred Brendel and András Schiff Tell How They Listen (Six oreilles célèbres, Emanuel Ax, Alfred Brendel et András Schiff racontent comment ils écoutent) publication en ligne par l’Institut belge Orpheus.

 

Installé à Gand, l’Institut Orpheus développe depuis 2004 un programme doctoral pour interprètes et compositeurs des Flandres. En 2007, un centre de recherches (ORCiM) a été créé en son sein ; celui-ci a mis en place une politique de publication d’écrits en édition traditionnelle ou web.

 

Le critique et historien de la musique américano-canadien Harvey Sachs1 a été sollicité par Orpheus pour intervenir en tant que chercheur invité dans un séminaire intitulé : « le musicien comme auditeur ». Dans cet article, il collecte les réponses de trois pianistes célèbres à une série de questions concernant la place de l’écoute dans leur travail d’interprète. Les thèmes suivants y sont explorés : l’écoute de l’œuvre sur le plan formel et harmonique au moment où ils la jouent, la conscience ou la gêne des bruits environnants ou de la « fausse note », la sonorité du piano pensée en termes de couleur, densité, clair-obscur ou en relation avec un autre instrument ou avec la voix, la présence d’éléments extra-musicaux dans le travail sonore, la fabrique du son à partir d’une idée préétablie ou au fil du travail de l’œuvre, l’influence dans leur travail d’expériences d’écoute (au concert ou au disque) de leurs jeunes années, la recherche ou non de versions existantes au moment d’aborder une nouvelle œuvre, l’adaptation de la sonorité dans une salle vide ou remplie. Alfred Brendel a répondu par écrit dans un style très condensé, András Schiff et Emanuel Ax ont préféré la forme de l’interview. Harvey Sachs restitue les propos des artistes avec une grande discrétion, se contentant d’articuler les variantes figurant dans les réponses de chacun et réservant un bref paragraphe à la fin pour les synthétiser et les remercier de leurs propos brillants et fascinants.

 

Ce travail mérite d’être remarqué tout d’abord en raison de son thème : la question de la place de l’écoute dans l’interprétation est en effet peu présente dans la recherche par rapport à celles du geste de l’interprète ou plus encore de l’explicitation du texte musical. Il est important également car il restitue de manière directe les paroles d’interprètes de renom. Enfin, en adressant les mêmes questions à chacun des trois pianistes, il introduit une démarche comparative qui permet de penser la production d’une documentation sur l’expérience d’écoute des interprètes. Le chemin ouvert par cet article reste cependant suspendu. Pour le compléter, il faudrait dégager, à partir des récits, des lignes de partage qui font sens. Les questions, présentées sur le mode de la conversation, alternent de manière trop aléatoire les interrogations touchant le travail et celles plus spécifiquement centrées sur le moment du concert et ses aléas. De la même façon, l’impact de l’écoute des autres interprètes (concerts ou enregistrements passés ou présents) ou de l’écoute de soi dans le jeu pourrait être ressaisi, ou encore la sonorité comme projet que l’écoute permet de vérifier ou bien comme résultante d’un processus d’expérimentation sensible. En dégageant ces lignes de force, la singularité de chacun des artistes pourrait mieux apparaître. Dans ces échanges, on remarque par exemple que la réflexion de Brendel est marquée par une position distanciée, un recul et une volonté de concision, là où Schiff se situe au carrefour d’idées et de sensorialités au milieu desquelles il circule souplement dans un travail d’intégration de dimensions multiples. Ax de son côté privilégie le processus sensible à partir du sonore qu’il ordonne peu à peu dans une forte exigence de présence.

Notes

1Son site personnel, permet de découvrir les titres de ses principaux ouvrages (notamment les biographies de Toscanini et Arthur Rubinstein et son livre sur la musique dans l’Italie fasciste), et les espaces où il développe son activité critique, pédagogique et de programmation artistique.

Pour citer ce document

Sylvie Pébrier, «Harvey Sachs, Six Famous Ears, Emanuel Ax, Alfred Brendel and András Schiff Tell How They Listen», La Revue du Conservatoire [En ligne], Le premier numéro, La revue du Conservatoire, Kiosque International, mis à jour le : 06/02/2013, URL : https://larevue.conservatoiredeparis.fr:443/index.php?id=509.

Quelques mots à propos de :  Sylvie Pébrier

Sylvie Pébrier, professeure associée d’histoire de la musique au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris. Plus d'informations