« Une liberté qui n’existait pas dans mon propre langage »
Les mélodies en langue française de Benjamin Britten
- Résumé
- Abstract
Benjamin Britten, compositeur « typiquement anglais » ? C’est ce que les commentateurs de son œuvre ont fréquemment retenu comme axe analytique de son langage musical. L’étude de ses cycles de mélodies en langue française – Quatre Chansons françaises (1928), les Illuminations (1939) et les French Folk Song Arrangements (1942) – permet pourtant de proposer d’autres lectures. L’éventail des emprunts (pastiche, citation, arrangement, etc.) à un langage littéraire et musical français servent des objectifs divers au cours de la carrière du compositeur. L’utilisation d’un langage exogène, d’abord méthode d’apprentissage de la composition par la copie pendant la formation, devient le lieu du renouvellement de l’inspiration musicale à la maturité. Le détournement d’une langue « nationale » est enfin érigé en un procédé commercial qui tient une place singulière dans l’architecture des concerts donnés par le compositeur.
Plan
Texte intégral
Introduction*
C’est typiquement anglais, mais c’est aussi le petit-fils de Pelléas qui s’est engagé dans la marine.1
Lorsque Arthur Honegger qualifie en 1952 la musique de Benjamin Britten (1913-1976) de « typiquement anglais[e] », il résume en deux mots la ligne directrice de la réception critique du compositeur : englishness et Benjamin Britten sont devenus synonymes. La chute distingue toutefois le bon mot d’Honegger du simple cliché. Le compositeur des Illuminations est aussi le « petit-fils de Pelléas », un compositeur dont l’inspiration a été marquée par les productions artistiques françaises du premier XXe siècle. Généralement admise2, l’assignation nationale de Benjamin Britten a favorisé certaines analyses de sa musique, au détriment d’une compréhension plus riche de son écriture. Le langage du compositeur manifeste en effet des influences continentales croisées. L’usage de la langue française, la citation voire le pastiche de styles ou de fragments d’œuvres françaises sont autant de moyens employés par Benjamin Britten à différentes étapes de sa carrière pour élaborer un matériau musical distinctif.
Le corpus des mélodies françaises de Britten se prête particulièrement à la mise au jour de ces mécanismes compositionnels, dans la mesure où le genre mobilise à la fois le langage littéraire et le langage musical. L’utilisation de textes en langue étrangère, expérience de l’altérité en miniature, est une des voies utilisées par le compositeur pour renouveler son inspiration ; l’imitation du langage de Maurice Ravel, Claude Debussy ou Gabriel Fauré en est une autre.
Afin de mettre en évidence ces multiples utilisations de langages exogènes, trois cycles de Britten utilisant des poèmes français peuvent être convoqués : les Quatre Chansons françaises (1928), les Illuminations (1939) et les French Folk Songs Arrangements (1942). Si les Illuminations ont été l’objet de nombreuses études3, les Quatre Chansons françaises, cycle de jeunesse, n’a été l’objet que d’un seul article au moment de sa redécouverte, au début des années 19804. De la même manière, les recueils de Folk Songs (1940-1976), souffrant d’un défaut de légitimité en raison de leur statut d’arrangements, sont très rarement évoqués dans la littérature critique5. La mélodie n’est du reste pas le genre qu’ont privilégié quantitativement les spécialistes anglo-saxons de Benjamin Britten. Les monographies et les études de la production opératique, jugée plus représentative du style du compositeur, sont en revanche très nombreuses6. Le livre de Graham Johnson, Britten, Voice & Piano, est le seul à proposer une lecture transversale de la production de mélodies du compositeur7. Quelques articles scientifiques se sont intéressés à des aspects spécifiques de certains cycles vocaux8. Plus récemment, le recueil d’articles dirigé par Kate Kennedy, Literary Britten, a abordé en détail les thématiques de l’inspiration littéraire brittenienne, sans pourtant insister sur le versant français9.
Prenant des formes variées et plus ou moins ambiguës au cours de sa carrière, l’emprunt peut être étudié en tant que tel chez Britten. Au cours du processus compositionnel, la technique de l’emprunt comprend aussi bien des reprises de textes poétiques et des citations partielles d’œuvres que des pastiches ironiques. Les usages qu’en fait le compositeur recouvrent un éventail de pratiques allant de l’apprentissage de la composition à l’utilisation d’un langage stéréotypé à des fins commerciales, en passant par l’exercice de style. Dans ce panorama, le cas de la mélodie populaire est spécifique, puisqu’il s’agit d’un emprunt presque intégral mais simultanément connoté, dans la mesure où les timbres populaires sont parfois associés à une forme d’identité « nationale » mouvante, liée au territoire dont ils sont issus. La question du caractère « national » assigné au genre de la mélodie populaire se pose donc avec acuité chez Britten, en particulier dans le cadre du métissage avec des œuvres étrangères.
Comment Britten a-t-il pu jouer de ces qualificatifs, comment s’est-il imposé comme compositeur « anglais » dans un contexte musical et politique particulier, avant et après la Seconde Guerre mondiale ? Ces problématiques concernent au premier chef sa production vocale, souvent comprise comme la plus vernaculaire. Les trois recueils de mélodies correspondent à trois périodes bien distinctes dans la carrière du compositeur : la formation, l’affirmation d’un langage singulier et enfin la consécration de la maturité, au moment de la construction d’une image de marque à la fois sonore et médiatique après la guerre. Parler des « mélodies en langue française » de Britten, c’est donc faire référence à un ensemble composite qui regroupe aussi bien ses propres mélodies que celles qu’il fréquente quotidiennement et qui font partie de son répertoire personnel. La France de Benjamin Britten peut ainsi être simultanément envisagée comme un espace vécu, un territoire que le compositeur sillonne à l’occasion des tournées, et comme un espace mental qui modèle la forme même de ses compositions.
Pastiches et citations : les Quatre Chansons françaises (1928)
L’environnement musical juvénile de Benjamin Britten est tributaire de l’état de la vie musicale dans la province anglaise du Suffolk où il passe ses premières années. Pendant sa période de formation, Britten évolue dans un cadre où la musique est essentiellement une pratique domestique et où les œuvres qu’il fréquente sont issues du répertoire des « classiques » du premier XIXe siècle. Dans cet espace, la mélodie et le lied, pratiqués en famille, tiennent une place importante10. Avant d’expérimenter lui-même la pluralité des techniques musicales modernes et des styles contemporains, le jeune Britten produit des pièces qui utilisent un langage traditionnel. Il compose des formes classiques, principalement des petites pièces pour clavier ou de la musique de chambre. Il écrit « symphonie après symphonie, chanson après chanson, un poème symphonique intitulé Chaos et Cosmos quoiqu’[il craint] de ne pas avoir été certain de ce que ces termes voulaient vraiment dire11 ». Mis au contact successif de modèles disparates, l’aspirant compositeur utilise bien souvent la copie et le pastiche comme moyens de s’approprier des langages exogènes. Il n’est donc pas étonnant que les œuvres de jeunesse de Britten soient marquées par des changements radicaux d’idiome musical, retournements complets qui se produisent parfois en l’espace de seulement quelques semaines.
À l’automne 1927, Britten commence à étudier avec Frank Bridge. Pour la première fois, les cours de composition font la part belle aux différents courants qui traversent alors la musique européenne – en particulier continentale. À partir de cette période, il s’essaye à des genres et des styles musicaux toujours plus ambitieux et commence à entrer en contact avec la musique française. Techniquement plus aboutie qu’aucune autre partition écrite auparavant, l’Humoreske pour orchestre, composée en mars 1928, témoigne ainsi de l’influence sur Britten d’un nouveau compositeur : Claude Debussy12. À partir de 1928, l’ascendant debussyste est perceptible dans plusieurs pièces. Il est généralement attribuée aux leçons de Bridge, sans doute à raison puisque les leçons d’orchestration dispensées par ce dernier consistaient à produire des arrangements de pièces françaises mais aussi de ses propres œuvres, notamment The Sea, partition fortement influencée par l'œuvre homonyme de Debussy13. Comme de nombreux autres compositeurs, Britten apprend la composition par la copie, la reproduction et l’imitation du langage de compositeurs modèles14. Il n’est donc pas étonnant que ses premières expérimentations confinent au pastiche, ou plutôt que certaines de ses pièces juvéniles puissent se comprendre comme des exercices de style « dans le style de ». Les Quatre Chansons françaises (1928) font partie de ce corpus et témoignent d’une familiarité nouvelle du jeune compositeur avec le langage musical français.
Ces pièces pour soprano et orchestre ont rarement été jugées dignes d’intérêt par les spécialistes de Britten outre-Manche. Elles sont achevées au cours de l’été 192815 mais ne sont créées que de manière posthume, le 10 juin 1980, par l’English Chamber Orchestra et la chanteuse Heather Harper au Festival d’Aldeburgh. Comprises comme le témoignage d’un état encore « immature » du langage musical du compositeur, ces mélodies sur des poèmes de Victor Hugo et Paul Verlaine sont généralement analysées à l’aune de la production brittenienne postérieure. Les commentateurs distinguent ce qu’ils considèrent être des scories maladroites, de traits stylistiques jugés plus « caractéristiques », car apparentés au langage musical de la maturité16. La composition du cycle était toutefois l’entreprise la plus ambitieuse dans laquelle le jeune Britten s’était engagé jusqu’alors. Il avait certes déjà composé plusieurs chansons et mélodies, sur des textes en langue anglaise, mais il ne s’agissait que de pages hétérogènes17. Les textes en langue française suscitent en fin de compte la première incursion de Britten dans la composition de cycles de mélodies.
Si les raisons précises qui ont pu inciter le jeune compositeur à s’attaquer à ce corpus poétique restent assez obscures, on peut néanmoins émettre quelques hypothèses. Comme l’ont révélé certaines études18, Britten possédait plusieurs anthologies poétiques dans sa bibliothèque. Ces dernières ont eu un rôle déterminant tout au long de sa carrière, plus encore que l’influence des goûts littéraires de personnalités extérieures, contrairement à ce qui a longtemps été affirmé. L’utilisation des anthologies ne gouverne pas uniquement la sélection des poèmes, quoique les choix de Britten se portent presque toujours sur les grandes figures des littératures nationales19. Il renvoie également au caractère compilatoire de l’utilisation des textes, en particulier lorsqu’il s’agit d’extraits. Cette manière de procéder explique sans doute le choix de Victor Hugo et de Paul Verlaine, et de leurs poèmes respectifs : Nuits de juin et L’Enfance pour Hugo ; Sagesse20 et Chanson d’automne pour Verlaine. Notons toutefois que Chanson d’automne faisait partie des poèmes appris par Britten en cours de français lorsqu’il était étudiant à Gresham, comme le montre son cahier d’écolier, ce qui pourrait être un autre élément déclencheur de ce choix21.
Dans Benjamin Britten’s Poets, Boris Ford22 établit une liste des principales anthologies poétiques utilisées par le compositeur, mais ne cite aucun recueil consacré à la poésie française – ou étrangère du reste. Il nous a toutefois été possible de retrouver l’anthologie que Britten a employée dans les fonds d’archives de la Britten-Pears Foundation, à Aldeburgh. Il s’agit du Oxford Book of French Verse de St John Lucas23, dans l’édition de 1928, ce qui suggère que Britten s’était procuré l’anthologie à l’occasion de la conception du cycle. On peut établir avec certitude qu’il s’agit bien de l’exemplaire utilisé au moment de la composition des Quatre Chansons, car les poèmes de Victor Hugo (L’Enfance et Nuits de juin) sont tous deux copieusement annotés. Les annotations en question sont principalement des traductions –probablement issues d’un dictionnaire bilingue – des expressions les plus difficiles. Dans L’Enfance, poème qui comporte le plus grand nombre de notes marginales, Britten a ainsi ajouté la traduction des mots « exténuée », « agonisait », « se penchant », « la nuée » et « doux être ». Ces griffonnages peuvent sembler anecdotiques. Ils nous renseignent toutefois sur le niveau de compréhension que le jeune compositeur avait alors de la langue française et donc sur le caractère volontaire ou non de l’adéquation entre langage musical et langage poétique. Quoiqu’il en soit, l’ordre dans lequel les quatre poèmes s’enchaînent au sein de l’anthologie de St John Lucas n’est pas celui dans lequel ils se suivent dans le recueil, ce qui peut suggérer un travail de remaniement. Les raisons en restent énigmatiques, à moins de voir dans l’enchaînement des quatre poèmes une progression liée au cycle des saisons, puisque la mélodie initiale (Nuits de juin) est associée à la saison estivale et la mélodie conclusive (Chanson d’automne) à la saison automnale.
La Britten-Pears Foundation conserve plusieurs manuscrits24 de la partition des Quatre Chansons françaises. Parmi ceux-ci, on trouve d’abord un brouillon de L’Enfance, quelques pages d’esquisses au crayon comportant du matériau musical laissé de côté dans la version finale, puis deux copies à l’encre du cycle complet et enfin un arrangement pour voix et piano, postérieur de quelques mois25. À en croire les annotations de Britten, l’ensemble du cycle a été composé entre le 13 juin (date du premier brouillon de Nuits de juin) et le 31 août 1928 (date de la version finale du cycle), l’arrangement pour piano datant pour sa part du mois de décembre de la même année. L’étude comparative du journal du compositeur permet de situer avec précision les différents manuscrits. Britten ne mentionne que deux versions de Nuits de juin26 : le brouillon et la partition achevée ont donc été écrits tous deux en l’espace de trois jours27.
Les deux premières pages du manuscrit des Quatre Chansons françaises dans la version finale (avec l'autorisation de la Fondation Britten-Pears et de Faber Music).
Aux quatre mélodies principales du cycle, s’ajoutent deux mélodies complémentaires, inachevées, qui faisaient sans doute partie du manuscrit initial, mais dont les pages ont été arrachées du cahier. Ces deux chansons sont également composées sur des poèmes français : Dans les bois de Gérard de Nerval et Mon rêve familier de Paul Verlaine. La seconde chanson partage une très importante partie de son matériau musical avec Chanson d’automne et peut être envisagée comme une esquisse de celle-ci.
Les deux premières pages de Chanson d’automne dans la version manuscrite finale copiée à la main par Britten (avec l'autorisation de la Fondation Britten-Pears et de Faber Music).
Les deux premières pages de Je fais souvent ce rêve, esquisse contemporaine de la composition des Quatre Chansons françaises (avec l'autorisation de la Fondation Britten-Pears et de Faber Music).
Toutes les pages de brouillon sont écrites directement pour orchestre. Cela nous permet d’affirmer que les chansons ont été conçues dès leurs esquisses en fonction du timbre et de la sonorité orchestrale. Un dernier élément notable est l’utilisation du français dans la nomenclature initiale, ainsi que dans les indications de jeu et de caractère. À la cinquième page du manuscrit de Chanson d’automne, on peut de cette façon lire, dans la seconde partie de violon II : « 1ère partie sur 4e corde » ; de même à la première mesure de Sagesse, l’indication « non trop lent », est remplacée par la suite par « lento ma non troppo ».
La première page de Sagesse dans la version manuscrite finale (avec l'autorisation de la Fondation Britten-Pears et de Faber Music).
La mise en musique de poèmes français n’a pas été sans poser quelques problèmes à Britten. Dans l’introduction critique à la partition éditée par Faber Music, Colin Matthews signale qu’il a été nécessaire de réviser en plusieurs endroits la ligne vocale à cause de problèmes de prosodie ou de décalages métriques. Les altérations notables sont presque toutes du même ordre : il s’agit de modifications prosodiques, souvent liées à des maladresses dans la mise en musique des e terminaux ou dans l’ajout d’accentuations impropres sur certaines syllabes. Les modifications apportées à la ligne vocale dans la version éditée vont rarement au-delà de quelques diminutions ou augmentations. Si les scories dans la partie de soprano sont nombreuses, il n’a pas été nécessaire de réviser la partie orchestrale dans la version éditée.
L’effectif requis est assez ambitieux, puisque, outre la soprano soliste, l’orchestre se compose de deux flûtes, un hautbois, une clarinette basse, deux bassons, quatre cors en fa, une paire de cymbales, une harpe, des violons I et II, des altos, des violoncelles, une contrebasse et un pianoforte. La petite formation, le rôle prépondérant de la harpe, les fréquentes divisions des pupitres de violons et l’utilisation des flûtes et du hautbois donnent à penser que Britten essayait là de reproduire l’idée qu’il se faisait de la sonorité que pouvait avoir un « orchestre français ». L’orchestration est sans aucun doute tributaire du manuel d’orchestration de Cecil Forsyth que Britten possédait depuis 192328. En effet, quelques indications inscrites par Britten sur le manuscrit sont extrêmement similaires à celles que l’on trouve dans le manuel. C’est le cas par exemple la note manuscrite qui accompagne la partie de harpe des mesures 25 et suivantes de L’Enfance :
Si on le désire, les trois mesures suivant le ⌖ sur cette page et les deux mesures suivant le ⌖ sur la page suivante peuvent être jouées en do bémol mineur par le harpiste, produisant ainsi une plus grande longueur de corde29
Dans les tonalités à beaucoup de # telles que si, fa# et do#, il est préférable d’écrire la partie de harpe dans les tonalités enharmoniques mineures correspondantes do bémol, sol bémol et ré bémol. Cela donne une plus grande amplitude vibratoire aux cordes30
La partition des Quatre Chansons françaises se présente donc comme le réceptacle d’influences diverses, dont la plupart étaient alors nouvelles dans le langage musical du jeune compositeur. Le fondement de la composition demeure toutefois la technique acquise dans les traités, et les enchaînements harmoniques appris par la retranscription méthodique pratiquée pendant les leçons d’harmonisation de Bridge.
« The Sound of French music31 »
Les commentateurs anglais ont souvent compris le cycle comme un exemple de l’influence exercée par Frank Bridge sur Britten, voire comme une partition écrite à quatre mains par le professeur et son élève32. Les Quatre Chansons ayant été composées pendant les mois d’été – c’est-à-dire les vacances scolaires – il est toutefois impossible que Bridge ait pris part au processus compositionnel, comme en témoigne d’ailleurs le journal de Britten, qui mentionne qu’il n’a eu aucune leçon durant cette période33. Si la partition n’a pas pu être revue ou corrigée par Bridge, elle est certainement tributaire, en revanche, des cours d’érudition dispensés par le compositeur à son élève. Encourageant le jeune Britten à s’approprier des langages musicaux issus de sphères plus étendues que la seule zone d’influence musicale anglo-saxonne, Bridge lui fournit des partitions et des enregistrements qu’il n’aurait pas eu l’occasion de se procurer34.
Frank Bridge n’est du reste pas la seule personne alors capable de susciter chez Britten cet intérêt nouveau pour la France et sa musique. Audrey Alston, sa professeure d’alto à partir de la fin des années 1920, y contribue également. Britten avait commencé à assister à des concerts à Londres en sa compagnie dès l’année 1924 (soit bien avant les premières leçons de composition avec Bridge)35. De fait, le compositeur déclara plus tard que c’est grâce à Audrey Alston qu’il eut l’opportunité d’étendre sa connaissance du répertoire musical, jusqu’alors conditionné par les goûts de son cercle familial, et de découvrir des compositeurs français, en particulier Maurice Ravel :
[Le Quatuor à cordes de Ravel] est la première musique que j’ai entendue en dehors de la sphère domestique, pour ainsi dire – interprété par le Norwich String Quartet36.
Le journal de bord que Britten tient scrupuleusement chaque jour entre 1928 et 1938 est éloquent à cet égard : le compositeur y recense à la fois les programmes des concerts auxquels il a assisté, les nouveaux morceaux qu’il a entendus à la radio ou sur le gramophone, ou encore la liste des partitions qu’il s’est procurées37. Outre le Quatuor à cordes de Ravel, œuvre qui tient par ailleurs une place importante dans la carrière du compositeur38, Britten entend également pour la première fois, en avril 1928, un enregistrement du Prélude à l’après-midi d’un faune de Debussy sur gramophone chez Alston39. L’audition le marque sans doute, car trois jours après, il mentionne le 27 avril 1928 qu’il a acquis la partition de l’Introduction et Allegro de Ravel, pièce dont l’influence est particulièrement sensible dans les Quatre Chansons. C’est toujours en compagnie d’Audrey Alston, ou plus précisément à l’occasion d’un concert qu’elle donne le 13 mai 1928 au Stuart Hall de Norwich, avec le pianiste Harold Samuel, que le répertoire de musique française de Britten continue à s’élargir, puisqu’il y entend pour la première fois la Sonatine de Ravel40.
La radiodiffusion joue également un rôle majeur dans la découverte par Britten du répertoire continental. Comme en attestent les différentes entrées de son journal de bord, il était un auditeur assidu d’émissions musicales. Compte tenu de son intérêt nouveau pour la musique française, il est tout à fait probable qu’il ait entendu les premières diffusions anglaises de La Valse de Ravel en décembre 1927, de la Sonate pour flûte, alto et harpe et de La Mer de Debussy respectivement en janvier et avril 1928, bien que le journal ne le mentionne pas41. Quelques années plus tard, le 25 février 1932, il assiste à la création anglaise du Concerto pour piano en sol dirigé par Ravel et interprété par Marguerite Long42. Christopher Mark note que Britten avait alors en sa possession plusieurs réductions d’orchestre, sans compter l’Introduction et Allegro de Ravel, L’Oiseau de feu de Stravinski, Till l’Espiègle de Richard Strauss, mais aussi des partitions pour piano, parmi lesquelles « Noctuelles », la première pièce des Miroirs de Ravel43.
Les partitions acquises par le compositeur peu de temps après la composition du cycle donnent un aperçu plus complet de sa connaissance de la musique française. Cette tâche est d’autant plus aisée que Britten a numéroté et catalogué toutes les partitions de poche qu’il a possédées entre l’âge de 8 ans et 35 ans44. Alors qu’avant la composition des Quatre Chansons, le nombre de partitions françaises que possède Britten est quasiment nul, le compositeur commence par la suite à en acquérir à intervalles réguliers, étoffant peu à peu sa bibliothèque personnelle. Parmi celles-ci, on peut citer, entre autres, le Boléro de Ravel, acquis en 1930, le Prélude à l’après-midi d’un faune de Debussy, la Sonatine de Ravel et les Variations symphoniques de César Franck45 en 1931, le Quatuor de Debussy, L’Apprenti sorcier de Paul Dukas en 1932 ou L’Isle joyeuse de Debussy en 1933. Du reste, la pratique musicale dans le cercle domestique amène Britten à interpréter à cette époque très régulièrement des pièces de salon françaises avec d’autres membres de sa famille. C’est le cas de plusieurs œuvres de Franck, en particulier la Sonate pour violon, qui rentre au répertoire de la famille Britten à partir du mois d’août 192846.
L’orchestration des quatre mélodies démontre une certaine maîtrise des topoï associés au langage musical français du début du XXe siècle, et plus précisément celui de Ravel et de Debussy. Les éléments apparentés au langage musical « français » ne sont cependant pas toujours issus de l’harmonie ou de la mélodie : ils peuvent également se retrouver dans la nature même de la ligne vocale, caractérisée par un tempo particulièrement flexible. Dès les premières pages de Nuits de juin, l’influence ravélienne est sensible : le traitement de la harpe en grands arpèges se superposant aux trémolos des violons que l’on retrouve au début de Sagesse est proche de la façon dont Ravel utilise l’instrument dans son Introduction et Allegro. Par ailleurs, quelques progressions semblent avoir été empruntées à cette même partition, comme par exemple à la mes. 21, où la ligne des violons (les octaves de la main droite dans la réduction pour piano) semble reproduire celle des cordes à la mes. 3 de la partition de Ravel :
Benjamin Britten, « Nuits de juin », Quatre Chansons françaises, Londres, Faber Music, 1983, p. 2, mes. 21.
Maurice Ravel, Introduction et Allegro, Paris, Durand, 1906, p. 1, mes. 3.
De même, les triolets oscillants associés à l’intervalle de quarte aux mes. 17-18 ne sont pas sans rappeler ceux que l’on trouve au début de Nuages, dans les Nocturnes de Debussy, d’autant plus que Britten choisit également d’orchestrer ce passage en le confiant aux clarinettes, à l’instar de Debussy :
Benjamin Britten, « Nuits de juin », Quatre Chansons, ibid., mes. 17-18.
Claude Debussy, « Nuages », Nocturnes, Paris, Jobert, 1930, p. 1, mes. 1-2 (cla., bsn.).
Parmi les éléments de l’écriture harmonique pouvant s’apparenter au langage musical de Debussy ou de Ravel, on peut mentionner le nombre important d’enchaînements non fonctionnels de septièmes et de neuvièmes, comme on peut l’observer par exemple à la mes. 21 de Nuits de juin reproduite plus haut. Enfin, on peut aussi voir dans l’utilisation de couleurs pentatoniques l’influence de Debussy ou de Ravel. Dans Chanson d’automne, aux mes. 19-20, la ligne mélodique est empreinte d’un pentatonisme diffus, intégré au langage globalement tonal du reste de la mélodie. On retrouve encore une fois ce type d’utilisation du pentatonisme dans l’Introduction et Allegro de Ravel.
L’influence de Ravel sur Britten – plus prégnante que celle de Debussy – ne reste pas circonscrite à « l’été français » de 1928, mais traverse toute l'œuvre de Britten. Ce dernier ne possède qu’un nombre très réduit de disques avant le milieu des années 1930, et leur acquisition suit souvent les auditions en concert. En 1930, il se procure une version du Boléro et de l’Introduction et Allegro de Ravel. Écoutant quotidiennement le disque au point de développer une sorte d’obsession pour celui-ci, le compositeur avoue en 1931 être « bloqué » dans la composition de son ballet Plymouth Town car son esprit est « saturé par la musique de Ravel47 ». Outre son premier Quatuor à cordes (1941), d’autres pièces sont composées en regard de celles du compositeur français. C’est notamment le cas du Concerto pour piano op. 13 (1938, révisé en 1945) mais aussi de Diversions op. 21 (1940, révisé en 1950 et en 1953-1954), concerto pour la main gauche écrit pour le pianiste Paul Wittgenstein. Lors de leur création, les deux concertos sont explicitement présentés comme les pendants des deux concertos de Maurice Ravel. Enfin, même dans un cycle comme les Sonnets de Michel-Ange, fréquemment cités comme une des œuvres qui révèle le plus la singularité idiomatique du langage musical de Britten, le compositeur cite encore Ravel48. La dernière des chansons du cycle, le Sonnet XXIV (« Spirto ben nato, in lui si specchia e vede ») reprend la première mélodie des Histoires naturelles (1906) de Ravel.
Maurice Ravel, « Le Paon », Histoires naturelles, Paris, Durand, 1907, p. 1, mes. 1-5.
Benjamin Britten, « Spirto ben nato… », Seven Sonnets of Michelangelo, mes. 1-8.
Les rapports qu’entretient Britten avec la musique française ne se résument donc pas à un passage épisodique de son apprentissage et ne sont pas circonscrits à l’été 1928. Dans les Quatre Chansons françaises, l’écriture relève de l’exercice de style : pour mettre en musique des textes qui sont en grande partie nouveaux pour lui, Britten emprunte des éléments de langage et des tournures caractéristiques des œuvres de Ravel et Debussy. Dans les Sonnets de Michel-Ange, il ne s’agit plus de pasticher mais de citer, choix qui peut donner lieu à des interprétations diverses. Tout au long de sa carrière, selon des modalités différentes, la musique de Britten a été influencée par la musique française et par certains compositeurs français en particulier. Si les œuvres qui sont le réceptacle de ces influences appartiennent à des genres variés, la voix en reste le médium privilégié, comme en témoignent au premier chef les Illuminations.
S’émanciper grâce à la langue, commercialiser son œuvre : des Illuminations aux Folk Songs Arrangements
Près de dix ans après avoir utilisé les poèmes de Hugo et Verlaine dans les Quatre Chansons françaises, Britten revient à la poésie française avec Arthur Rimbaud. À partir du mois de mars 1939, le compositeur commence à mettre en musique quelques poèmes des Illuminations dans une version pour voix élevée et orchestre. Si l’idée d’utiliser le recueil poétique de Rimbaud est mûrement réfléchie, l’architecture musicale du cycle, en revanche, n’est décidée que très tardivement. L’ordre d’exécution des pièces est modifié à plusieurs reprises, jusqu’à quelques jours avant l’envoi de la partition finale par Benjamin Britten à ses éditeurs. Cette méthode n’est pas celle que le compositeur avait employée pour mettre en forme les cycles de mélodies antérieurs, mais celle qu’il adopte pour la majorité des cycles postérieurs. En cela, on comprend pourquoi Britten déclare qu’il « s’agit assurément de [son] opus 149 » : les Illuminations est l’une des premières partitions de la maturité, à la fois du point de vue du langage musical employé et de la façon dont s’organise matériellement le travail compositionnel.
Lors de l’élaboration de ses cycles de mélodies, Britten produit assez fréquemment un plus grand nombre de chansons que celui finalement retenu. Les Illuminations n’échappent pas à la règle. Britten commence initialement la composition de sept chansons sur des poèmes de Rimbaud en Angleterre, en mars 1939, par deux mélodies, Being Beauteous et Marine, lesquelles sont exécutées et radiodiffusées séparément en avril, puis en août de la même année par Sophie Wyss à Londres. Le reste du cycle est composé entre les mois de juin et d’octobre, au Canada puis aux États-Unis. Avec l’accord de Boosey & Hawkes, le projet initial de sept mélodies est étendu à quatorze, dont quatre sont finalement rejetées dans la version finale, à savoir Phrase (« La cascade sonne »), Aube, À une raison et Un prince était vexé, qui restent à l’état d’esquisses50. Il est vraisemblable que ces mélodies aient été abandonnées au moment où Britten entreprend la composition des trois dernières mélodies (Départ, Villes et Parade), en octobre. Le manuscrit autographe complet, daté du 25 octobre 1939, comporte dix séquences, dont un interlude orchestral, et met en musique neuf poèmes de Rimbaud : Fanfare, Villes, Phrase, Antique, Royauté, Marine, Interlude, Being Beauteous, Parade et Départ.
Le cycle des Illuminations constitue la seconde incursion de Britten dans le domaine de la composition en langue étrangère. Celle-ci se fait, comme dix ans auparavant, en français51. Le choix d’utiliser un recueil poétique en langue non vernaculaire peut se comprendre comme une forme d’expédient. À la fin des années 1930, Britten rencontre, de son propre aveu, de plus en plus de difficultés à composer sur des textes en langue anglaise – problème que la découverte de la musique vocale d’Henry Purcell dans les années 1940 vient partiellement résoudre52. Contraint par une langue maternelle par trop familière, Britten entreprend d’utiliser les langues étrangères comme un moyen de « libérer » son idiome musical. Cette recherche d’étrangeté à soi-même par la langue, omniprésente chez Britten dans les années 1930 et 1940, se traduit dans plusieurs productions vocales, parmi lesquelles les Seven Sonnets of Michelangelo ou les Four French Folk Songs. Plusieurs années plus tard, dans une interview avec Joseph Cooper, le compositeur déclare ainsi au sujet du cycle de mélodies rimbaldiennes :
Britten : J’étais de plus en plus intéressé par la voix, je pense que cela venait probablement de mon amour pour la poésie anglaise mais je sentais qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas avec ma mise en musique de textes anglais ; je n’y sentais pas la liberté que les grands compositeurs de musique vocale que j’admirais y mettaient si magnifiquement et, curieusement, bien que ce soit mon intérêt pour la poésie anglaise qui m’ait amené à écrire des pièces vocales, ma première grande mise en musique de poésie était de la poésie française et c’était une œuvre fondée sur les poèmes de Rimbaud appelés Les Illuminations. On pourrait dire qu’il y avait quelque chose dans la mise en musique d’une langue étrangère qui m’a permis de trouver une liberté qui n’existait pas dans mon propre langage. Je veux dire qu’il y a une certaine précaution qui accompagne son langage maternel ; la sensation, par exemple, est terriblement importante. Mais dans ce cas, c’était le sentiment des mots français ; mon français n’était pas très bon mais j’avais une très bonne traduction d’Helen Rootham qui m’a beaucoup aidé dans ces poèmes très hermétiques mais très beaux.
Cooper : Vous les aviez côte à côte alors ?
Britten : Oui. Dans ce volume, il y avait le français sur une page et l’anglais sur l’autre53.
Les réponses du compositeur à l’interview de Joseph Cooper nous éclairent sur la façon dont le compositeur organise matériellement son travail sur le recueil. Contrairement aux Quatre Chansons, où il s’était attaqué directement à la version française des textes, Britten travaille ici sur une version bilingue. Le caractère hermétique de la prose poétique de Rimbaud, en comparaison des très courts poèmes d’Hugo et de Verlaine choisis dans le cycle de jeunesse, explique sans doute cette décision. La version bilingue utilisée par le compositeur est la traduction anglaise d’Helen Rootham publiée en 193254. Britten avait en sa possession la réédition de 1936, comme en témoigne l’exemplaire présent dans sa bibliothèque à la Britten-Pears Foundation.
Il s'agit d'une traduction très littérale des poèmes français. Elle est complétée par une introduction de la poétesse Edith Sitwell, qui apporte de nombreux éléments biographiques. Il ne fait aucun doute que Britten ait lu et utilisé cette introduction : lorsqu’il écrit plusieurs années plus tard une note de programme explicative au sujet de la source poétique de son cycle de mélodies, la similarité avec l’introduction de Sitwell est évidente55. L’influence que cette édition spécifique du recueil poétique a pu avoir sur la partition n’est pas anodine. On remarque ainsi que l’ordre dans lequel sont organisées les traductions d’Helen Rootham n’est pas celui, chronologique, de l’écriture des poèmes par Rimbaud, ni celui de leur première publication dans la revue La Vogue. Dans cette édition bilingue, les poèmes Marine et Mouvement, par exemple, sont intercalés entre des poèmes en prose, ce qui n’est pas le cas dans la version de référence française du recueil56. De la même manière, alors que certains titres de poèmes sont traduits en anglais, d’autres sont restés dans la langue originale (Antique et Nocturne notamment). Ces choix de traduction et d’organisation du recueil sont conservés comme principes de l’architecture du cycle chez Britten : Marine, comme chez Rootham, est intercalé entre deux poèmes en prose.
C’est en somme une approche relativement empirique qu’adopte Britten pour se confronter à la poésie d’Arthur Rimbaud : c’est le « sentiment » que provoquent chez lui les « mots français » qui pousse le compositeur à se tourner à nouveau vers la France pour y renouveler son inspiration artistique. Le terme de « sentiment » est ici difficile à expliciter, mais il semble qu’on puisse faire l’hypothèse d’une influence des sonorités de la langue française sur la musique que compose Britten, lesquelles peuvent être mises en musique avec moins de rigueur que les textes anglais :
Pour ce qui est de l’aspect technique de mettre en musique une langue étrangère, je ne suis pas linguiste et il y a une ou deux erreurs je crois dans la mise en musique des Illuminations (les Français ne s’en sont jamais plaints – les Anglais sont les seuls à être contrariés par des détails de ce genre), mais je m’enorgueillis d’avoir l’intuition des langues, même si je ne les parle pas très bien57.
La composition des Illuminations se caractérise donc, dans une certaine mesure, par une forme de spontanéité induite par l’étrangeté de la langue. À l’inverse, composer dans sa langue maternelle, à l’instar des compositeurs de la génération précédente, se confond dans l’esprit du compositeur avec une forme d’académisme, qu’il récuse comme cause première de l’inauthenticité du langage musical de ses contemporains58.
À l’exception de quelques compositeurs, du reste péjorativement qualifiés dans leur pays natal de « cosmopolites », comme Frederick Delius, Bernard van Dieren et plus tard Britten lui-même, peu de compositeurs anglais entreprirent de composer sur de la littérature étrangère pendant l’entre-deux-guerres. Se détournant du modèle alors prédominant en Europe dans le domaine de la musique vocale59, la majorité des compositeurs anglais dits académiques pratiquaient alors « l’art » de la chanson anglaise (English song), un genre autarcique qui trouve son inspiration dans des sources musicales locales, et dont la langue anglaise est le corollaire60. Dans le contexte nationaliste du début de la Seconde Guerre mondiale, le choix de la langue française et de la figure d’Arthur Rimbaud doit dès lors se comprendre à plusieurs égards comme une transgression de la part de Britten.
Les Illuminations marquent une nouvelle étape dans l’évolution du style musical de Benjamin Britten. L’utilisation des poèmes de Rimbaud lui permet non seulement de trouver une façon de composer de la musique vocale dans un style qui se détache de celui de ses aînés, mais aussi de construire un idiome qui lui est propre et dans lequel la notion d’ambiguïté – comme dans d’autres partitions postérieures – joue un rôle prédominant61. La fonction de l’inspiration française – ou plutôt le « sentiment des mots français62 » – a donc passablement évolué depuis la première expérience de 1928. Il ne s’agit plus de calquer sur un texte poétique un langage musical jugé propre à la nation dont il est originaire ou encore de se livrer à un exercice de pastiche dans le cadre d’un apprentissage de la technique de composition. Il s’agit de chercher dans la langue littéraire une forme d’échappatoire à la monotonie d’un langage musical scolaire et normé, tout en dévoyant, en creux, les attendus nationalistes assignés au genre de la mélodie en Angleterre dans l’entre-deux-guerres.
Les French Folk Songs : un genre national ?
Après la Seconde Guerre mondiale, l’évolution des rapports que Britten entretient avec la langue française est intrinsèquement liée au tournant qui se produit dans sa carrière. Après le succès fulgurant de la première représentation de Peter Grimes, le 7 juin 1945 au Sadler’s Wells Theatre de Londres, il devient un des compositeurs anglais les plus en vogue, en Angleterre comme à l’étranger. Cette accession fulgurante à la notoriété, concomitante d’une reconfiguration générale des politiques artistiques européennes, contraint Britten à adapter rapidement sa production au paysage musical d’après 194563. Le compositeur diffuse alors de lui-même une image soigneusement construite. Tandis qu’en Europe, il est « Britten l’Anglais », figure stéréotypée qui apparaît de manière récurrente dans les médias, en Angleterre, il devient le symbole du renouveau d’un genre musical national : l’opéra. Cette double vitrine n’est pas dépourvue d’ambiguïtés, comme le montre l’exemple de la relation de Britten à la France. De source d’inspiration à la fois poétique et musicale, la France devient dès lors, comme les autres pays d’Europe, un terrain de relations commerciales qu’il convient d’exploiter pour diffuser son œuvre. La façon dont la langue française est traitée par le compositeur dans ses mélodies illustre ce changement d’orientation.
Après les Illuminations, les seules chansons composées sur des textes français après la guerre sont les French Folk Songs, arrangements de thèmes populaires français. Le genre de la folk song et l’utilisation de mélodies populaires obligent Britten à clarifier sa relation aux musiques nationales, ainsi que la façon dont celles-ci s’intègrent à son langage musical. C’est pendant son exil aux États-Unis (1939-1942) que le compositeur commence à définir clairement sa relation à la tradition musicale anglaise. Plusieurs textes et compositions illustrent ce tournant : au premier chef les sept volumes des Folk Songs Arrangements, dont le premier volume, British Isles, est publié en 1941 par Boosey & Hawkes. La production d’arrangements n’est toutefois pas circonscrite aux années 1940 : elle recouvre une portion conséquente de la carrière de Britten et se termine en 1976, l’année de la mort du compositeur. Parmi les sept volumes de Folk Songs, la quasi-totalité est consacrée à des sources anglaises64. Seul le second volume, France (1942), échappe à la règle.
En 1941, à un moment où la musique de Britten est critiquée en Angleterre pour son caractère jugé trop « cosmopolite » et « ingénieux65 », le compositeur interroge l’authenticité nationale attribuée à la folk music et s’attaque à l’insularité musicale assignée au genre. Il ne s’agit plus alors d’utiliser la France comme une source d’inspiration musicale en citant explicitement Ravel ou Debussy, voire en pastichant leur langage musical. Il s’agit plutôt de fabriquer des images d’Épinal musicales utilisant des topoï français et de composer des pièces adaptées aux attentes d’un public élargi, notamment à celles du public continental. L’emprunt se mue alors en « accommodation » à un objectif commercial. La composition des chansons n’est plus gouvernée uniquement par une inspiration extérieure : elle se conforme désormais également aux contraintes de la tournée, auxquelles la brièveté des arrangements de chansons populaires s’adapte particulièrement.
Composés en décembre 1942, les huit arrangements de chansons françaises ont été écrits pour la chanteuse suisse Sophie Wyss, ce qui explique sans doute le choix de cette langue spécifique, outre le contexte de guerre. Le cycle est créé par Wyss à la National Gallery, accompagnée par Gerald Moore66. Cinq des huit chansons sont enregistrées peu après, avec Britten au piano, pour Decca. Les arrangements du recueil sont fondés sur des mélodies aux sujets canoniques, parmi lesquelles un chant de Noël (La Noël passée), plusieurs romances (La belle est au jardin d’amour, Quand j’étais chez mon père), une chanson de printemps (Voici le printemps) et une chanson de chasse (Le roi s’en va-t’en chasse). Le traitement de l’arrangement des chansons par Britten semble toutefois relativement peu pensé en fonction de leur origine nationale. Dans l’introduction de La belle est au jardin d’amour, cinquième arrangement du recueil consacré à des chansons françaises, Eric Roseberry assimile la ligne de piano et la simplicité des harmonies à une écriture proche des mélodies de Gabriel Fauré67. En dehors de cet exemple spécifique, où l’influence de Fauré n’apparaît que de manière assez allusive, seuls quelques traits marginaux rappellent le langage « français68 ».
Les Folk Songs Arrangements : un répertoire de concert
Les arrangements constituent paradoxalement le corpus brittenien avec lequel le public français est le plus fréquemment en contact dans les années d’après-guerre, dans un contexte où les opéras peinent à être montés dans les salles de concert traditionnelles69. Les tournées européennes avec Peter Pears en sont le véhicule, complétées par les émissions radiodiffusées et télévisées françaises. Dans ces dernières, les cycles de mélodies sont surreprésentés70. La France n’est certes pas le pays européen dans lequel Britten et Pears se produisent le plus fréquemment. À l’inverse de l’Allemagne ou des pays flamands, le couple n’y dispose pas d’un impresario attitré capable d’organiser des tournées de grande envergure. Peter Diamand, directeur du Festival de Hambourg, et agent de Britten et Pears aux Pays-Bas, remplit parfois cette fonction en France71. C’est bien souvent à l’occasion de propositions émanant spontanément des salles de spectacle françaises que Britten et Pears traversent la Manche72. À l’exception de concerts ponctuels à Paris – lesquels se font toutefois de plus en plus rares dès le milieu des années 1950, Britten appréciant peu l’accueil plus que mitigé que la critique parisienne réserve à ses opéras73 –, le duo ne donne que deux tournées importantes en France.
Lors de la première tournée, organisée en 1945 sous les auspices du British Council, le duo se produit à deux reprises à Paris, en mars et en octobre 1945, puis en province. Le couple y interprète exclusivement des mélodies, parmi lesquelles les French Folk Songs Arrangements et les Seven Sonnets of Michelangelo74. La tournée comportait initialement des escales à Lyon et à Toulouse mais celles-ci sont annulées en cours de route75. Les lettres du compositeur suggèrent que ces concerts ont été majoritairement bien accueillis par le public et par la critique française76. Il faut attendre 1958 pour que soit organisée une seconde tournée française de grande ampleur77. L’expérience n’est toutefois pas renouvelée, Britten et Pears se déplaçant peu en France, si ce n’est à l’occasion de vacances dans le sud du pays, ou pour participer à des festivals78. Pour plus de clarté, nous avons résumé les principales étapes de ces tournées dans deux tableaux :
Lieux |
Dates |
Concerts |
PARIS |
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Théâtre des Champs-Élysées |
8 mars 1945 |
Enregistrement d’une version des Illuminations pour la Radiodiffusion française avec Peter Pears |
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10 et 11 mars 1945 |
Britten dirige l’orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire de Paris, en compagnie de Charles Munch, dans la Serenade et la Sinfonia da Requiem. |
Salle du Conservatoire de Paris |
13 mars 1945 |
Concert de mélodies avec Peter Pears : French Folk Songs Arrangements, Seven Sonnets of Michelangelo, lieder de Schubert. |
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20 octobre 1945 |
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BORDEAUX |
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Ciné-Mondial |
23 octobre 1945 |
Plusieurs concerts de mélodies (French Folk Songs Arrangements, Seven Sonnets of Michelangelo, lieder de Schubert) avec Pears, au profit des aviateurs de la RAF et célébrant l’amitié franco-britannique. |
LYON |
Octobre 1945 |
Concerts annulés |
TOULOUSE |
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Lieux |
Dates |
Concerts |
PARIS |
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Salle Gaveau |
22 avril 1958 |
Concert de mélodies en duo avec Peter Pears (chansons de Purcell, lieder de Schubert, French Folk Songs Arrangements, Seven Sonnets of Michelangelo). |
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23 avril 1958 |
Création française de la Spring Symphony par l’Orchestre des Jeunesses musicales sous la direction de Britten. |
LYON |
25 avril 1958 |
Concert de mélodies en duo avec Pears. |
MARSEILLE |
26 avril 1958 |
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AVIGNON |
29 avril 1958 |
/// |
Dans l’ensemble de ces concerts, les Folk Songs tiennent une place particulièrement importante, d’une part parce qu’elles en font la clôture, d’autre part parce qu’elles constituent un répertoire pensé spécifiquement pour la voix de Peter Pears. Comme le montre la comparaison des programmes de concerts donnés par Britten et Pears en Angleterre, en France et dans différents pays européens, leur structure est toujours reproduite à l’identique. Si on compare le programme des deux récitals de 1958 salle Gaveau avec le programme des manifestations de 1945, le contenu de la soirée n’a quasiment pas évolué79.
Programme du concert |
Programme du concert |
Anon. : Have You Seen but a Whyte Lilie Grow John Dowland : Sorrow, Stay Henry Purcell : There’s not a Swain ; Turn Thine Eyes ; On the Brow of Richmond Hill Franz Schubert : Am See ; Auf der Bruck ; Du bist die Ruh ; Die Allmacht Benjamin Britten : Seven Sonnets of Michelangelo, Folk Songs Arrangements (en français) |
Henry Purcell : There’s not a Swain ; Turn Thine Eyes ; On the Brow of Richmond Hill Franz Schubert : Am See ; Auf der Bruck ; Du bist die Ruh ; Die Allmacht Benjamin Britten : Seven Sonnets of Michelangelo, Folk Songs Arrangements (en français et en anglais) |
La première partie du récital est réservée à des mélodies, des chansons ou des airs d’Henry Purcell et de John Dowland. Des lieder de Franz Schubert la concluent toujours. La seconde partie, quant à elle, est dévolue aux compositions de Britten. Plusieurs cycles de mélodies sont interprétés de manière récurrente, notamment les Seven Sonnets of Michelangelo. Le récital se termine enfin invariablement par un assortiment de Folk Songs. Le caractère bref et enlevé des arrangements en fait des pièces particulièrement adaptées pour les rappels. Du reste, la structure fixe du programme est conservée par Pears en dehors des récitals avec Britten80. Les Folk Songs n’ont ainsi pas vocation à être simplement des pièces évocatrices ou légères. Elles font partie d’un système scénique immuable qui contribue à consolider l’image de « Britten l’Anglais » à l’étranger. La soirée se conclut par l’interprétation de chansons au caractère national marqué, l’ensemble pouvant attirer en Europe par son exotisme discret.
Si, lors des concerts ayant lieu en France, les arrangements de chansons françaises sont généralement privilégiés, ils restent panachés avec des arrangements de mélodies populaires anglaises qui ont la préférence du public81. Ce choix s’explique sans doute par la volonté de satisfaire les attentes d’un auditoire qui se déplace avant tout pour assister à un concert de musique anglaise. De même, lors des rares émissions radiodiffusées conservées qui mettent en avant des œuvres du compositeur, ce sont à nouveau les arrangements qui sont favorisés82. Il est difficile d’estimer quelle a pu être la diffusion en France des enregistrements discographiques des Folk Songs Arrangements, publiés chez HMV et, pour la majeure partie, chez Decca, dans les interprétations originales de Sophie Wyss et de Peter Pears. Ces enregistrements, d’une durée relativement courte, idéale pour le gramophone car peu chers à produire, auraient pu être aisément commercialisés sur le territoire français. Comme le montre Paul Kildea83, la diffusion des Folk Songs Arrangements a toutefois connu un sort particulier, ses enregistrements connaissant un si grand succès aux États-Unis dans les années 1950, que la firme Decca choisit de les diffuser exclusivement sur le marché américain. Les disques ne voient le jour que très tardivement en Angleterre – choix curieux étant donné la thématique nationale des recueils. On peut supposer que la diffusion française a été assez similaire à la diffusion anglaise, puisque les réseaux de diffusion de Decca étaient alors scindés en un marché européen et un marché américain fonctionnant quasi-indépendamment84.
Contrairement aux tenants de l’English Musical Renaissance, qui assignaient une qualité nationale innée au langage des mélodies populaires, Britten choisit donc d’adapter ses arrangements aux lieux de concert pour lesquels ils étaient conçus. Confrontés à des lieder allemands, à des chansons et des mélodies au sein de programmes à la structure figée, les arrangements se conforment aux lieder qui les précèdent. Plus encore, les ressemblances entre la ligne de piano des Folk Songs et celle de certains lieder de Schubert ou de chansons de Purcell donnent à penser que le langage musical des arrangements a été conçu par Britten en fonction de ces dernières. The Miller of Dee par exemple, chanson qui appartient au troisième volume des Folk Songs (1946), semble composé en regard des lieder de Schubert interprétés en récital. Si on le compare au lied Trockne Blumen, tiré de La Belle Meunière – cycle de Schubert que Britten et Pears interprétaient le plus fréquemment en concert –, de grandes similarités dans le parcours tonal des deux pièces apparaissent85. Du reste, la Folk Song et le lied en question sont liés par une même thématique : tous deux mettent en scène le meunier qui, ayant renoncé à l’amour, se prépare à la mort. Le meunier de Britten conclut sa chanson sur la phrase : « Je n’aime personne, non, pas moi, si personne ne m’aime86 » ; le meunier de Schubert déplore la perte de l’amour de la femme aimée et envisage sa mort prochaine.
De la même manière, l’arrangement de Britten Voici le printemps est quasiment toujours interprété en concert en regard du lied Im Frühling, la communauté thématique entre les deux pièces vocales étant évidente. On trouve des correspondances similaires entre les chansons de Purcell ou de Dowland interprétées en première partie et les arrangements de Britten en seconde partie. Il ne s’agit pas seulement de souligner la cohérence thématique qui gouverne l’organisation des programmes, ce qui relèverait du truisme. Le choix du langage, le terme étant ici compris au sens large (tonalités, choix des thématiques, formules pianistiques, etc.), est partiellement gouverné par celui des autres pièces prévues pour le concert. Les contraintes matérielles de ce dernier déterminent dans une certaine mesure la forme musicale que prend l’arrangement. L’utilisation de topoï musicaux français n’est plus seulement le corollaire d’une mise en musique de textes français chez Britten, même dans ce cas, extrême, de la composition sur des timbres français. Lied, mélodie populaire et chanson évoluent dans un système interdépendant dont le critère est la cohérence thématique et formelle des pièces programmées.
Les French Folk Songs témoignent en somme d’une ultime utilisation de l’emprunt. Ici, le matériau musical et thématique dans lequel Britten puise se réduit à celui qui est présenté dans le programme. Les arrangements sont les morceaux sur lesquels Britten dispose de la plus grande marge d’adaptation, alors même qu’ils sont déterminés par le matériau initial de la chanson populaire. La relation qu’entretient Britten avec le genre de la folk song est ambigu à plusieurs égards. Le genre lui donne l’occasion d’arranger des mélodies aux fortes connotations nationales – voire nationalistes – et contribue à l’élaboration de son image de compositeur anglais, en Angleterre comme à l’étranger. Quantitativement surreprésentés dans les récitals donnés par Britten et Pears en Europe, les arrangements de mélodies populaires sont ainsi au centre d’un système de représentation qui est le principe même de la composition. Dans ce cadre, la relation que Britten entretient avec son public est prépondérante et commande certains choix compositionnels.
Conclusion : La France de Benjamin Britten
Le lien à la France prend des aspects divers dans l’œuvre vocale de Benjamin Britten,dont le pastiche, l’imitation, la citation et la reprise sont autant de témoignages. Le processus de constitution du matériau musical, fait d’emprunts composites, en témoigne. Toutefois, l’emprunt – qu’il soit langagier ou musical – ne vaut pas uniquement pour lui-même en tant que technique de composition. Il est aussi utilisé par le compositeur comme un moyen d’unifier son idiome et celui de compositeurs antérieurs qu’il interprète en concert (Dowland, Purcell, Schubert, etc.). Il est également employé comme un moyen de s’attirer la faveur du public et de correspondre à une certaine image de marque, celle de « Britten l’Anglais ».
Notes
*Je tiens à remercier Christian Accaoui pour ses conseils et sa bienveillance au moment de la conception la première version de cette recherche. Ma reconnaissance et mes remerciements vont également aux relecteur•ices de cet article : Marinu Leccia, Arthur Macé et Marie Tranchant.
1Arthur Honegger, en réaction à la première de l’opéra Billy Budd de Benjamin Britten au Théâtre des Champs-Élysées, le 26 mai 1952, cité par le critique « Le Strapontin » dans « La soirée d’hier […] au Théâtre des Champs-Élysées. Billy Budd, de B. Britten », L’Aurore, 27 mai 1952, p. 9.
2PHILIPSEN, Petra, « “New Music in Britain” – with or without Britten? The Historical Positioning of Benjamin Britten », Revue belge de musicologie, vol. 68, 2014, p. 209-221.
3SIMEON, Ennio, « Les Illuminations de Benjamin Britten », Revue d’études rimbaldiennes, no 4, 1986, p. 102-110 ; DREW, David, « The Savage Parade – From Satie, Cocteau, and Picasso to the Britten of Les Illuminations and Beyond », Tempo, no 217, 2001, p. 7-21 ; ABBOTT, Helen, « Transposition des Illuminations ou Rimbaud en musique », Parade sauvage, no 25, 2014, p. 301-322.
4MARK, Christopher, « Britten’s Quatre chansons françaises », Soundings, no 10, 1983, p. 23-35.
5ROSEBERRY, Eric, « Old Songs in New Contexts: Britten as an Arranger », in COOKE, Mervyn (dir.), The Cambridge Companion to Benjamin Britten, Cambridge University Press, 1999.
6CARPENTER, Humphrey, Benjamin Britten: a Biography, Londres, Faber & Faber, 1992 ; GAULLE, Xavier de, Benjamin Britten ou l’impossible quiétude, Arles, Actes Sud, 1996 ; POWELL, Neil, Benjamin Britten, a Life for Music, Londres, Hutchinson, 2013.
7JOHNSON, Graham, Britten, Voice & Piano: Lectures on the Vocal Music of Benjamin Britten, Aldershot, Ashgate, 2003.
8ABBOTT, Helen, art. cit. ; WHITTALL, Arnold, « Tonality in Britten’s Song Cycles with Piano », Tempo, no 96, 1971.
9KENNEDY, Kate (dir.), Literary Britten. Words and Music in Benjamin Britten’s Vocal Works, Woodbridge, The Boydell Press, 2018.
10À l’occasion des fréquentes soirées musicales qui se tiennent dans sa maison de famille, le jeune compositeur accompagne ainsi sa mère au piano, notamment dans les lieder de Schubert ou de Brahms ; cf. KENNEDY, Kate (dir.), Literary Britten, op. cit., p. 194.
11Britten cité dans MARK, Christopher, Early Benjamin Britten, op. cit., p. 7 : « Symphony after symphony, song after song, a tone-poem called Chaos and Cosmos, although I fear I was not sure what these terms really meant. »
12C’est ce que note le musicologue Christopher Mark, qui voit entre la partition de l’Humoreske et celle de La Mer de nombreuses similitudes harmoniques et orchestrales ; MARK, Christopher, Early Benjamin Britten, op. cit., p. 11.
13De fait, Frank Bridge avait considérablement transformé son langage musical sous l’influence des compositeurs français au tournant du siècle. De nombreuses partitions du compositeur manifestent une familiarité très importante avec le langage musical de Debussy, de Ravel mais aussi de Frank, comme l’a démontré le biographe Fabian Huss dans The Music of Frank Bridge, Woodbridge, The Boydell Press, 2015.
14GJERDINGEN, Robert O., Child Composers in the Old Conservatories: How Orphans Became Elite Musicians, Oxford University Press, 2020.
15L’œuvre est composée à l’occasion du vingt-septième anniversaire de mariage des parents de Britten et est dédiée à ces derniers : sur la première page de la partition manuscrite, on peut lire l’inscription « Dedicated to Mr. and Mrs. R. V. Britten on the twenty-seventh anniversary of their wedding, September 5th 1928 » (« Dédié à M. et Mme R. V. Britten à l’occasion de leur vingt-septième anniversaire de mariage, le 5 septembre 1928 »), Britten-Pears Foundation, BTC587, BBM/quatre_chansons_francaises/2/5.
16Christopher Mark note en guise d’introduction que le cycle déploie un « large éventail de styles insuffisamment intégrés, et une quantité non négligeable de spéculations syntaxiques » ; cf. MARK, Christopher, « Britten’s Quatre Chansons françaises », art. cit., p. 23 : « The fourteen year-old E. B. Britten’s Quatre Chansons françaises of 1928 show a wide range of not always satisfactorily integrated styles, and a fair amount of syntactic speculation. »
17La composition des chansons de Tit for Tat est contemporaine mais celles-ci ne sont constituées en cycle que bien des années plus tard, en 1968.
18FORD, Boris, Benjamin Britten’s Poets, Manchester, Carcanet, 1998 ; KENNEDY, Kate (dir.), Literary Britten, op. cit.
19On peut penser en particulier à John Donne, Michel-Ange, Hölderlin ou encore Rimbaud, tous mis en musique dans des cycles de la maturité ; cf. PORTER, Peter, « Composer and Poet » et PALMER, Christopher (dir.), The Britten Companion, Londres, Faber & Faber, 1984, p. 276.
20Le poème Sagesse a en particulier été mis en musique par de nombreux compositeurs : Gabriel Fauré dans Prison ou Reynaldo Hahn dans D’une prison. Il a également été mis en musique dans une traduction anglaise par Ralph Vaughan Williams en 1908 (The Sky above the Roof) quoique cette dernière version ne partage aucune similarité avec celle de Britten.
21Je remercie Marinu Leccia de m’avoir fait part de ses dépouillements des cahiers d’écoliers de Britten datant de ses années à la Gresham School entre 1928 et 1930. Les notes de cours de Britten sont conservées à la Britten-Pears Foundation, B5, 026-G.
22FORD, Boris, Benjamin Britten’s Poets, op. cit., p. 287-288.
23Je remercie les archivistes de la Britten-Pears Foundation de m’avoir guidée dans les fonds d’archives. L’anthologie en question est celle de St John Lucas, The Oxford Book of French Verse: 13th Century – 19th Century, Oxford University Press, 1924, Bibliothèque de la Britten-Pears Foundation, non-coté.
24Britten-Pears Foundation, BTC587, BBM/quatre_chansons_francaises/2/5 ; BBM/quatre_chansons_francaises/2/4 ; BBM/quatre_chansons_francaises_i
25L’arrangement pour piano (BTC587.1, BBM/quatre_chansons_françaises_i) date du 13 décembre 1928, ainsi qu’en témoigne une annotation de la main du compositeur sur la dernière page du manuscrit, tandis que les autres (BTC587, BBM/quatre_chansons_françaises/2/4 et 2/5) sont datées respectivement du 13 au 16 juin 1928 et des 17 juin au 31 août 1928.
26Qu’il s’agisse d’une erreur ou d’une modification volontaire de la part de Britten, dans les différents manuscrits, cette mélodie est systématiquement intitulée Les Nuits de juin au lieu de Nuits de juin, contrairement à ce qu’indique la version imprimée de Colin Matthews.
27Britten-Pears Foundation, journaux non publiés de Benjamin Britten, entrée du 17 juin 1928 : « Rewrite some songs, written on Friday and Saturday namely Dans les bois and begin to rewrite Nuits de juin. »
28C’est ce que fait remarquer MARK, Christopher, « Britten’s Quatre Chansons françaises », art. cit., p. 26-27. Le manuel en question est celui de FORSYTH, Cecil, Orchestration, Londres, Macmillan & Co., 1914.
29« If desired, the 3 bars, following the ⌖ on this page, and the two bars following the ⌖ on the following page, can be taken by the harpist in C flat minor, thus giving greater length of string. »
30FORSYTH, Cecil, Orchestration, op. cit., p. 475 : « In the very # keys, such as B, F#, and C#, it is better to write the harp part in the corresponding enharmonic flat keys, Cb, Gb, and Db. It gives a greater vibrating-length for the strings. »
31JOHNSON, Graham, Britten, Voice & Piano, op. cit., p. 39.
32COOPER, Martin (dir.), The New Oxford History of Music, vol. X, « The Modern Age (1890-1960) », Oxford University Press, 1974, p. 547.
33EVANS, John (dir.), Journeying Boy: The Diaries of the Young Benjamin Britten (1928-1938), Londres, Faber & Faber, 2009, p. 13.
34Ibid., p. 15.
35C’est du reste Audrey Alston qui fait découvrir au jeune Britten la musique de Frank Bridge et Frank Bridge lui-même ; cf. WALKER, Lucy, « Settings from Boyhood », in KENNEDY, Kate (dir.), Literary Britten, op. cit., p. 194.
36Britten cité dans BRIDCUT, John, Essential Britten, Londres, Faber & Faber, 2012, p. 190 : « This was the first music that I heard non-domestically, so to speak – played by the Norwich String Quartet. »
37Ces journaux, non publiés, sont conservés à la Britten-Pears Foundation à Aldeburgh.
38Lorsque le premier Quatuor à cordes de Britten fut créé à Los Angeles en 1941, le compositeur choisit de le programmer en regard du Quatuor à cordes de Maurice Ravel, mettant ainsi en évidence la communauté d’inspiration entre les deux œuvres.
39Britten-Pears Foundation, journaux non publiés de Benjamin Britten, entrée du 24 avril 1928 : « Go Colmans for tea, and hear some lovely Gramophones records, including F. Bridges 3 Idylls for S. Quart, and Debussy’ Après-midi d’un faune. Buy Beethoven, Mass in D and Choral Fantasia. »
40Ibid., entrée du 13 mai 1928. Le programme comportait : la Sonate pour piano en la bémol majeur op. 110 de Beethoven, la Sonate pour violon et piano en la majeur de Bach, la Sonatine de Ravel et la Sonate pour violon et piano en sol majeur de Brahms. Ce concert fut probablement donné dans le cadre du Norwich Music Festival, auquel Britten assista pendant quelques jours au cours des vacances du printemps 1928.
41Les dates de ces premières transmissions radiodiffusées sont citées dans THOMPSON, Kenneth, A Dictionary of Twentieth-Century Composers (1911-1971), Londres, Faber & Faber, 1973.
42JOHNSON, Graham, Britten, Voice & Piano, op. cit, p. 40.
43MARK, Christopher, « Britten’s Quatre Chansons françaises », art. cit., p. 25-26.
44Ce n’est pas le cas, en revanche, pour les partitions qui ne sont pas de poche, ce qui rend le travail de recension plus complexe qu’il n’y pourrait paraître au premier abord. La liste de ces partitions est conservée à la Britten-Pears Foundation.
45Au sujet de celles-ci, Britten déclare dans son journal qu’il s’agit d’une « œuvre merveilleuse », le « chef-d’œuvre » de César Franck, et l’interprète lui-même par la suite au piano lors d’une Soirée musicale à Lowestoft en janvier 1932 ; cité par BRIDCUT, John, Essential Britten, op. cit., p. 208.
46BRIDCUT, John, Essential Britten, op. cit., p. 201.
47Ibid., p. 225 : « A few days later he got “stuck” writing his ballet Plymouth Town, because he was “saturated in Ravel”. »
48REED, Philip et Donald MITCHELL (éd.), Letters from a Life: The Selected Letters and Diaries of Benjamin Britten, Volume 2: 1939-45, Londres, Faber & Faber, 1991 (rév. 1998), p. 932.
49Au sujet du recueil Les Illuminations : « It is definitely my opus 1 », lettre de B. Britten à Ralph Hawkes du 19 octobre 1939, in REED, Philip et Donald MITCHELL (éd.), Letters from a Life, Volume 2: 1939-45, op. cit., p. 711. Britten avait déjà fait référence en 1937 à son cycle vocal Our Hunting Fathers (op. 8) en des termes similaires : « pour sûr, c’est mon opus 1 » (« it’s my op. 1 alright »), journal de Britten, entrée du 30 avril 1937, cité dans id., p. 713.
50MATTHEWS, Colins, préface à l’édition des Three Songs for Les Illuminations, Aldwych, Boosey & Hawkes, 2004, non paginé.
51Comme l’admet lui-même le compositeur, son ami W. H. Auden n’est pas étranger à ce choix puisque c’est lui qui l’incite à lire la poésie de nouveaux auteurs anglo-saxons mais aussi étrangers, parmi lesquels Rimbaud : « Auden est parvenu à nous faire prendre Donne au sérieux. On ne l’apprenait pas trop à l’école, ou du moins on ne l’y appréciait pas à sa juste valeur. Il m’a aussi fait connaître Rimbaud. » Interview de B. Britten avec Murray Shafer en 1963, British Composers in Interview: Benjamin Britten, Londres, Faber & Faber, 1963, p.113-124, cité par KILDEA, Paul (éd.), Britten on Music, op. cit., p. 224 : « Auden got us to take Donne seriously. One didn’t get much of him at school, or at least we didn’t appreciate him properly there. He also introduced me to Rimbaud. »
52On peut faire l’hypothèse, à ce sujet, que l’identification de Britten à Purcell pendant cette période commande certainement dans une certaine mesure le choix des textes et des langues que Britten met en musique. De ce point de vue, le français (Les Illuminations) et l’italien (Seven Sonnets of Michelangelo) sont deux langues qui correspondent à deux sphères géographiques constituant également une source d’inspiration importante pour Purcell, ce qui Britten ne pouvait manquer de savoir. À l’occasion d’une interview avec Murray Shafer, Britten explicite comment cette communauté d’inspiration le lie spirituellement à Purcell : « Je suis sûr que Purcell ressentait les choses de la même manière à son époque car il était lui aussi sûrement influencé par la musique française et italienne » cité dans KILDEA, Paul (éd.), Britten on Music, op. cit., p. 230 : « I am sure Purcell felt the same way in his own day about this, for surely he was influenced by French and Italian music too. »
53Extrait de la transcription de l’émission « The Composer Speaks » du 30 mai 1957, diffusée sur la BBC le 7 juillet 1957 à 11h15, pendant laquelle Benjamin Britten fut interviewé par Joseph Cooper, cité par KILDEA, Paul, Britten on Music, op. cit., p. 150 : Britten : « Well I got more and more interested in the voice, I think that probably came from my love of English poetry, but I felt there was something wrong with my settings of English words ; I didn’t feel it had the freedom that the great vocal composers I admired had so beautifully, and curiously enough, although my interest in English poetry probably took me to vocal writing, my first big setting of words was of French words, and that was a work based on the poems of Rimbaud called Les Illuminations. I suppose one could say that it was something in the setting of the foreign language which enabled me to have a freedom which set in my own language wouldn’t have existed. I mean, there is a certain caution which goes with one’s language; the sense, for instance, is frightfully important. But in this case it was the feeling of the French words; my French wasn’t frightfully good but I had a very good translation of Helen Rootham’s which helped me in these very obscure but very beautiful poems. » Cooper : « You had them side by side, did you? » Britten : « Yes. In this volume there was the French on one side and the English on the other. »
54ROOTHAM, Helen, Prose Poems from Les Illuminations of Arthur Rimbaud Put into English, with an Introductory Essay, by Edith Sitwell, Londres, Faber and Faber Limited, 1932. Les traductions d’Helen Rootham sont reproduites telles quelles dans le livre de FORD, Boris, Benjamin Britten’s Poets, op. cit., p. 65.
55BRITTEN, Benjamin, note de programme « Les Illuminations, op. 18 (1939) » écrite à l’occasion d’un concert pour les Snape Maltings, non datée. La note de programme, comme beaucoup d’autres, a probablement été écrite à deux mains avec Peter Pears et est citée intégralement dans KILDEA, Paul (éd.), Britten on Music, op. cit., p. 366.
56L’édition de référence du recueil en France dans les années 1930 est encore celle du Mercure de France (1912, date de la première édition), éditée par Paterne Berrichon avec une préface de Paul Claudel, dans laquelle les poèmes en vers et les poèmes en prose sont dans des sections séparées et non mélangés comme dans la version anglaise de Rootham.
57Interview avec Muray Shafer (1963) citée dans KILDEA, Paul (éd.), Britten on Music, op. cit., p. 230 : « as for the technical question of setting a foreign langage, I am not a linguist and there are one or two small errors I believe in the setting of Les Illuminations (the French have never complained – the English are the only people who are annoyed by details of this kind), but I pride myself that I have a feeling for langages, even if I don’t speak them very well. »
58KILDEA, Paul, Benjamin Britten. A Life in the Twentieth Century, Londres, Allan Press, 2012, p. 142.
59On peut penser notamment à Arnold Schönberg, Alban Berg, Anton Webern ou Igor Stravinski.
60JOHNSON, Graham, Britten, Voice and Piano, op. cit., p. 35.
61Notamment dans l’opéra Le Tour d’écrou (1954), où la notion d’ambiguïté gouverne le parcours tonal de l’œuvre, telle qu’elle est analysée par EVANS, John, « The Sketches: Chronology and Analysis », in HOWARD, Patricia (éd.), The Turn of the Screw, Cambridge University Press, 1985, p. 68-69.
62Interview de B. Britten par Joseph Cooper, « The Composer Speaks », 1957, cité dans KILDEA, Paul (éd.), Britten on Music, op. cit., p. 150.
63WIEBE, Heather, Britten’s Unquiet Pasts. Sound and Memory in Postwar Reconstruction, Cambridge University Press, 2012, p. 10.
64vol. 3 : British Isles (1945) ; vol. 4 : Moore’s Irish Melodies (1957) ; vol. 5 : British Isles (1951) ; vol. 6 : England (1956) et Eight Folk Songs (1976), publiés chez Faber.
65La question de la trop grande « ingéniosité » (cleverness) très fréquemment reprochée à la musique de Britten a été étudiée de manière extensive par le musicologue Philip Brett, qui a montré en quoi ces commentaires relevaient d’une allusion détournée à l’homosexualité du compositeur bien plus que d’un commentaire esthétique sur la musique même ; cf. BRETT, Philip, Music and Sexuality in Britten, Berkeley, University of California Press, 2006.
66BRIDCUT, John, Essential Britten, op. cit., p. 395.
67ROSEBERRY, Eric, « Old Songs in New Contexts: Britten as an Arranger », in COOKE, Mervyn (éd.), The Cambridge Companion to Benjamin Britten, Cambridge University Press, 1999, p. 295.
68Par exemple la cadence conclusive (mes. 69-73) de la troisième chanson du recueil, « Fileuse », dont le langage musical rappelle celui du Debussy des Préludes, notamment les premières mesures, caractéristiques, des « Feux d’artifice ».
69PY, Maéna, Britten entre deux mondes, Paris, Classiques Garnier, 2012.
70Trois chansons françaises sont interprétées en direct par des musiciens français (Ruth Bézinian au chant et Odette Pigault au piano) : « Voici le printemps », « Il est quelqu’un sur terre » et « Le roi s’en va-t’en chasse ». Canal de diffusion France Culture, « Deux pages de musique : Pierre Persenot, Benjamin Britten », 22 octobre 1964. BnF, fonds Jane Bathori, RES VMA-334 (3,F).
71Britten-Pears Foundation, BBA/DIAMAND_P.
72La correspondance non éditée de Britten avec plusieurs théâtres et formations instrumentales françaises en témoigne, en particulier les lettres envoyées au compositeur par les Jeunesses musicales de France et le Théâtre de France, qui lui proposent spontanément de participer à leur programmation : archives de la Britten-Pears Foundation, BBA/JEUNESSES_MUSICALES_DE_FRANCE ; BBA/THEATRE_DE_FRANCE.
73L’opéra Billy Budd, créé à Paris en 1952 au Théâtre des Champs-Élysées, rencontre un accueil peu chaleureux, autant en raison de la musique elle-même qu’en réaction contre le livret de l’opéra. Le duo « Don’t like the French. Don’t like their Frenchified ways » (« J’aime pas les Français. J’aime pas leurs manières à la française ») provoque un tollé dans la salle et donne lieu à des commentaires chauvins dans la presse, le critique de l’Aurore allant jusqu’à déclarer : « Il est inadmissible qu’on puisse dire “À bas la France” au grand Théâtre des Champs-Élysées », signé « Le Strapontin », « La soirée d’hier [...] au Théâtre des Champs-Élysées. Billy Budd, de Benjamin Britten », L’Aurore, 27 mai 1952, p. 9.
74Sud-Ouest, rubrique « Bordeaux », 25 octobre 1945, p. 2.
75Lettre de B. Britten à Ralph Hawkes du 19 décembre 1945, in REED, Philip et Donald MITCHELL (éd.), Letters from a Life, Volume 2: 1939-45, op. cit., p. 1285.
76« Nous avons passé un bon moment à Paris et notre récital a rencontré un franc succès, ainsi qu’à Bordeaux », ibid., p. 1285 : « We had a fine time, in Paris, & a real wow with our recital, going to Bordeaux as well » ; Sud-Ouest, rubrique « Bordeaux », 25 octobre 1945, p. 2.
77Lettre de B. Britten à Anthony Gishford du 25 avril 1958, in REED, Philip et Mervyn COOKE (éd.), Letters from a Life: The Selected Letters of Benjamin Britten, Volume 5: 1958–1965, Woodbridge, Boydell Press, 2010, p. 32.
78Les principaux festivals de musique français fréquentés par Benjamin Britten pendant les années 1950 et 1960 sont : à Paris, l’Œuvre au XXe siècle (1952), le Festival d’Art dramatique de la Ville de Paris (1954, 1956) et le Théâtre des Nations (1959, 1967) ; en province, le Festival d’Aix-en-Provence (1952) et les Semaines musicales anglaises de Cannes (1955).
79DUMESNIL, René, « Britten – Martinon – Aubert – Schmitt – Hahn », Le Monde, 30 avril 1958, p. 9.
80Lors du concert donné le 28 novembre 1952 par Peter Pears et le pianiste Noel Mewton-Wood à Saint George, le programme comprend encore une fois en première partie des mélodies de compositeurs « classiques » (Mozart, Beethoven et Schubert) et en dernière partie quatre Folk Songs from Norfolk, dans l’arrangement de E. J. Moeran. Pendant la période 1952-1953, Noel Mewton-Wood avait remplacé Britten car ce dernier, accaparé par la composition de l’opéra Gloriana, n’était plus en mesure de partir en tournée. Cf. REED, Philip, MITCHELL, Donald et Mervyn COOKE (éd.), Letters from a Life: The Selected Letters of Benjamin Britten, Volume 4: 1952-1957, Woodbridge, Boydell Press, 2008, p. 105.
81Si on se réfère à la composition des programmes des tournées ainsi qu’à la liste des chansons choisies pour être gravées au disque (chez Decca), il apparaît que les arrangements de folk songs les plus populaires sont certainement : « Down by the Sally Gardens », « The Plough-boy » et « Bonny Earl o’Moray ».
82Trois chansons françaises sont interprétées en direct par des musiciens français (Ruth Bézinian au chant et Odette Pigault au piano) : « Voici le printemps », « Il est quelqu’un sur terre » et « Le roi s’en va-t’en chasse ». Canal de diffusion France Culture, « Deux pages de musique : Pierre Persenot, Benjamin Britten », 22 octobre 1964. BnF, fonds Jane Bathori, RES VMA-334 (3,F).
83KILDEA, Paul, Selling Britten: Music and the Market Place, Oxford University Press, 2002, p. 219.
84Cette hypothèse expliquerait notamment le choix des émissions de radiodiffusion consacrées à Britten de faire interpréter les Folk Songs en direct par des chanteurs français plutôt que de diffuser des enregistrements de Britten et de Pears, comme c’est le cas pour les autres recueils de mélodies.
85Chez Britten comme chez Schubert, l’opposition quasi-modale entre les deux tonalités est le principe compositionnel de la pièce. Chez Schubert, celle-ci est réalisée entre la tonalité de mi majeur et la tonalité de mi mineur. Dans « The Miller of Dee », c’est la ligne vocale, en mi bécarre, qui vient troubler la ligne de piano, en mi bémol.
86« I care for nobody, no not I, if nobody cares for me. »