Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris
n°7
Gretchen Amussen

La formation à l’esprit d’entreprise dans les conservatoires européens

Article
  • Résumé
  • Abstract

L’étude menée par le groupe de travail européen dédié à la formation à l’esprit d’entreprise au sein du projet Polifonia de l’Association européenne des conservatoires (2011-2014, programme Erasmus) a permis de distinguer cinq approches géographiques spécifiques (anglo-saxonne, continentale, méditerranéenne, scandinave, et pays d’Europe centrale et orientale), selon le niveau d’enseignement et d’innovation dans son ensemble, les financements de la culture, les types de partenariats engagés et, pour le cas qui nous intéresse, selon la manière dont les établissements d’enseignement supérieur délivrent la formation aux compétences dites « entrepreneuriales ».

Cet article se propose de décliner les grandes tendances révélées par cette étude, tout en mettant en avant quelques modèles de bonne pratique qui ont fait l’objet d’entretiens approfondis.

Texte intégral

Introduction

 

À l’initiative de l’Association européenne des conservatoires (AEC) et grâce au financement du programme Erasmus dans le cadre du projet « Polifonia », un groupe de travail ad hoc, constitué de professionnels de la musique et de représentants de conservatoires, a étudié de 2011 à 2014 la formation à l’esprit d’entreprise et à l’innovation dans l’enseignement supérieur de la musique en Europe (http://www.musicalentrepreneurship.eu). L’étude a permis de distinguer cinq approches géographiques spécifiques (anglo-saxonne, continentale, méditerranéenne, scandinave, et pays d’Europe centrale et orientale). Pour chaque zone géographique, l’étude tient compte de la place occupée par la formation à l’entrepreneuriat au sein de l’enseignement général du primaire à l’université, des financements de la culture, des types de partenariats engagés et, pour le cas qui nous intéresse, de la formation aux compétences dites « entrepreneuriales » par les établissements d’enseignement supérieur de la musique.

 

Cet article se propose de décliner les grandes tendances en matière de formation entrepreneuriale révélées par l’étude, tout en mettant en avant quelques modèles de bonne pratique ayant fait l’objet d’entretiens approfondis.

L’entrepreneuriat en musique

L’étude prenait comme point de départ une définition de l’entrepreneuriat en musique se distinguant par une vision et un projet artistique singuliers, adaptés aux contextes géographiques, culturels, politiques et économiques, et étayés par de solides compétences techniques (dites « hard skills » : gestion financière, langues, compétences analytiques, management, réseaux) et humaines (« soft skills », lesquelles se caractérisent par une capacité à collaborer, à monter des équipes de manière interdisciplinaire, par une ouverture d’esprit et une capacité à l’empathie, de la flexibilité, et des compétences sociales – autonomie, attitude réflexive – et interculturelles). Le succès entrepreneurial est le fruit de cette pratique artistique, de cette connaissance des contextes, et de ces compétences multiples qui se déploient de manière stratégique. Il est le résultat de multiples synergies comme l’interdisciplinarité, la collaboration et l’innovation.


	L’entrepreneuriat en musique.

L’entrepreneuriat en musique.

Une enquête menée auprès des conservatoires européens

Faisant suite à l’enquête menée en janvier 2013 auprès de l’ensemble des membres de l’AEC, les 81 réponses ont permis de cartographier les différentes approches de la formation à l’entrepreneuriat dans l’enseignement musical supérieur en Europe : les formations à la communication, à la gestion et à l’entreprise, au leadership et à la connaissance de l’environnement professionnel.

Cinq modèles correspondant aux différentes régions d’Europe ont été identifiés, en tenant compte également de l’éducation à l’entrepreneuriat et à l’innovation de l’école à l’université, des partenariats, de l’accompagnement et du financement de la culture. Notons au passage la qualité hétérogène de certains modèles, en particulier celui qui regroupe les pays de l’Europe centrale et orientale.

Les cinq modèles géographiques sont les suivants :

- modèle anglo-saxon : Royaume-Uni, Irlande ;

- modèle continental : Allemagne, Pays-Bas, Luxembourg, Belgique, Autriche, France, Suisse ;

- modèle méditerranéen : Portugal, Espagne, Italie, Grèce, Malte, Chypre ;

- modèle des pays de l’Europe centrale et orientale : Pologne, Lettonie, Lituanie, Estonie, Biélorussie, Hongrie, Roumanie, Croatie, République de Macédoine, Bosnie-Herzégovine, Géorgie, République tchèque, Slovaquie, Moldavie, Slovénie, Serbie, Albanie, Kosovo, Ukraine, Bulgarie ;

- modèle scandinave : Suède, Danemark, Finlande, Norvège, Islande.

L’enseignement des compétences entrepreneuriales

Qui dispense cette formation : des professionnels de la musique, des professeurs de musique, des professeurs d’université, des gestionnaires d’entreprise, ou des écoles de commerce, partenaires des conservatoires ?

La réponse fait apparaître une prédominance de professeurs de musique dans le cadre des modèles continental et scandinave, de professionnels de la musique dans le monde anglo-saxon, de professeurs d’université en Europe centrale et orientale et une proportion égale de professeurs et de professionnels en Méditerranée. Le modèle continental collabore pour un tiers avec des écoles de commerce ; pour les autres modèles, en moyenne un tiers des équipes pédagogiques sont gestionnaires d’entreprises, jusqu’à 43% dans le modèle scandinave.

La formation à la communication par l’écrit est exigée surtout dans les modèles scandinave (100%), anglo-saxon (88%) et continental (75%), avec une nette préférence pour le journal de réflexion chez les anglo-saxons et scandinaves, alors que la rédaction de mémoires est privilégiée dans le modèle continental (100%). La formation à la communication est enseignée respectivement dans 50% et 33% des établissements d’Europe centrale et orientale et en Méditerranée, exclusivement par le biais de mémoires. Elle se déroule majoritairement au niveau de la licence et, dans un moindre degré, au niveau du master.

On note un écart significatif entre les régions lorsqu’il s’agit de la communication à l’oral et notamment de la formation à la médiation, c’est-à-dire l’aptitude à toucher de nouveaux publics par l’enseignement, la recherche et les spectacles. Si la communication à l’oral est enseignée dans respectivement 88% et 87% des écoles anglo-saxonnes et scandinaves, ce chiffre tombe à 56% au sein du modèle continental, à 43% en Europe centrale et orientale, et à 22% seulement en Méditerranée. Obligatoire majoritairement dans les modèles anglo-saxon, scandinave et continental où elle concerne davantage le premier cycle que le second, elle est proposée en option et seulement en second cycle en Méditerranée et en Europe centrale et orientale.

Si la connaissance du secteur professionnel est enseignée et obligatoire dans une majorité de conservatoires en Europe, cet enseignement n’est pas obligatoire en région Méditerranée. Quant à la durée de ces études, l’importance qui y est accordée dans le monde anglo-saxon se traduit par des études plus longues qu’ailleurs (deux semestres plutôt qu’un en moyenne) ; cet enseignement est plus présent au niveau du premier cycle. Les intitulés de ces formations montrent une nette distinction géographique entre, d’un côté, un savoir technique (« organisation, droit et législation du spectacle » en Méditerranée) ou un ensemble de savoirs et de savoir-faire (« développement professionnel », « études professionnelles », « compétences professionnelles », « le musicien dans la société » dans le monde anglo-saxon, « l’entrepreneuriat » ou « constituer son portefeuille professionnel » dans le monde scandinave). En Europe centrale et orientale, cet enseignement est déjà dispensé par 57% des répondants alors que 36% envisagent de le mettre en place prochainement.

Quant à la réalisation et à la planification de projets musicaux – compétences dans la gestion de projet et l’autogestion, élaboration d’un business plan, compétences pour la levée de fonds et le marketing – une fois encore les modèles anglo-saxon et scandinave les considèrent comme prioritaires. En Scandinavie, où cet enseignement est partout dispensé, cela se traduit par l’élaboration d’un business plan et le développement de compétences dans les levées de fonds et de marketing, systématiquement au niveau de la licence et, pour 62%, en deuxième cycle. Dispensé dans 88% des établissements anglo-saxons et obligatoire pour 75% d’entre eux, cet enseignement sur deux semestres en moyenne concerne la gestion de projet, l’élaboration d’un business plan, la collecte de fonds et le marketing, au niveau de la licence (75%) et du master (62%). Il est dispensé dans 62% des établissements (et obligatoire pour 80%) du modèle continental et pendant un semestre en moyenne. Optionnel uniquement en Europe centrale et orientale, il est proposé par 43% des établissements au niveau de la licence ; le modèle méditerranéen l’offre également en option, mais uniquement dans 11% des établissements, par le biais de cours sur la création, la réalisation et la planification de projets musicaux.

Le leadership par l’incitation des étudiants à lancer de grands projets et à en prendre la responsabilité est encore une fois décliné différemment selon la région. Si les anglo-saxons le proposent pour 88% (obligatoire dans 62% des cas) et surtout en licence, les scandinaves sont 62% à l’inclure dans des projets de concerts ou de festivals au niveau des deux cycles, et le modèle continental le propose pour 56% des établissements (77% le rendant obligatoire). Il est proposé en option dans le modèle méditerranéen (33%), dans les deux cycles, et en Europe centrale et orientale (36%) au niveau du deuxième cycle seulement.

L’enseignement des langues étrangères reflète la réalité de la domination de la langue anglaise dans le monde culturel. Optionnel partout dans les établissements anglo-saxons, il n’est obligatoire que dans 12% des établissements scandinaves (où l’allemand et le français sont proposés par ailleurs). En revanche, cet enseignement est obligatoire en Europe centrale et orientale (64%), dans les établissements du modèle continental (45%), et optionnel pour 77% en Méditerranée. Si le modèle de l’Europe centrale et orientale propose l’anglais (100%), l’allemand (78%), le français (44%), l’espagnol (11%) et d’autres langues, le modèle continental offre l’anglais et l’allemand, et la Méditerranée offre un enseignement de l’anglais uniquement.

Parmi la grande variété d’approches dans la formation à l’esprit d’entreprise, quatre exemples emblématiques de bonne pratique ont fait l’objet d’études approfondies de la part du groupe ad hoc.

Scottish Institute for Enterprise

Le « Scottish Institute for Enterprise » (SIE), soutenu par le gouvernement écossais et visant l’enseignement supérieur sur l’ensemble du territoire écossais, propose une assistance technique et financière dans le développement de projets. Des stagiaires SIE assurent la promotion et l’information concernant ces activités dans la plupart des institutions d’enseignement supérieur.

La « New Ideas Competition » propose de l’argent et des aides en nature pour transformer une idée en une véritable entreprise.

« Start-Up Day » propose, le temps d’un jour, l’aide d’experts en conseil pour le renforcement ou l’amélioration d’une idée ou d’une entreprise.

Le « Young Innovators Challenge » présente les défis liés aux tendances industrielles actuelles et invite les participants à créer et à imaginer des solutions novatrices. Les finalistes soumettent leurs idées à un panel d’experts commerciaux et industriels et peuvent gagner une année de soutien commercial et jusqu’à £50,000 pour concrétiser leur idée.

Le « Summer Bootcamp » propose un programme de formation intensive de cinq jours (au lieu des 6 mois habituels), au moyen d’une série d’activités de formation accélérée afin d’aider les participants à démarrer et réussir leur projet.

Le « Ideas Lab » récolte des données pour mieux comprendre les marchés et les défis économiques et sociétaux. L’atelier incite les participants à développer des produits novateurs et des stratégies destinées à satisfaire les besoins et désirs des consommateurs.

Le « Business Model ’You’ » permet de développer ses propres ressources et compétences, et s’adresse en priorité aux interprètes et aux artistes.

 « Vers l’entrepreneuriat culturel »

« Vers l’entrepreneuriat culturel », un projet intensif Erasmus de dix jours réunissant cinq écoles de commerce et d’art européennes (Finlande, Norvège, Irlande, Royaume-Uni et Pays-Bas), propose à environ 45 étudiants, répartis en huit équipes mixtes, de créer des projets entrepreneuriaux qui sont ensuite présentés et évalués par un jury de professionnels.

Le programme aborde d’une part le rôle des industries créatives, des clusters commerciaux interdisciplinaires et leur potentiel pour l’innovation commerciale, d’autre part le statut de travailleur indépendant comme option professionnelle, et enfin les collaborations inter-, multi- et cross-culturelles (musique, arts visuels, marketing, management, technologies de l’information, business, multimédia et communication). La connaissance du contexte et des nouveaux marchés vise notamment des programmes pour le troisième âge, le développement d’une communication multiculturelle au sein des communautés locales, le rôle et l’impact des technologies de l’information et de la communication, et les clusters internationaux.

Chaque équipe définit son rôle et ses responsabilités, clairement exposés dans l’énoncé de sa mission ; par ailleurs, elle élabore un échéancier, évalue les tendances actuelles, les marchés, les coûts et les revenus potentiels, et s’engage dans une analyse FFOM (forces, faiblesses, opportunités et menaces).

L’objectif est de développer un état d’esprit entrepreneurial par des approches interdisciplinaires, des clusters créatifs, la résolution de problèmes de façon collaborative, de meilleures connaissances commerciales, etc., mais aussi une capacité à créer des projets entrepreneuriaux forts et innovants utilisant des compétences claires en communication, négociation et dans le développement de réseaux à l’international, et une capacité à intégrer la créativité et l’innovation.

Popakademie Baden-Württemberg

La Popakademie Baden-Württemberg (Université des musiques actuelles et des industries musicales), située à Mannheim à l’intérieur d’un nouveau parc industriel dédié à la musique, propose un double parcours d’enseignement professionnel de la musique et de formation commerciale.

Plus précisément, elle réunit un lieu d’enseignement supérieur de la musique et un centre de compétences pour tous les aspects de l’industrie musicale, intégrant la coopération régionale et européenne ainsi que le développement commercial.

Elle défend en particulier :

- une approche conjointe de la musique et du commerce, avec pour vocation d’ouvrir des nouveaux horizons en rendant les étudiants sensibles à ce que ces deux perspectives s’offrent l’une l’autre ;

- une orientation pratique de l’enseignement, garantie par des professeurs en activité dans le monde industriel et/ou musical ;

- la création d’un réseau réunissant la Popakademie, le commerce, l’enseignement supérieur, les institutions internationales et les étudiants.

Au niveau de la licence, deux programmes reliés entre eux sont proposés : d’une part les activités commerciales liées à la musique et, d’autre part, le design des musiques actuelles. Deux stages obligatoires de trois mois sont intégrés et des cours pratiques obligatoires pour tous abordent le marketing, les ventes, le management commercial et les compétences juridiques et financières. Tout au long de leur cursus, les étudiants travaillent ensemble dans « l’usine à projets » afin de développer des projets réels ou imaginaires.

Le deuxième cycle intègre deux programmes : l’un dédié à la musique et aux industries créatives et l’autre voué aux musiques actuelles. Le premier inclut la nécessaire connaissance des arts, de la publicité, du design, des logiciels, des jeux, livres, périodiques, films… S’y ajoutent des modules dédiés aux compétences financières, administratives et de communication, le développement de contenus et le marketing. Les musiques actuelles se déclinent en trois options : l’artiste-interprète, l’artiste-compositeur/producteur et l’artiste-pédagogue. La deuxième option, unique en Europe, et de loin la plus populaire, permet la formation à la composition et à la production de chansons, de bandes sonores pour films, multimédia, de musique pour les jeux informatiques et de jingles destinés à la radio, aux téléphones portables et à la publicité. Toutes les formes de médias électroniques sont éligibles.

 « Creative Entrepreneurs »

La Guildhall School of Music and Drama de Londres a mis en place « Creative Entrepreneurs » au sein de son programme dédié au développement entrepreneurial et propose au personnel et aux diplômés de les aider à créer leur propre entreprise et à développer leurs compétences entrepreneuriales. Ce projet est mené en partenariat avec l’entreprise philanthropique Cause4, dans la City de Londres, qui accueille les jeunes entrepreneurs et leur propose des bureaux.

« Creative Entrepreneurs » consiste en un programme intensif de douze mois intégrant les domaines de la musique, du théâtre et de la régie théâtrale. Ceux qui y sont admis – ayant fait la démonstration qu’ils avaient déjà une idée entrepreneuriale bien avancée – s’engagent à être présents vingt heures par semaine pour l’ensemble des activités proposées. Ils peuvent bénéficier ainsi :

- d’un accompagnement et de conseils, d’un soutien au développement d’un business planet d’une expertise nécessaire au démarrage, comprenant le marketing, la connaissance des partenariats et de tout autre élément nécessaire à la création d’entreprise ;

- d’un bureau au sein des locaux de Cause4 ;

- d’un accès aux réseaux financiers, juridiques et professionnels au cœur de la City ainsi que d’une introduction à des réseaux de pépinières, comme par exemple la « School for Start Ups » ;

- de séminaires et événements mensuels dédiés au leadership et aux compétences managériales nécessaires à l’entrepreneuriat ;

- de conseils et de soutien au financement (soutiens initiaux et cofinancement notamment).

« Creative Entrepreneurs » mène par ailleurs un programme de workshops et de séminaires pour ceux qui souhaitent développer leurs connaissances de l’entrepreneuriat afin de développer des initiatives viables. Ces séminaires traitent des compétences managériales de base (relations avec les clients et/ou publics, développement numérique, ventes, marketing, gestion d’équipe, finance et promotion).

Conclusions

Les résultats de cette enquête démontrent, si besoin est, combien chacune de ces zones géographiques correspond à une réalité culturelle, économique et sociale bien distincte. Les modes de financement de la culture spécifiques à ces cinq zones, qui n’ont pas été traités dans cet article mais qui le sont dans l’étude menée par l’AEC, ne sont pas étrangers aux enseignements déclinés ici. L’acquisition de compétences entrepreneuriales s’avère indispensable pour faire face à un financement public de la culture bien moins important dans les pays anglo-saxons que dans les zones continentale ou méditerranéenne, par exemple.

Ainsi, les zones anglo-saxonne et scandinave mettent en avant une approche globale, invitant les étudiants à maîtriser des savoirs et des savoir-faire, et y consacrent un temps plus important. La prise de risque – indispensable au développement de tout entrepreneur – est vivement encouragée : la tenue de « reflective journals » permettrait, dans cette logique, d’aiguiser la capacité de chacun à exprimer sa pensée ou son projet artistique, ce qui, par la suite, se traduirait par le développement de projets entrepreneuriaux. De même, la réalisation et la planification de projets musicaux sont pleinement intégrés aux cursus. La région continentale, où ces enseignements existent, révèle parfois une approche hétérogène, liée sans doute à des réalités économiques et politiques différentes selon les pays. À l’opposé, la région Méditerranée dispense une formation où ces enseignements restent peu présents et souvent de manière optionnelle.

The Scottish Institute for Entreprise et le projet intensif « Vers l’entrepreneuriat culturel » intègrent – dans la manière même dont ils sont structurés – une approche interdisciplinaire et collaborative, appuyant ainsi le développement des « soft skills ». Les quatre exemples de bonne pratique intègrent chacun une coopération entre le monde artistique et celui du « business » (aspects économiques, juridiques et même de marketing), suggérant ainsi que s’il est indispensable de bien comprendre les contextes et les différentes réalités économiques et de communication, toute réussite entrepreneuriale passe nécessairement par la collaboration avec des acteurs du monde économique et social.

Si la connaissance du secteur professionnel est plus ou moins enseignée partout, on peut la distinguer d’une formation à un « état d’esprit entrepreneurial » dans les zones anglo-saxonne et scandinave, notamment par une approche intégrant savoir et savoir-faire.

Il est fort probable que les situations ont encore évolué depuis la réalisation de cette étude, compte tenu de nouvelles contraintes budgétaires et de propositions déjà à l’étude en 2013. Certains pays de l’Europe centrale et orientale avaient, à l’époque, formulé une demande de subvention auprès de l’Union européenne afin de développer un programme de master en management artistique, en coopération avec un réseau d’écoles scandinaves. Une représentante d’un conservatoire en Géorgie témoigne : « les établissements d’enseignement artistique supérieur n’ont pas correctement relevé le défi des nouvelles carrières. Il existe une discordance entre la formation et la demande sur le marché du travail… Tous les futurs artistes doivent aujourd’hui posséder des compétences en gestion d’entreprise et en management. »

Si les contextes économiques et sociaux spécifiques de l’Europe du Nord l’ont encouragée à devancer d’autres régions et à innover dans le développement de la formation à l’esprit d’entreprise, l’évolution des financements de la culture et de ses pratiques suggère qu’à l’avenir ces compétences seront considérées comme indispensables pour tous.

Pour citer ce document

Gretchen Amussen, «La formation à l’esprit d’entreprise dans les conservatoires européens», La Revue du Conservatoire [En ligne], Réflexions et matériels pédagogiques, Le quatrième numéro, La revue du Conservatoire, mis à jour le : 14/12/2015, URL : https://larevue.conservatoiredeparis.fr:443/index.php?id=1224.

Quelques mots à propos de :  Gretchen Amussen

Après des études musicales et littéraires, la Franco-Américaine Gretchen Amussen travaille dans l’administration de plusieurs structures musicales aux États-Unis avant d’être invitée en 1992 par Xavier Darasse à mettre en place un service des relations internationales au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris (CNSMDP). Aujourd’hui, ses attributions au Conservatoire comprennent les affaires extérieures et les relations internationales. Active dans de nombreux réseaux européens, elle est membre puis vice-présidente du conseil d’administration de l’Association européenne des conservatoires (AEC) de 2008 à 2013. Dans le cadre du réseau Erasmus pour la musique « Polifonia » initié par l’Association européenne des conservatoires, elle co-dirige de 2001 à 2004 le groupe de travail dédié aux conséquences de la déclaration de Bologne pour l’enseignement supérieur de la musique et de 2004 à 2009 celui consacré à la profession de musicien en Europe. Enfin, de 2011 à 2014, elle poursuit ce travail au sein de Polifonia en présidant le groupe dédié à la formation à l’esprit d’entreprise en musique, aux côtés de représentants des conservatoires et du monde culturel.