Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris
n°7
Pauline Amar

La modulation en France au dix-neuvième siècle
Théorisation et enjeux expressifs

Article
  • Résumé
  • Abstract

Centré sur les traités théoriques du XIXe siècle, cet article a pour objectif, au-delà d’une recherche historique, de montrer la perception et la compréhension du phénomène modulatoire en France à cette époque. Il s’inscrit dans le courant actuel qui souhaite porter un regard historique sur l’analyse du langage musical en la nourrissant des écrits de l’époque.

Les repères spatio-temporels qui ont été choisis – la France et le XIXe siècle – délimitent une période riche en matière de théorie musicale, tout particulièrement du côté du Conservatoire de Paris. En effet, à la suite de sa création en 1795, les professeurs sont encouragés à publier des traités et des méthodes pour diffuser l’enseignement de leur discipline. Plusieurs conceptions de la modulation émergent de ces écrits : différentes écoles se confrontent, les deux plus significatives étant le Conservatoire de Paris et l’École Niedermeyer. Au sein même des institutions, les idées divergent parfois et des querelles éclatent, entre Reicha et Fétis par exemple. Ce travail s’attachera donc, sans prétendre à l’exhaustivité, à rendre compte des différentes facettes de la théorie française.

À une époque où la pensée harmonique diffère de celle qui est établie aujourd’hui en France – centrée sur les fonctions, où le mot « moduler » peut aussi bien signifier « changer de tonalité » que « changer d’harmonie » –, il est indispensable de se demander comment les théoriciens du XIXe siècle perçoivent la modulation et quels enseignements les compositeurs tirent des traités. Les règles de modulation en France à l'époque, si minutieusement théorisées, peuvent nous aider à comprendre certains choix compositionnels et à apprécier les traits les plus originaux des compositeurs de l’époque en matière d’harmonie : l’organisation même des traités, mettant bien plus en valeur le moyen de moduler que le rapport entre les tonalités, indique déjà que nos méthodes d’analyse, centrées sur le parcours tonal, ne rendent pas tout à fait compte des enjeux de l'époque.

Depuis quelques décennies, de nombreuses œuvres françaises tombées dans l’oubli sont remises sur le devant de la scène. L’analyse de leur langage et de leur singularité doit être pensée avec une méthode nouvelle, détachée du prisme allemand si bien défini mais trop éloigné des considérations françaises. C’est dans ce but qu’il semble intéressant de revenir sur la notion de modulation en France, afin de tirer un enseignement de son histoire.

Texte intégral

Introduction

La modulation est peut-être la partie la plus importante de l'harmonie, et la source la plus féconde de ses richesses et de ses beautés1.

C’est ainsi que les frères Escudier décrivent la modulation en 1872. L’objectif de cet article, consacré à l’étude analytique de la modulation, est de montrer la perception et la compréhension du phénomène modulatoire en France au XIXe siècle. Examinant plusieurs traités théoriques de l’époque, notre contribution entend s’inscrire dans le courant actuel qui souhaite historiciser l’analyse musicale, en reprenant le modèle des interprétations historiquement informées qui fleurissent depuis le dernier tiers du XXe siècle. Récemment par exemple, le dernier ouvrage de Claude Abromont et Eugène de Montalembert, Vocabulaire de l’harmonie2, aborde les concepts liés à l’harmonie en s’appuyant sur des traités qui y ont fait référence par le passé, dans le but d’enrichir la pratique de l’analyse musicale.

Les repères spatio-temporels qui ont été choisis – la France et le XIXe siècle – délimitent une période particulièrement riche en matière de théorie musicale. De nombreux traités voient le jour à l'époque dans l’ensemble du domaine musical : des dictionnaires généraux comme celui de Castil-Blaze (1828) ou des frères Escudier (1872) aux traités portant sur la technique instrumentale – tels ceux d’Étienne Ozi (1802) pour le basson ou de Pierre Baillot (1835) pour le violon par exemple –, sans oublier les traités destinés aux jeunes compositeurs qui portent aussi bien sur des notions d’harmonie3 ou d’orchestration4 que de composition5.

Cette volonté d’écrire l’enseignement trouve certainement son origine au Conservatoire de Paris : les premiers professeurs de cet établissement, après sa création en 1795, ont été encouragés à publier des méthodes portant sur leur discipline respective. Ces ouvrages ont notamment été étudiés lors de la journée d’étude « Les premières méthodes du Conservatoire national : pédagogie et transmission du répertoire musical »6. Ces ouvrages, après relecture, étaient agréés et devenaient des méthodes officielles. Cette démarche ne s’arrête pas à la sphère des futurs professionnels et de nombreux traités destinés aux amateurs sont publiés pendant la même période7.

À la lecture des écrits de l’époque qui traitent de la modulation, on comprend rapidement que plusieurs conceptions de ce phénomène coexistent et qu’il est impossible d’établir une manière de penser la modulation qui ferait école en France. Ces traités, en grand nombre, énoncent parfois des idées contradictoires. Différentes écoles se confrontent, les deux plus significatives étant le Conservatoire de Paris et l’École Niedermeyer. Au sein d’une même institution, les idées divergent parfois. Nous retiendrons par exemple le conflit qui a opposé Fétis et Reicha, tous deux professeurs de contrepoint et de fugue au Conservatoire de Paris, le premier de 1821 à 1833, le second de 1818 à 1836. Comme le rapporte Yannaël Pasquier dans son mémoire de master Les Enjeux de l’enseignement de l’harmonie à travers les méthodes officielles et des archives du Conservatoire de Paris de 1795 à 1871 (2019)8, Fétis reproche à Reicha une modernité qui nuirait à la tradition d’enseignement au Conservatoire de Paris :

[Reicha] défit en France le bien que la méthode de Catel […] avait fait, et rouvrit la porte à une multitude de fausses théories qui se sont produites en ce pays et ailleurs depuis quelques années. D'autant plus dangereux qu'il était soutenu par un nom justement estimé, en d'autres parties de l'art, il remit en question ce qui était décidé par l'autorité de la raison et de l'expérience, et forma des spectateurs qui le déclarèrent une conception du génie, quoiqu'en réalité il eût pu conduire à l'anéantissement de la science, si la science pouvait périr9.

Ces différentes écoles et querelles devaient entrer en compte dans le choix d’un corpus de traités qui, sans chercher à être exhaustif, serait représentatif des différentes facettes de la théorie française. Les cinq traités10 qui seront abordés dans cet article, en plus d’être répartis sur l’ensemble du siècle, répondent à ce critère : il s’agit du Traité d’harmonie de Charles-Simon-Catel (1802), du Cours de Haute composition musicale d’Antoine Reicha (1818), du Traité complet de la théorie et de la pratique de l’harmonie de François-Joseph Fétis (1844), du Traité analytique et complet de l’art de moduler de Johannes Weber (1858) et du Traité d’harmonie à l’usage des cours d’école de Gustave Lefèvre (1889). La frise chronologique qui suit replace chacun de ces traités dans son contexte, tout en établissant des liens entre les cinq théoriciens.


	Figure 1 - Chronologie des cinq traités 

Figure 1 - Chronologie des cinq traités 

Le premier des cinq traités dont il sera question est celui de Charles-Simon Catel. Professeur d’harmonie au Conservatoire de Paris dès 1795, date de création de l’établissement, on peut considérer son travail comme le point de départ de tous les traités d’harmonie liés au Conservatoire, comme le remarque Yannaël Pasquier :

L’étude systématique des méthodes officielles d’harmonie du Conservatoire nous montre une grande filiation entre le Traité d’harmonie de Catel et les quatre méthodes officielles qui lui ont succédé. La pensée théorique de Catel est présente dans chaque ouvrage et Catel est systématiquement cité comme le fondateur de la pensée moderne de l’harmonie.

Marc Rigaudière précise toutefois que cette place privilégiée accordée au traité de Catel est avant tout justifiée par sa publication lors des débuts du Conservatoire plutôt que par l'originalité des idées qui y figurent : « Ce n'est pas de l'originalité ou de la force d'une vision théorique dont il s'agit, mais d'un position saillante déterminée par des raisons de politique éducative. » (RIGAUDIÈRE, Marc, Les Théories de l'harmonie et de la tonalité en France au XIXe siècle, Lyon, Symétrie, 2024, p. 5.)

Les deux traités suivants ont également été écrits par des professeurs du Conservatoire : Antoine Reicha et François-Joseph Fétis y ont tous deux enseigné le contrepoint et la fugue, de 1818 à 1835 pour le premier et de 1821 à 1833 pour le deuxième11. Ils s’y sont donc côtoyés pendant douze ans. Nous verrons si la querelle mentionnée plus haut entraîne des idées divergentes en matière de modulation.

Johannes Weber, compositeur et théoricien alsacien peu connu de nos jours, semble être l’unique théoricien français du XIXe siècle à avoir consacré un ouvrage d’envergure à la question de la modulation. Ce traité est divisé en deux parties qui traitent respectivement des relations entre les tonalités et des moyens harmoniques de moduler. Bien que tombé dans l’oubli, il a reçu un accueil très favorable à sa publication :

Cet art si difficile de moduler, après avoir occupé tant d’esprits, rempli bon nombre de pages des traités d’harmonie, a été, tout dernièrement, encore, le sujet des recherches et des médiations d’un musicien instruit et distingué, M. Johannes Weber. Il publie aujourd’hui le fruit de ses études intelligentes et consciencieuses dans son Traité analytique et complet de l’art de moduler. Le titre obligeait, et le livre tient tout ce que le titre promettait. Les jeunes compositeurs qui étudieront attentivement cet ouvrage y trouveront des théories neuves et sûres12.

Johannes Weber nous intéressera par ailleurs pour sa double culture : bilingue franco-allemand, il a travaillé comme secrétaire pour Giacomo Meyerbeer13, voyageant fréquemment entre Paris et Berlin. Bien qu’il ait écrit plusieurs traités en français, tels que le Traité élémentaire d’harmonie (1869), il s’est intéressé à la musique allemande et notamment à celle de Wagner14. On suppose donc que son traité peut établir un lien entre les approches germaniques et françaises de la modulation.

Plus tardif, le traité de Gustave Lefèvre ouvre une nouvelle porte, celle de l’École Niedermeyer. Créée en 1853, cette école est aux antipodes du Conservatoire de Paris : centrée sur l’apprentissage de la musique religieuse, elle laisse supposer que les règles d’harmonie qui y sont enseignées appartiennent à un style plus rigoureux et sévère. En effet, dans son traité15, Reicha distingue deux styles de composition : le style rigoureux et le style moderne. Le premier, aussi appelé « système ancien », réfère à Palestrina et Fux mais continue d’être employé pour la musique sacrée :

Il ne faudrait pas croire cependant que [le style rigoureux] soit tout à fait inutile : il peut offrir de grandes ressources dans la musique sacrée. C’est dans le style rigoureux qu’on peut trouver des effets d’harmonie purs et célestes, infiniment préférables au luxe instrumental et théâtral qui s’est introduit dans nos temples16.

Les règles associées à ce style rigoureux sont plus exclusives que celles du système dit « moderne » : seules les modulations aux tons relatifs sont permises.

 

État des lieux

Si les traités théoriques allemands du XIXe siècle ont fait l’objet d’études approfondies, notamment par Marc Rigaudière dans son ouvrage La Théorie musicale germanique du XIXe siècle et l’idée de cohérence (2009), il n’existe pas à ce jour de monographie dédiée aux traités théoriques français, à l’exception de l’HDR du même auteur, Les Théories de l'harmonie et de la tonalité en France au XIXe siècle, soutenue en 2019 et récemment publiée, ainsi que le mémoire de master de Yannaël Pasquier, Les Enjeux de l’enseignement de l’harmonie à travers les méthodes officielles et des archives du Conservatoire de Paris de 1795 à 1871 (2019), plus spécifiquement porté sur les traités en lien avec le Conservatoire de Paris.

Il existe toutefois des écrits, thèses de doctorat et articles centrés sur les théoriciens de notre corpus : la thèse de David Neal George, The Traité d'harmonie of Charles-Simon Catel (1982)17, ainsi que l’article de Rémy Campos, « L'analyse et la construction du fait historique dans le Traité de l'harmonie de Fétis » (1997)18.

De nos jours, le phénomène modulatoire est abordé dans la plupart des ouvrages qui traitent d’harmonie ou d’analyse. Sans chercher à définir une approche actuelle de la modulation, qui serait anachronique dans le cadre cet article, ces écrits témoignent de la place importante de la modulation au sein de l’analyse musicale telle qu’elle est pratiquée et enseignée de nos jours. Nous retiendrons notamment le chapitre IV de L’Harmonie classique et romantique de Jean-Pierre Bartoli (2001)19, qui décrit et catégorise pendant près de 40 pages les modulations les plus caractéristiques des XVIIIe et XIXe siècle, ainsi que le chapitre « Analyse de l’harmonie (3) : modulations » du Guide de l’analyse musicale de Claude Abromont (2019)20 pour sa mise en lumière du traité de Momigny sur laquelle nous reviendrons pendant le premier chapitre.

 

Démarche et problématique

L’objectif de cet article, par une analyse comparée des traités de notre corpus, est d’extraire les éléments qui témoignent d’une pratique et d’une compréhension de la modulation propre à la France du XIXe siècle. Nous chercherons à définir des traits spécifiques au corpus entier aussi bien qu’à chaque théoricien. Un bref regard sur la situation en Allemagne, grâce à l’ouvrage de Marc Rigaudière La Théorie musicale germanique du XIXe siècle et l’idée de cohérence (2009)21, servira de contre-corpus, dans le but de mieux faire ressortir les caractéristiques spécialement françaises.

À une époque où la pensée harmonique différait de celle qui est établie aujourd’hui en France – centrée sur les fonctions, où le mot « moduler » pouvait aussi bien signifier « changer de tonalité » que « changer d’harmonie »22 –, comment les théoriciens percevaient-ils la modulation ? Quel enseignement les compositeurs tiraient-ils de ces traités ? Les principes de modulation au XIXe siècle en France, si minutieusement théorisés, peuvent-ils nous aider à comprendre certains enjeux expressifs, et à devenir sensible aux traits les plus originaux des compositeurs de l’époque en matière d’harmonie ? Quels enseignements nos méthodes d’analyse peuvent-elles tirer de cette approche historique de la notion de modulation ?

 

Étude des cinq traités

Selon les théoriciens français du XIXe siècle, l’art de moduler est né à l’époque de Monteverdi, premier compositeur à utiliser l’accord de septième de dominante, et s’est étoffé durant les siècles qui l’ont suivi. Cette idée témoigne d’une vision de l’histoire de la musique maintenant considérée comme fausse : Monteverdi, qui n’est pas encore inscrit dans une pensée tonale, n’utilise pas l’accord de septième de dominante comme moyen de moduler. Le terme même de « septième de dominante » est anachronique. Les septièmes de dominantes sont attaquées comme toutes les septièmes, sans distinction.

Au XIXe siècle, la modulation est dans « la dernière période de sa carrière harmonique23 » : elle est de plus en plus courte, éloignée du ton principal, utilise des techniques de plus en plus hardies faisant souvent appel à l’enharmonie. Ce chapitre a pour objectif de montrer la perception et la compréhension de ces phénomènes modulatoires par les compositeurs et théoriciens de l’époque en France. Les traités des cinq théoriciens retenus – Antoine Reicha, François-Joseph Fétis, Johannes Weber, Charles-Simon Catel et Gustave Lefèvre – seront présentés puis comparés, dans le but d’établir une synthèse de leurs conceptions en matière de modulation.

 

Charles-Simon Catel (1802)

Le chapitre que Catel dédie à la modulation est le plus court de tous ceux que nous nous apprêtons à étudier. En effet, il n’est composé que de quelques règles très sommaires : les modulations les plus simples sont celles à la quinte supérieure ou inférieure ; il faut une cadence dans la nouvelle tonalité pour considérer que la modulation est effective ; l’accord de septième de dominante est prépondérant dans le phénomène modulatoire. Il sous-entend par ailleurs que l’art de la modulation relève du bon goût et qu’il ne se théorise pas :

Les modulations se font principalement par les cadences, en évitant ou interrompant les cadences. Au surplus, il est difficile de leur prescrire des règles : la seule dont on ne doive jamais s’écarter est de satisfaire l’oreille. C’est le but essentiel de la musique, et les règles ne sont créées que pour l’atteindre24.

Après cette remarque montrant bien la place qu’il accorde à l’instinct dans la composition musicale, le théoricien livre un tableau d’exemples des vingt-huit modulations possibles à partir d’ut majeur. Ces modulations sont réalisées en quatre accords maximum, et sonnent pour la plupart avec une grande dureté. Aucune hiérarchie n’est donnée, les vingt-huit modulations apparaissent sur un pied d’égalité sans tenir compte de la proximité des tonalités de départ et d’arrivée.


	Figure 2 - Table des 28 modulations par Catel

Figure 2 - Table des 28 modulations par Catel

 

Antoine Reicha (1818)

Antoine Reicha distingue deux styles de composition : la composition dans le style rigoureux, se limitant au ton principal et à ses cinq tons voisins, et le style moderne, qui permet au compositeur de prendre plus de libertés. Le chapitre dédié à la modulation, dans le Cours de composition musicale ou Traité complet et raisonné d'harmonie pratique, se rapporte au style moderne. Reicha distingue cinq catégories de modulation, qu’il classe en fonction de la sensation de stabilité tonale : les modulations qui brouillent le plus le ton principal se situent donc en fin de classement.

La première catégorie (« Modulation sans accord intermédiaire ») emploie le terme « moduler » à très petite échelle, certaines formulations et certains exemples suggérant davantage un changement d'accord qu'un changement de tonalité. Deux paragraphes débutant par « pour changer réellement de ton » indiquent toutefois un état de transition entre la « modulation » qui n'implique pas forcément de changement de gamme, et son sens plus moderne. Plusieurs autres termes témoignent aussi d'une période pendant laquelle les termes relatifs à l'harmonie (modulation, tonalité, gamme, harmonie, accord) ne sont pas encore précisément définis. A la page 49 de son traité, Reicha commente un exemple qui « ne module pas précisément, ne fait que changer de ton ».

La deuxième catégorie (« Modulations passagères sans changer de ton ») peut être rapprochée de ce que l’on appelle aujourd’hui un emprunt, ou une dominante secondaire. Selon le théoricien, « [c]es modulations passagères sont si brèves que l'oreille ne perd pas l’impression du ton, et elles ont encore l'avantage de rendre piquante une phrase chantante qui, sans elles, serait souvent commune » (Reicha, 1818, p. 62). Voici, à titre d’exemple, une comparaison entre ces deux premières catégories de modulation :


	Figure 3 - Comparaison des catégories de modulation 1 et 2 selon Reicha

Figure 3 - Comparaison des catégories de modulation 1 et 2 selon Reicha

Les deux premières catégories que nous venons d’évoquer témoignent d’une perception de la modulation à très petite échelle, qui a complètement disparu à notre époque. En effet, les analystes du XXe siècle, Schenker tout particulièrement, ont œuvré dans le sens d’une prise de recul concernant les phénomènes harmoniques, qui permet d’éclairer la forme. Reicha fait tout de même preuve d’une lucidité certaine en distinguant les modulations « passagères » des modulations « réelles », qui présentent au moins une phrase entière dans la nouvelle tonalité, et effacent réellement le ton principal. Les trois derniers cas de modulations sont des modulations dites réelles.

Le premier de ces trois cas se fait par « accords intermédiaires », c'est-à-dire au moyen d’accords qui appartiennent à la fois à l’ancienne et à la nouvelle modulation, et permettent de moduler en toute fluidité. Reicha explique et démontre que l’on peut moduler « partout » au moyen de quatre accords intermédiaires maximum. Cependant, pour moduler dans les tons lointains, la technique des accords intermédiaire peut sonner « abrupte » et il vaut mieux faire appel à la modulation dite « composée », qui utilise non pas des accords intermédiaires mais des tonalités intermédiaires. Le théoricien accorde par ailleurs une importance à la durée de ces accords intermédiaires : il ne suffit pas d’utiliser les bons accords, mais il faut leur accorder une place suffisamment longue dans le discours pour éviter que la modulation ne soit trop abrupte, comme le montre cet exemple à la page 53 :


	Figure 4 - Temps consacré à la modulation

Figure 4 - Temps consacré à la modulation

Reicha consacre le deuxième cas de modulation réelle à la modulation « directe », c'est-à-dire sans accord intermédiaire ni dominante de la nouvelle tonalité. Cette modulation directe est à utiliser avec la plus grande prudence : elle doit s’employer très rarement et suivre un élément du discours qui brouille la sensation tonale (point d’orgue, long silence, chromatisme mélodique…). Reicha montre une certaine avance sur la pensée de son temps, qui consiste, pour la plupart des théoriciens, à considérer que la modulation fait obligatoirement appel à l’accord de septième de dominante.

Le dernier cas de modulation réelle s’appelle « la modulation enharmonique ». Reicha y explique que l’enharmonie permet de moduler très rapidement et qu’elle s’applique aux accords de septième de dominante, de septième diminuée et de sixte augmentée.

 

François-Joseph Fétis (1844)

Le chapitre que Fétis consacre à la modulation s’appuie sur le principe que l’accord de septième de dominante est indispensable à la modulation. Cet accord est appelé « accord dissonant naturel », en opposition à l’accord parfait appelé « accord consonnant naturel » et à tous les autres accords appelés « accords dissonants artificiels », considérés comme des accords naturels altérés. Les quatre catégories (appelées « ordres ») de modulation qu’il expose par la suite découlent de cet énoncé. Son approche se veut historique : à chaque époque naît une nouvelle manière de moduler, un nouvel ordre. Son chapitre est ainsi organisé de manière chronologique.

Les musiques qui ne modulent pas relèvent de l’ordre « unitonique ». Selon Fétis, cette catégorie concerne toutes les musiques exclusivement constituées d’accords parfaits et éventuellement du retard de leurs intervalles :

Les accords consonants et leurs modifications, par le retard de leurs intervalles, ne composent que l'ancienne tonalité unitonique. Il est impossible d'établir avec eux la modulation proprement dite, c'est à-dire, la relation nécessaire d'un ton avec un autre26.

Les musiques du XVIe siècle avant Monteverdi, considéré comme le premier compositeur à utiliser l’accord de septième de dominante, appartiennent donc à l’ordre unitonique. Fétis cite abondamment Palestrina pour donner des exemples de musique unitonique (messes Beata Virgine, O Regem Cœli). Le théoricien, comme dans le reste de ses écrits, n’hésite pas à exprimer clairement son opinion sur cette musique : « Tout caractère de détermination disparaît, et l'harmonie reste dans la vague tonalité de tout le morceau. »

Fétis concède, à la fin de ce chapitre, que Palestrina utilise tout de même quelques accords de septième de dominante, mais estime qu’il ne faut pas les prendre en considération car ils auraient été utilisés « d'une manière irréfléchie, et en quelque sorte à son insu ».

Les musiques qui utilisent l’accord de septième de dominante comme accord de transition vers la nouvelle tonalité appartiennent à l’ordre « transitonique ». Cet ordre est directement associé à Monteverdi, et les exemples sont pris dans l’Orfeo, Ariane et les madrigaux. Monteverdi est suivi par ses contemporains (Cesti, Negri), qui affinent la technique de modulation et exploitent l’accord de septième de dominante comme vecteur expressif. Fétis explique :

Par le caractère spécial de chaque degré des gammes de la tonalité moderne, toute note a aussi sa spécialité d'harmonie, ce qui n'existe pas dans l'ancienne tonalité, et ce qui établit entre elles une différence radicale27.

En effet, l’accord de septième de dominante engendre des tensions qui sont dues aux notes à résolution obligatoire, et par conséquent, des détentes lorsque le premier degré arrive. L’accord de septième de dominante fixe donc la sensation auditive des cadences, structure le discours musical, et rend particulièrement clairs les changements de tonalités.

La troisième période de l’ère modulatoire, l’ordre « pluritonique », se rapporte à l’époque du classicisme viennois. Cet ordre consiste en « la substitution du mode mineur », à savoir l’emploi d’accords de septième diminuée et de ses enharmonies pour moduler rapidement, aussi loin du ton principal qu’on le souhaite. On remarque que l’accord de septième diminuée n’est pas considéré comme un accord réel, mais comme un accord de septième de dominante dont on hausse la fondamentale d’un demi-ton : la première tierce devient donc mineure, ce qui explique le nom attribué à cet accord par Fétis. Les exemples sont pris chez Mozart, dans Don Juan particulièrement.

Fétis émet une réserve sur ce type de modulation, qui serait employé par des compositeurs « rassasiés d’émotions simples ». Il faut donc l’employer avec modération, pour ne pas la banaliser :

Je n'en blâme que l'abus, la formule, devenue habituelle ; car toute formule vulgarise et dégrade les plus nobles procédés de l’art28.

Le quatrième ordre modulatoire, l’ordre « omnitonique », utilise également l’enharmonie pour moduler, mais appliquée cette fois à des accords altérés. Fétis démontre que ce mode de modulation permet d’atteindre absolument toutes les tonalités. Fétis cite encore Mozart, Bach et Rossini, mais admet que cette technique de modulation est nouvelle et sera exploitée par les compositeurs qui lui succéderont. Encore une fois, il exprime son rejet pour le manque de naturel et de simplicité de cette musique, qui, selon lui, détruit la tonalité :

Il est permis d'affirmer que l'unité tonale est maintenant absolument bannie de l'art. […] L’effet [de ces modulations] est de produire plus souvent la fatigue de l'esprit et des organes que de les satisfaire29.

On remarque que ce chapitre du Traité complet de la théorie et de la pratique de l’harmonie n’est pas une ressource théorique pour les compositeurs, mais plutôt une réflexion sur l’évolution des phénomènes modulatoires. Fétis l’adresse d’ailleurs à la « méditation des compositeurs de l’époque actuelle30 » et non à leur pratique.

 

Johannes Weber (1858)

Rappelons ici que Johannes Weber est le seul des cinq théoriciens du corpus à avoir consacré un ouvrage entier à la modulation. Il faut également garder en mémoire que ce compositeur est imprégné à la fois de la tradition allemande et de la tradition française, et que ses ouvrages sont un point de contact entre les deux cultures. Il divise son ouvrage en quatre parties, détaillant les quatre savoirs à acquérir pour moduler : la relation entre les deux tonalités, les accords employés, la durée de ces accords et la modulation comme technique de développement des idées. Si la première partie est au cœur du sujet, les trois suivantes sont plus apparentées à des cours d’harmonie, le terme « moduler » étant rattaché à son sens ancien de « changer d’harmonie ». Ces parties ne seront donc pas abordées ici.

 

Partie terminologique

Weber entame son ouvrage par un point de terminologie qui fixe bien l’état de la question à l’époque. Il commence par remarquer que le terme « moduler » peut signifier à la fois « changer d’harmonie en restant dans la même tonalité » et « changer de tonalité ». Il précise qu’il ne retiendra que le sens « moderne » du terme, c’est-à-dire le deuxième. Cette distinction entre les deux sens montre que la perception de la modulation a évolué depuis Reicha, dont le traité précède celui de Weber de quarante ans.

L’introduction terminologique se poursuit par la distinction de différents types de modulation : la modulation « fixe » est opposée à la modulation « passagère », comme chez Reicha, la modulation « simple » est opposée à la modulation « composée », en fonction de l’insertion (ou non) de tonalités intermédiaires, et la modulation « complète » est opposée à la « demie-modulation », en fonction de la présence (ou non) de l’accord de septième de dominante du nouveau ton.

 

Partie technique

La première partie commence par une réflexion sur la proximité relative des différentes gammes. Chaque tonalité compte trois tonalités relatives au premier degré : le ton relatif, le ton de la dominante et le ton de la sous-dominante, c’est-à-dire les tonalités qui ont soit le même mode et une altération d'écart, soit la même armure et un mode différent. Chaque couple de tonalités est donc éloigné d’un certain nombre de relations au premier degré, d’autant plus grand que la modulation nécessitera des accords ou tonalités de transition.

Weber n'adhère pas au principe des cinq tons voisins : selon lui, cette méthode est incohérente car elle n'inclut que deux relatifs au deuxième degré sur les quatre, alors que les tons relatifs au second degré sont tous supposés avoir la même affinité avec le ton principal. De plus, ces tons voisins excluent le ton homonyme, qui malgré sa relation au quatrième degré avec le ton principal, est facilement et fréquemment employé pour un simple changement de mode.

Weber en déduit que la proximité entre deux tons ne dépend pas du nombre de notes communes entre les deux gammes mais du rapport plus ou moins étroit entre leurs harmonies. Notamment, si l'accord de tonique du ton principal est un degré fort du ton dans lequel on veut moduler, la modulation sera aisée. C'est grâce à cette théorie qu'il tente de justifier les cinq tons voisins (appelés « tons relatifs ») : les tons voisins sont les tonalités dont les accords de tonique sont contenus sans modification dans les harmonies du ton principal.

Cependant cette règle n'est pas satisfaisante elle non plus, et Weber conclut qu'il ne faut pas chercher à quantifier de manière systématique la proximité de deux tons.

Après cette réflexion, Weber répartit les modulations en trois classes, de la plus simple (qui ne nécessite qu’un accord de septième de dominante) à la plus complexe (qui nécessite des tons intermédiaires). Il joint un tableau qui montre, en do majeur, à quelle classe appartient chaque modulation31. Ce tableau, par sa clarté, nous exempte de décrire chacune des trois classes de modulation. Pour le résumer, nous retiendrons que les modulations aux tons voisins, homonymes et mixte sont les modulations de première classe, que les modulations de première classe appliquées à des tonalités issues des modulations de première classe sont des modulations de deuxième classe, et que les autres modulations sont des modulations de troisième classe. Pour chacune de ces modulations, l’auteur donne de nombreux exemples « pédagogiques ».


	Figure 5 - Affinité des tons en do majeur (Johannes Weber)

Figure 5 - Affinité des tons en do majeur (Johannes Weber)

En raison de la mauvaise lisibilité de ce tableau, en voici une version recopiée, qui s’applique toujours à la tonalité de do majeur :


	Figure 6 - Affinité des tons en do majeur (Johannes Weber)

Figure 6 - Affinité des tons en do majeur (Johannes Weber)

Nous remarquons l’intérêt porté au « ton mixte », unique dans notre corpus de traités : il s’agit de l’homonyme du ton de la sous-dominante, une tonalité dans laquelle il est facile de moduler car il suffit pour cela de transformer l’accord de tonique en accord de dominante et de le résoudre dans le mode opposé à celui de la sous-dominante.

 

Réflexion sur l’éthos des modes

Alors que les théoriciens de notre corpus qui suivent la tradition française semblent se désintéresser de l’éthos des modes, Johannes Weber y consacre tout un chapitre. Cependant, loin d’en faire l’éloge, le théoricien se montre très réticent à toutes les théories qui associent des caractères aux différentes gammes des tempéraments inégaux. Selon lui les compositeurs confondent « harmonies qui sonnent faux » et « dissonances porteuses d’expression ». Cette erreur consisterait selon lui à « confondre discordance et dissonance ».

Weber adopte une démarche de physicien : partant des quatre propriétés physiques du son (la hauteur, le timbre, l’intensité et la durée), il considère que toute théorie qui n’est pas basée sur ces principes est invalide :

Dire que les caractères attribués aux différentes gammes sont indépendants de ces quatre propriétés du son musical [la hauteur, l’intensité, la durée et le timbre], c’est avouer qu’ils ne sont fondés sur rien32.

 

Gustave Lefèvre (1889)

Lefèvre se distingue des quatre autres théoriciens du corpus par la dimension exclusivement pédagogique qu’il donne à son traité. En effet, bien loin de Fétis qui fait impression par un style littéraire recherché et des exemples longs, Lefèvre écrit dans un but pratique, à la manière d’un enseignant, employant dans un souci de clarté des phrases concises, donnant des exemples courts sous forme de réduction pour clavier, et s’adressant aux lecteurs comme à des élèves (« L’élève relira attentivement le chapitre » p. 156 par exemple). Son traité est empreint d’une grande modestie, Lefèvre ne s’y présente pas comme un théoricien mais plutôt comme un enseignant, comme le montre cette réflexion au sujet de l’accord de septième de dominante :

Selon les théoriciens, c’est lui qui fixe la tonalité de manière absolue. Il ne peut y avoir de modulation, disent-ils, sans le concours de cet accord33.

Pour satisfaire son désir de clarté, Lefèvre emploie un vocabulaire très imagé et probablement inventé par lui pour caractériser les modulations. Ainsi, les modulations vers les bémols sont dites « absorbantes » et les modulations vers les dièses sont dites « absorbées », une modulation suffisamment longue pour « détruire » la tonalité initiale est caractérisée de « réelle » alors qu’une modulation plus courte est « incidente » (ces termes peuvent être rapprochés des modulations « fixes » ou « passagères » de Reicha et Weber). Marc Rigaudière précise que ce terme, équivalent de l'« emprunt » moderne, est remplacé par « demi-modulation » dans les ouvrages de Mercadier, Reber et Weber. La note altérée de l’accord de septième de dominante qui fixe la modulation (la sensible ou la septième) s’appelle le « caractéristique de la modulation », et l’accord perçu par enharmonie s’appelle l’« accord supposé ». Lefèvre distingue également le changement de mode (majeur ou mineur) du changement de ton (la tonique change). Selon lui, il n’y a modulation que si la tonique change.

On remarque la présence d’exercices à destination des élèves à la fin de chaque chapitre, ainsi que la notation des degrés mineurs en lettres minuscules, peu répandue à l’époque, qui constituent une autre preuve de la démarche pédagogique du théoricien.

Les modulations sont divisées en neuf catégories qui correspondent chacune à un procédé de modulation. Chaque procédé est largement expliqué et agrémenté d’exemples et d’exercices. Ces procédés sont : l’accord commun, l’accord de septième de dominante, la marche harmonique, l’accord de quinte augmentée, l’accord de la gamme chromatique (notamment la sixte napolitaine), l’enharmonie, le ton commun, l’accord supposé et la note étrangère. On remarque une conception assez étriquée de la modulation, compte tenu de la date de publication de l’ouvrage : les emprunts très brefs (au ton napolitain ou dans les marches harmoniques) sont considérés comme des modulations à part entière, même si elles sont qualifiées de « modulations incidentes ».


	Figure 7 - Les neuf moyens de moduler selon Gustave Lefèvre

Figure 7 - Les neuf moyens de moduler selon Gustave Lefèvre

Si les ouvrages étudiés proposent une approche différente du phénomène modulatoire (par la taille du chapitre, les destinataires, la classification, la nature des exemples et le style littéraire), la compréhension du phénomène modulatoire est relativement homogène pour un corpus qui s’étend pourtant sur près de soixante-dix ans. Avant de synthétiser ces chapitres, comparons brièvement ces théories aux écrits de théoriciens allemands.

 

Aperçu de la situation en Allemagne

Au XIXe siècle [en Allemagne], l’idée que la tonalité est un phénomène unitaire et dynamique demandant pour son analyse des concepts plus élaborés que la simple notion de « gamme » se développe progressivement34.

Dans son ouvrage La Théorie musicale germanique au XIXe siècle et l’idée de cohérence, dont est extraite cette citation, Marc Rigaudière consacre un chapitre entier à la question de la tonalité et de la modulation (p. 125 à 186). Il y détaille les différentes théories relatives à cette question qui ont vu le jour au XIXe siècle, dans le but de déterminer à la fois les particularités de chacune et une manière plus générale d’aborder la modulation. Afin de ne pas s’éloigner du sujet, c’est plutôt le deuxième qui fera l’objet de cette partie. Quelles sont les préoccupations allemandes en matière de modulation contemporaines des ouvrages de notre corpus ? Quels sont les principes enseignés aux jeunes compositeurs, sur quels paramètres musicaux les règles portent-elles ?

 

Une pensée harmonique et tonale de plus en plus fonctionnelle

Le XIXe siècle allemand est marqué, en termes de théorie, par la naissance d’une pensée fonctionnelle. La tonalité regroupe des accords qui ont un certain lien de parenté entre eux et notamment par rapport à la tonique. Un accord est perçu en fonction de ce qui précède et de ce qui suit, il n’est pas autonome.

Retenons par exemple deux théoriciens : Heinrisch Josef Vincent et Hugo Riemann. Le premier publie en 1862 un traité intitulé Die Einheit in der Tonwelt35, dans lequel il propose un système de chiffrage bien différent de celui que nous employons aujourd’hui : chaque note de l’accord est chiffrée par rapport à la tonique. Les notes tonique, sous-dominante et dominante, considérées comme les piliers de la gamme, sont notées en chiffres romains alors que les autres sont indiquées par des chiffres arabes. Ainsi, dans une tonalité majeure, le IVe degré sera chiffré « IV 6 I », le Ve degré, « V 7 2 » et le VIe degré, « 6 I 3 ». Ce chiffrage se montre très révélateur d’une pensée harmonique centrée sur la tonalité, dans laquelle les notes et les accords ne sont perçus et considérés que dans leur rapport à la tonique.

Hugo Riemann, théoricien plus tardif puisque ses premiers traités datent des années 1880, est encore aujourd’hui considéré comme un des pionniers des théories fonctionnelles qui ont mené aux systèmes de chiffrage actuels. Il évoque par exemple dans la revue allemande Neue Zeitschrift für Musik : « le rapport d’une mélodie, d’une progression harmonique voire d’une pièce entière, avec un accord principal faisant office de centre36. »

Si, au début du siècle, la tonalité se résume aux différentes hauteurs qui constituent l’échelle, les interactions entre ces hauteurs, les progressions harmoniques, deviennent de plus en plus capitales par la suite.

 

La modulation, un terme polysémique

En Allemagne comme en France, le sens du mot « modulation » évolue au XIXe siècle : jusqu’au milieu du siècle environ, il peut aussi bien signifier un changement d’harmonie qu’un changement de gamme. Marc Rigaudière date de 1859 la dernière occurrence du premier sens, chez Wohlfahrt37, avant que le deuxième ne devienne exclusif.

Par conséquent, les théoriciens allemands utilisent une série d’adjectifs pour qualifier la longueur de la modulation, et ainsi distinguer les deux sens. La terminologie à ce sujet est aussi riche en Allemagne38 qu’en France39 : puisqu’aucun terme unique et officiel n’existe, chaque théoricien invente le sien.

La plupart des traités font la distinction entre deux niveaux de modulation : « superficiel » et « profond », selon que la nouvelle tonalité se maintienne pendant une partie significative du morceau ou qu'elle soit rapidement effacée.

La reconnaissance de deux degrés de modulation apparaît comme une véritable tradition théorique40.

 

Plusieurs traités dédiés exclusivement à la modulation

L’étude de la modulation constitue dans notre période une part importante de celle de l’harmonie. Non seulement chaque traité d’harmonie y consacre une section souvent assez développée, mais certains théoriciens rédigent des ouvrages spécifiques pour traiter de la question41.

Si en France nous ne connaissons à ce jour qu’un traité d’envergure consacré à la modulation, celui de Johannes Weber (1858), théoricien franco-allemand de surcroît, il n’en est pas de même en Allemagne. Par ailleurs, malgré son titre, ce traité aborde aussi bien la question de l’harmonie que celle de la modulation. Dès le début du XIXe siècle, on compte en Allemagne plusieurs traités dédiés à l’art de moduler, mais à la différence de celui de Weber, ce sont des traités pratiques et non théoriques : destinés à l’usage des organistes, ils se composent majoritairement de tables de modulation semblables à celle de Charles-Simon Catel (voir fig. 2).

On retrouve dans chacun d’eux une volonté d’exhaustivité et de systématisme. Sans aucune hiérarchie entre les rapports qui séparent les deux tonalités, il n’y est pas question de réfléchir au fondement esthétique de la modulation mais plutôt de permettre aux jeunes musiciens de pratiquer cet art sans hésitation. De tels ouvrages, publiés en nombre important, sont toutefois les témoins de l’importance accordée par les théoriciens allemands à la modulation.

 

Une théorie de la modulation étroitement liée avec d’autres paramètres

En France, les chapitres consacrés à la modulation dans les traités d’harmonie abordent généralement le moyen de moduler (accord pivot, septième diminuée, etc.) et rarement le lien entre la tonalité d’origine et la tonalité d’arrivée. Il n’en est pas de même en Allemagne : la question du moyen est aussi essentielle, mais elle est bien moins exclusive qu’en France. Plusieurs théoriciens allemands mentionnent l’importance de la métrique dans la modulation.

La modulation est le changement de tonalité aux points terminaux des formes métriques42.

Plusieurs autres auteurs, tels que Weber (1817-1821)43, Marx (1837)44 ou Hauptmann (1853)45 traitent du plan tonal à grande échelle. Il faut construire tonalement un morceau, ce plan tonal sera son architecture.


Synthèse : pour une définition générale de la modulation en France au XIXe siècle

Généralités et particularités du corpus

Avant d’entamer le travail de synthèse sur les cinq traités du corpus, voici un tableau qui résume les particularités de chaque théorie de la modulation :


	Figure 8 - Tableau comparatif des cinq théories du corpus

Figure 8 - Tableau comparatif des cinq théories du corpus

Chaque théoricien a choisi une approche de la modulation qui lui est personnelle. Aucune des cinq théories ne se ressemble. La place consacrée à la question varie de 4 à 213 pages car les objectifs sont bien différents : si Weber recherche l’exhaustivité théorique et pratique en matière de modulation et croise plusieurs paramètres compositionnels dans son ouvrage, Catel est plus sommaire. Son but n’est pas d’aider à comprendre mais de permettre aux interprètes de pratiquer. Fétis, quant à lui, rédige un texte historique dans le style littéraire emphatique qu’on lui connaît. Lefèvre écrit à ses étudiants, son traité est pratique, riche en conseils et en exercices d’application. Les explications sont sommaires et le style d’écriture est clair et concis. À mi-chemin entre ces deux derniers auteurs, Reicha combine réflexion stylistique et enseignement.

Le contenu de ces écrits dépend directement de l’objectif de chaque théoricien. Fétis, l’historien, choisit naturellement une organisation chronologique, alors que les pédagogues, Lefèvre et Reicha, préfèrent organiser leur discours par difficulté croissante, du plus simple et du plus fluide au plus surprenant et dangereux. Catel, dans sa démarche exhaustive et systématique, ne structure pas son discours mais présente sa méthode en un seul grand tableau. Weber, à la frontière entre les cultures française et allemande, est le seul à organiser son discours selon l’éloignement des deux tonalités, témoin de la situation en Allemagne au même moment.

Les exemples musicaux donnés dépendent aussi fortement de ces objectifs : si Fétis agrémente sa réflexion d’extraits de partitions du répertoire, sur plusieurs pages parfois, les traités à visée pédagogique montrent davantage d’exemples brefs sous forme de réductions harmoniques, tirés du répertoire ou inventés pour illustrer plus directement une notion. Lefèvre est le seul à proposer des exercices d’application.

De ces cinq théories, si différentes soient-elles, se dégagent toutefois des idées récurrentes et une manière d’envisager la composition musicale et la modulation. Ces constantes présentent un réel intérêt pour l’analyse car, venant de théoriciens à la carrière et aux objectifs si disparates, elles sont révélatrices d’une tendance française générale en matière de modulation.

 

Synthèse des théories de la modulation et déductions pour l’analyse

La remarque la plus frappante qui se dégage de notre étude comparative est le désintérêt presque complet des théoriciens français pour la tonalité d’arrivée. Le seul à accorder de l’importance à la destination de la modulation est Johannes Weber : il construit le premier livre de son traité sur les rapports entre les deux tonalités, qu’il considère comme l’élément central, caractéristique de la modulation. Après avoir brièvement étudié la situation en Allemagne, il semble cohérent que cette exception provienne du seul théoricien franco-allemand du corpus : en Allemagne, les premières esquisses d’une pensée fonctionnelle voient alors le jour et sont au centre des préoccupations.

Pour les quatre autres théoriciens du corpus, la destination n’a pas d’importance, seul le chemin compte. Les chapitres dédiés à la modulation sont des listes de moyens, de méthodes pour moduler. Marc Rigaudière justifie la place centrale de ces techniques par l'importance pour un compositeur français de maîtriser l'art de la modulation :

Cette impression de profusion des moyens de modulation explique pourquoi les théoriciens consacrent souvent des sections volumineuses à les décrire. L'abondance de détails fournis dans les traités tient sans doute au fait que l'habileté d'un compositeur dans la réalisation des modulations est reconnue comme une compétence déterminante.

Quelques brèves remarques montrent que l’oreille française n’est tout de même pas insensible aux rapports entre les tonalités :

Les modulations les plus naturelles sont celles par quintes descendantes46.

En thèse générale, on modulera, de préférence, d’abord par les dièses pour revenir au ton principal par les bémols qui détruiront les modulations précédentes47.

Ces quelques considérations restent cependant très sommaires, et la très faible place qu’elles occupent laissent penser aux compositeurs que les modulations peuvent avoir lieu entre n’importe quels tons tant que la sensation auditive est fluide et que la méthode est respectée. Cette prédominance du moyen sur la direction n’explique-t-elle pas certaines spécificités de la musique française ? Les harmonies-couleurs si fluides mais si peu fonctionnelles de Debussy et Ravel auraient-elles vu le jour sur un sentier tonal aussi balisé qu’en Allemagne ?

Il semble en tout cas important, quand on analyse de la musique française, de ne pas s’étonner d’un plan tonal imprévisible, mais plutôt de se concentrer sur la méthode employée pour relier les différentes tonalités. Remarquons toutefois que la question de la modulation peut être abordée en-dehors des chapitres de traités qui s’intitulent « modulation ». Par exemple, dans le même traité de Reicha, lors du chapitre sur la « Grande Coupe Binaire » (de nos jours communément appelée « forme sonate »), il est question de stratégies de modulation et de tonalités attendues aux divers endroits de la forme48.

Le moyen de modulation, quant à lui, est extrêmement détaillé dans tous les traités, à l’exception de celui de Catel. Il semble qu’au XIXe siècle en France, les modulations par enharmonie ou accord altéré ne soient pas encore entrées dans les habitudes. Plusieurs théoriciens appellent à la prudence à ce sujet, comme par exemple Fétis à la fin de son chapitre sur l’ordre « omnitonique » :

Nul doute que le fréquent emploi des attractions multiples de tonalités n’ait le très grave inconvénient d’exciter incessamment des émotions nerveuses, et d’enlever à la musique le caractère simple et pur de l’idée, pour le transformer en un art sensuel49.

Il est intéressant d’observer que quelques décennies plus tard, le théoricien allemand Kretzschmar émet aussi une réserve sur la modulation par enharmonie, mais pour la raison inverse :

Au cours du XIXe siècle, la modulation par l’accord de septième diminuée devient si ordinaire que Kretzschmar, révisant en 1884 le Handbuch de Lobe, peut la juger « usée jusqu’à la corde » et souscrire à l’avis des « théoriciens modernes » qui mettent en garde contre son utilisation trop fréquente50.

Bien que quarante ans séparent les deux citations ci-dessus, cet écart semble révélateur d’objectifs différents entre la France et l’Allemagne. Il n’est jamais question, dans un traité du corpus, de renier une méthode sous prétexte qu’elle est passée de mode. Bien au contraire, la simplicité et la fluidité sont présentées comme des qualités musicales majeures. Reprocher à une pièce française d’être en retard sur son temps ou pas assez osée est donc aux antipodes des aspirations des compositeurs de l’époque.

Rappelons également que le terme « modulation » peut prendre plusieurs sens, du changement d’harmonie au changement de tonalité : certaines réflexions et règles énoncées par les théoriciens s’appliquent donc aussi à très petite échelle. Fétis déplore certainement autant l’usage excessif de l’enharmonie ou de l’accord altéré pour aller vers une nouvelle tonalité que son emploi au sein d’une phrase non modulante.

Finalement, deux théoriciens, Reicha et Lefèvre, attachent de l’importance à la durée du phénomène modulatoire, et préconisent une « modulation composée » si le passage de la tonalité de départ à la tonalité d’arrivée s’avérait complexe.

Comme les accords intermédiaires sont les seuls moyens d'union entre les différentes gammes, il est d'une grande importance de donner à l'oreille suffisamment de temps pour les bien saisir. Une modulation bien faite, sous tous les autres rapports, pourrait néanmoins paraître dure, bizarre, étranglée et même mauvaise, si les accords intermédiaires étaient de trop courte durée51.

 

Conclusion

Malgré l’hétérogénéité des traités de notre corpus, aussi bien du point de vue de leur date que de leur organisation, de leur objectif ou de leur destinataire, ces textes nous ont permis d’établir une norme de la modulation en France au XIXe siècle.

La remarque la plus frappante qui nous vient à la lecture de ces écrits est l’absence presque complète de pensée fonctionnelle, que ce soit à petite échelle, au niveau des enchaînements harmoniques, ou à plus large échelle, au niveau du plan tonal d’une œuvre (excepté si ce plan tonal est directement rattaché à une forme, telle que la « Grande Coupe Binaire » théorisée en premier par Reicha en 1824). Peu importe l’écart entre deux tonalités, les théoriciens précisent que l’on peut moduler où bon nous semble, à l’unique condition que le chemin qui mène à la nouvelle tonalité soit fluide. Une première remarque à la destination des analystes de la musique française serait donc d’accorder une importance secondaire au plan tonal des œuvres et de ne pas voir une originalité trop grande lorsqu’un compositeur explore des tonalités éloignées.

Le moyen par lequel le compositeur module est, quant à lui, au cœur des préoccupations dans les théories du corpus. La plupart du temps, il forme à lui seul tout un chapitre. L’objectif de toute modulation est la fluidité : il semblerait qu’aucun théoricien ne considère le phénomène de la modulation en tant que moyen d’expression. On ne dira pas qu’une modulation est surprenante ou exaltante mais qu’elle est bizarre et mal réalisée. De cette idée découlent des préférences pour certains moyens de moduler : on favorise, pour visiter des tonalités éloignées, la multiplication des « accords intermédiaires », quitte à employer des « tonalités pivot » qui feront un lien logique entre la tonalité de départ et celle d’arrivée. Les modulations trop rapides sont à proscrire : l’enharmonie et l’altération des accords qui permettent de moduler très vite et très loin manquent de simplicité et de pureté. Elles seront considérées comme un phénomène de l’esprit qui va à l’encontre de la musicalité naturelle. On retrouve encore des jugements de ce type aux trois quarts du XIXe siècle alors que ces procédés de modulation sont employés depuis plus d’un siècle en Allemagne et qu’ils commencent à lasser tant ils sont devenus communs.

Finalement, retenons la polysémie du terme « modulation » qui perdure au-delà de la moitié du XIXe siècle. Qu’il signifie « changement d’harmonie » ou « changement de tonalité », les règles sont les mêmes et, bien que les théoriciens commencent à déplorer ce double sens comme une lacune terminologique, les règles énoncées s’appliquent sans distinction au premier et au deuxième sens. Le sens moderne du mot « modulation » n’est alors perçu que comme un changement d’harmonie à grande échelle et pas forcément comme pilier architectural d’une œuvre.

Nous souhaitons que cette étude puisse avoir un impact sur l’analyse musicale : les méthodes actuelles d’étude du répertoire du XIXe siècle, inconsciemment très germano-centrées, ne permettent pas encore de mettre en lumière toutes les particularités de la musique française. Si l’analyste accorde trop d’importance au plan tonal et aux modulations éloignées, l’essentiel est parfois négligé. Certaines modulations rapides, l’usage de chromatismes et d’enharmonies, qui semblent, au premier abord, parfaitement communs pour l’époque, sont des marqueurs expressifs forts. Il semble qu’au-delà des principes de modulation, la théorie française mériterait d’être mieux connue pour permettre une compréhension plus éclairée, plus sensible et plus riche du répertoire romantique français, encore mal connu.

 

Annexe : Terminologie de la modulation en France au XIXe siècle

Le vocabulaire théorique de la musique au XIXe siècle est bien différent de celui qui est employé de nos jours. Certains termes n’existent plus, d’autres sont employés avec un sens différent. Ce glossaire regroupe les principaux outils terminologiques permettant d’aborder les théories harmoniques françaises du XIXe siècle.

Accident : altération.

Accord intermédiaire : degré pivot ; accord appartenant à la tonalité de départ et à la tonalité d’arrivée qui permet de moduler avec fluidité.

Accord consonant naturel : accord parfait.

Accord dissonant naturel : accord de septième de dominante.

Accord dissonant artificiel : les autres accords, qui sont considérés comme des accords parfaits altérés.

Accord supposé : accord perçu par enharmonie.

Caractéristique de la modulation : note altérée dans l’accord de septième de dominante qui fixe la modulation.

Détruire [une modulation] : revenir au ton principal.

Modulation absorbante : vers les bémols.

Modulation absorbée : vers les dièses.

Modulation synonyme : se dit d’une modulation qui se fait au même intervalle qu’une autre. Par exemple, une modulation de sol majeur en mi mineur est synonyme d’une modulation de do majeur en la majeur.

Moduler : changer d’harmonie et changer de tonalité. L’acception moderne du terme (2e sens) prend effet progressivement à partir du milieu du XIXe siècle.

Période : phrase musicale se terminant par une cadence parfaite.

Substitution du mode mineur : accords de septième diminuée, considérés par Fétis comme des accords de septième de dominante dont la basse est haussée. On a alors transformé la première tierce majeure en tierce mineure, d’où le nom.

Ton : n’a pas de traduction en langage analytique moderne. Il s’agit d’une tonalité dans laquelle on peut se situer sans avoir modulé pour autant. On peut aller au ton de mineur sans moduler (dans ce cas il s’agit de l’accord de mineur seulement). Deux tons peuvent être voisins (dans ce cas on parle de tonalité) ; exemple : « Pour changer de Ton de cette manière, il faut rester dans le nouveau Ton quelque temps, sans cela on ne ferait que changer d'accord et non de gamme52. » et encore : « Lorsqu’en quittant un ton on attaque immédiatement le ton nouveau de l’accord parfait de la tonique, on change de ton sans proprement moduler53. »

Tons homogènes : tons voisins ; se dit de deux tonalités éloignées d’une altération maximum.

Ton mixte : ton homonyme de la sous-dominante, que Weber considère comme une tonalité dans laquelle il est facile de moduler car la tonique du ton principal est sa dominante.

Ton primitif : ton principal.

Tons relatifs : synonyme de « tons homogènes » ; par exemple, sol majeur est un des tons relatifs de do majeur.

Bibliographie

Sources

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Étude

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Notes

1ESCUDIER, Marie et Léon, Dictionnaire de musique théorique et historique, Paris, E. Dentu, 1872, p. 327.

2ABROMONT, Claude et Eugène de MONTALEMBERT, Vocabulaire de l’harmonie, Paris, Minerve, 2021.

3Celui de Catel par exemple : CATEL, Charles-Simon, Traité d’harmonie, Paris, Cartereau, 1802.

4Retenons celui de Berlioz : BERLIOZ, Hector, Grand traité d’instrumentation et d’orchestration modernes, Paris, Schonenberger, 1843.

5Reicha par exemple : REICHA, Antoine, Traité de haute composition musicale, Paris, Zetter et Cie, 1824.

7Par exemple, Bernardin Rahn vulgarise l’harmonie pendant la deuxième moitié du XIXe siècle : CABARROU, Audrey, « Vulgariser l’harmonie », Revue en ligne du Conservatoire de Paris, 2017, https://larevue.conservatoiredeparis.fr/index.php?id=1823, consulté le 3 janvier 2022.

8PASQUIER, Yannaël, Les Enjeux de l’enseignement de l’harmonie à travers les méthodes officielles et des archives du Conservatoire de Paris de 1795 à 1871, mémoire de master de musicologie, Sorbonne-Université, 2019.

9FÉTIS, François-Joseph, Traité complet de la théorie et de la pratique de l’harmonie contenant la doctrine de la science de cet art, 2e éd., Paris, Schlesinger, 1844, p. 239-242.

10FÉTIS, François-Joseph, op. cit.
CATEL, Charles-Simon, op. cit.
REICHA, Antoine, op. cit.
WEBER, Johannes, Traité analytique et complet de l’art de moduler, Paris, G. Brandus et S. Dufour, 1858.
LEFÈVRE, Gustave, Traité d’harmonie à l’usage des cours de l’école, Paris, À l’École, 1889.

11Ibid.

12BOTTE, Adolphe, « Revue critique : Traité analytique et complet de l'art de moduler, par Johannes Weber », Revue et Gazette musicale de Paris, vol. 25, 1858, p. 368-369.

13WEBER, Johannes, Meyerbeer, notes et souvenirs d’un de ses secrétaires, Paris, Fischbacher, 1898.

14LINDAU, Paul, Richard Wagner, Tannhäuser à Paris, l’Anneau du Nibelung à Bayreuth et à Berlin, Parsifal à Bayreuth, la mort de R. Wagner, trad. Johannes Weber, Paris, Hinrichsen, 1885.

15REICHA, Antoine, op. cit.

16Ibid., p. 6.

17GEORGE, David Neal, The Traité d’harmonie of Charles-Simon Catel, thèse de doctorat, North Texas State University1982.

18CAMPOS, Rémy, « L'analyse et la construction du fait historique dans le Traité de l'harmonie de Fétis », in Sillages musicologiques : Hommage à Yves Gérard, Conservatoire de Paris / Bureau des élèves, 1997, p. 37-52.

19BARTOLI, Jean-Pierre, L’Harmonie classique et romantique, 1750-1900 : Éléments et évolution, Paris, Minerve, 2001, p. 133-175.

20ABROMONT, Claude, Guide de l’analyse musicale, Éditions universitaires de Dijon, 2019, p. 129-135.

21RIGAUDIÈRE, Marc, La Théorie musicale germanique du XIXe siècle et l’idée de cohérence, Paris, Société française de musicologie, 2009.

22Voir annexe.

23FÉTIS, François-Joseph, op. cit., p. 185.

24CATEL, Charles-Simon, op. cit., p. 62.

25Voir annexe.

26FÉTIS, François-Joseph, op. cit., p. 151.

27Ibid., p. 166.

28Ibid., p. 183.

29Ibid., p. 200.

30Ibid.

31WEBER, Johannes, Traité analytique et complet de l’art de moduler, op. cit.,  vol. 1, p. 49.

32Ibid., p. 63.

33LEFÈVRE, Gustave, op. cit., p. 150.

34RIGAUDIÈRE, Marc, op. cit., p. 125.

35HEINRICH, Josef Vincent, Neues musikalisches System. Die Einheit in der Tonwelt. Ein kurzgefasstes Lehrbuch für Musiker und Dilettanten zum Selbststudium, Leipzig, Heinrich Matthes, 1862 (trad. fr. : L’Unité dans le monde des sons).

36RIEMANN, Hugo, « Musikalische Logik : Ein Beitrag zur Theorie der Musik », Neue Zeitschrift für Musik, vol. 68, nos 28-29 et 36-38, 1872, p. 279-82 : « Die Beziehung einer Melodie, eine Harmoniefolge, ja eines ganzen Tonstückes auf einen Hauptklang als harmonische Logik. »

37WOHLFAHRT, Heinrich, Theoretisch-praktische Modulation-Schule : Die Accordfolge in den verschiedenen Stellungen, Übergängen und Ausweichungen. Nach leichter Methode zum Selbstunterricht für Musikschüler dargestellt, Leipzig, Breitkopf & Härtel, 1859.

38RIGAUDIÈRE, Marc, op. cit., p. 162 : comparaison de la terminologie adoptée par chaque théoricien.

39Voir annexe.

40RIGAUDIÈRE, Marc, op. cit., p. 161.

41Ibid., p. 157-158.

42LOBE, Johann Christian, Lehrbuch der musikalischen Composition, Leipzig, Breitkopf & Härtel, p. 231.

43WEBER, Gottfried, Versuch einer geordneten Theorie der Tonsetzkunst zum Selbstunder-richt mit Anmerkungen für Gelehrte, 3 vol., Mayence, Schott, 1817-1821.

44MARX, Adolf Bernhard, Die Lehre von der musikalischen Komposition, 4 vol., Leipzig, Breitkopf & Härtel, 1837.

45HAUPTMANN, Moritz, Die Natur der Harmonik und der Metrik : Zur Theorie der Musik, Leipzig, Breitkopf & Härtel, 1853.

46CATEL, Charles-Simon, op. cit., p. 62.

47LEFÈVRE, Gustave, op. cit., p. 145.

48REICHAAntoine, op. cit., p. 396.

49FÉTIS, François-Joseph, op. cit., p. 200.

50RIGAUDIÈRE, Marc, op. cit., p. 173.

51REICHA, Antoine, op. cit., p. 401.

52Ibid., p. 51.

53WEBER, Gottfried, op. cit., p. 27.

Pour citer ce document

Pauline Amar, «La modulation en France au dix-neuvième siècle», La Revue du Conservatoire [En ligne], La revue du Conservatoire, Le huitième numéro, mis à jour le : 04/11/2024, URL : https://larevue.conservatoiredeparis.fr:443/index.php?id=2538.

Quelques mots à propos de :  Pauline Amar

Professeure agrégée à l’UFR de Musique et Musicologie de l'Université de la Sorbonne, Pauline Amar enseigne l’écriture musicale, l’harmonisation au clavier, l’analyse et le commentaire d’écoute aux étudiants de licence. Après un mémoire portant sur les trios avec piano en France sous le Second Empire (sous la direction de Muriel Boulan), elle rédige une thèse d’analyse sur les premières œuvres de Camille Saint-Saëns (sous la direction de Jean-Pierre Bartoli). Elle est diplômée du CRR de Paris en harpe et en chant, et du CNSM de Paris en écriture (harmonie, contrepoint et fugue) et en analyse. Elle a approfondi la question de la modulation en France dans le cadre de son mémoire pour le prix d’analyse en 2020.