De l’exécution de la musique à son interprétation (1780-1950)
- Résumé
- Abstract
L’emploi du verbe interpréter pour désigner l’activité de l’instrumentiste ou du chanteur est devenue si banal qu’on n’imagine plus aujourd’hui qu’il ait pu exister d’autres manières de désigner – et donc de concevoir – l’acte musical. Longtemps, on a préféré un autre terme : les musiciens n’interprétaient pas la musique, ils l’exécutaient. L’abandon d’un mot au profit d’un autre au milieu du xixe siècle n’est pas anodin. Il coïncide avec le renoncement des musiciens au rapport très libre qu’ils entretenaient avec la partition depuis des siècles, remplacé par une vision très stricte du rendu sonore du texte musical. Cet article propose d’explorer les conditions de ce bouleversement qui affecta aussi bien le jeu instrumental et vocal que la nature du métier de musicien ou les pratiques d’écoute.
Plan
Texte intégral
De l’exécution de la musique à son interprétation (1780-1950)
L’histoire musicale des deux derniers siècles est marquée par un accroissement sans précédent du nombre de musiciens tant amateurs que professionnels. Ce mouvement s’est accompagné de la production industrielle d’instruments à prix relativement réduits et d’une inflation de la matière écrite : partitions, méthodes, traités, littérature pédagogique et textes sur la musique (revues spécialisées, études sur des œuvres ou biographies de compositeurs). Au point que la présence massive d’imprimés dans le quotidien des instrumentistes et des chanteurs est devenue un des traits caractéristiques de la vie musicale moderne.
La familiarité croissante des musiciens avec les textes notés les a entraînés à faire confiance à ces objets en ne les soumettant que très rarement à une approche critique. Certes, même le moins informé des amateurs sait que dans des âges anciens les partitions ne disaient pas tout et qu’il fallait ajouter quelques ornements pour obtenir une œuvre complète, mais sa connaissance de ce qui a précédé la révolution graphique accomplie dans le courant du xixe siècle ne va souvent guère au-delà. Surtout, le répertoire courant (composé entre la fin du xviiie siècle et le début du xxe) ne semble pas nécessiter un savoir-faire particulier, une tradition de jeu des classiques s’étant perpétuée jusqu’à nous.
Le point de départ de cet article prend à rebours ces idées admises. En dépit des apparences, le rapport des musiciens aux textes s’est non seulement radicalement transformé dans les deux derniers siècles mais cette mutation a surtout eu des conséquences considérables sur l’ensemble des acteurs du monde musical. Pour décrire ce phénomène, nous nous intéresserons aux deux manières opposées de faire la musique que l’on observe au départ et au point d’arrivée de la période qui va nous occuper et que nous désignerons par deux verbes. Lorsqu’on dépouille de grandes quantités de documents liés à la musique au xviiie siècle, on est frappé de l’absence du mot interpréter1. Celui-ci est remplacé par beaucoup d’autres termes et en particulier par le verbe exécuter.Derrière la lente disparition de ce dernier à la faveur de la généralisation du terme interpréter, il n’y a pas un simple effet de mode mais une véritable révolution des pratiques musicales qui n’a, jusqu’à présent, pas été vraiment étudiée.
De l’histoire des signes à l’histoire des pratiques de lecture
Depuis deux siècles, les historiens – qu’ils aient été antiquaires, archéologues ou plus tard musicologues – ont pris l’habitude de concentrer leur attention sur la partie écrite de la musique, même lorsqu’ils avaient pour projet de comprendre les aspects concrets du métier d’instrumentiste ou de celui de chanteur. Dès le milieu du xixe siècle, les premiers travaux sur les pratiques musicales anciennes, bien oubliés aujourd’hui, se réduisaient souvent à des inventaires des signes dont la signification s’était perdue.
Qu’elles l’aient revendiqué ou pas, ces approches étaient marquées par la philologie, science reine à l’époque romantique2. Elles culminèrent dans un type d’ouvrage qui apparaît au milieu du xixe siècle et se maintiendra jusqu’à nos jours : le guide de réalisation des ornements. Le premier du genre en France figure au seuil d’une des plus ambitieuses entreprises de remise à jour des anciennes œuvres pour clavier : les vingt livraisons duTrésor des pianistes publiées par Aristide et Louise Farrenc entre 1861 et 18723.
Louise Farrenc, Traité des abréviations (Signes d’agrément et ornements) employés par les clavecinistes, xviie et xviiie siècles d’après L. Farrenc, Paris, Alphonse Leduc, 1895, p. 20 – ce volume est une amplification de : Aristide et Louise Farrenc, « Des signes d’agrément », Le Trésor des Pianistes. Collection des œuvres choisies des maîtres de tous les pays et de toutes les époques depuis le xvie siècle jusqu’à la moitié du xixe siècle, accompagnées de notices biographiques, de renseignements bibliographiques et historiques, d’observations sur le caractère d’exécution qui convient à chaque auteur, des règles de l’appogiature, d’explications et d’exemples propres à faciliter l’intelligence des divers signes d’agrément, etc., etc. Recueillies et transcrites en notation moderne par Aristide Farrenc avec le concours de Mme Louise Farrenc, compositeur et professeur de piano au Conservatoire impérial de Musique. Préliminaires, Paris, Aristide Farrenc, 1861 (collection particulière).
Fruit d’une vaste compilation, elle se présente comme une table de concordances compilant des définitions d’époque et des exemples tirés de la littérature musicale. Les remises à jour auxquelles procédèrent pour la suite les musicologues en fonction de l’avancée de leur travail ne remirent pas en cause le principe qui demeura inaltéré dans les décennies qui suivirent : un signe (ancien) = un signe (moderne).
Paul Brunold, Traité des signes et agréments employés par les clavecinistes français des xviie et xviiie siècles. Préface de Maurice Emmanuel, Professeur d’Histoire au Conservatoire National de Musique et de Déclamation, Lyon, Les Éditions musicales Janin, 1925, p. 33 (collection particulière).
Jean-Claude Veilhan, Les Règles de l’interprétation musicale à l’époque baroque (xviie-xviiie s.) générales à tous les instruments selon : Bach, Brossard, Couperin, Hotteterre, Montéclair, Quantz, Rameau-d’Alembert, Rousseau, etc., Paris, Alphonse Leduc, 1977, p. 35 (Bibliothèque du Conservatoire de Musique de Genève).
La constitution dans la deuxième moitié du xxe siècle d’un véritable mouvement d’analyse des pratiques essentiellement porté par des chercheurs et des musiciens anglo-saxons (les performance practice studies4) ne changea pas vraiment la donne5. L’emprise de la musique comme écriture fut une constante des travaux musicologiques. Le message envoyé aux instrumentistes et aux chanteurs était clair : munis d’un outil de traduction des signes, ils seraient capables de faire revivre les musiques du passé s’ils s’obligeaient à un respect scrupuleux des textes notés. Or, en décrétant que les activités musicales anciennes se résumaient à l’interprétation de partitions par des musiciens à qui on interdisait de déroger aux indications écrites, les historiens de la musique passèrent jusqu’aux années 1980 à côté du fait que la définition même de la musique et de sa pratique différaient sensiblement selon les périodes considérées – ce qui n’était un truisme qu’en apparence.
Ainsi, l’improvisation musicale fut longtemps négligée par les chercheurs alors qu’elle avait occupé une place considérable dans le quotidien des musiciens et des amateurs pendant des siècles6. N’ayant laissé que des traces indirectes et souvent très lacunaires, l’art de l’improvisation était quasiment invisible pour une histoire essentiellement composée à partir d’archives écrites et du postulat que toute la musique du passé reposait dans les ruines notées.
Ainsi, l’écoute n’intéressa guère les historiens avant les vingt dernières années. Un article fondateur de William Weber ébranla bien des certitudes7. Le musicologue américain y soutenait que nos ancêtres n’écoutaient pas la musique comme nous, qu’ils faisaient d’ailleurs souvent autre chose lorsqu’ils se rendaient au concert ou à l’opéra. Quantité d’autres auteurs prirent le relais8. Le modèle de l’écoute moderne est désormais bien connu (l’ancien reste encore à explorer) : des auditeurs plongés dans des salles obscures, ayant préparé leur expérience aurale par la lecture d’une note de programme analytique ou par la fréquentation assidue des partitions jouées devant eux, et s’efforçant de retrouver mentalement la structure formelle des œuvres.
Ainsi, le corps musicien n’a été étudié que récemment. Les travaux de Lothaire Mabru sur la tenue du violon sous l’Ancien Régime ont montré il y a une vingtaine d’années que l’on pouvait articuler posture, répertoire et représentations sociales9. Il en existe malheureusement peu d’autres aussi systématiques10. Des études d’iconographie musicale ont porté attention à la position des instrumentistes mais elles sont encore trop rares11.
Ainsi, l’écriture musicale ne fut quasiment jamais envisagée à travers les usages qu’elle avait pu susciter. Les historiens du livre avaient montré la voie il y a plus de trente ans en passant d’une histoire des objets imprimés considérés isolément à celle des pratiques de lecture. Le principal promoteur de ce déplacement fut Roger Chartier12. Au fil de ses travaux, l’historien a insisté sur le fait que les usages des livres étaient matériellement inscrits en eux et que les formes de la matière manuscrite ou imprimée avaient une incidence directe sur sa diffusion. À l’heure où Michel de Certeau publiait une enquête sur les usages du quotidien13, la nouvelle approche de la lecture sonnait en écho comme un manifeste pour une histoire de l’appropriation des livres par des communautés de lecteurs aux usages pluriels14.
L’histoire des pratiques de lecture a quasiment laissé de côté la partition musicale et ses usages15. Dans les travaux sur la notation, l’intellection des signes n’est jamais perçue que comme un décodage mécanique plus ou moins délicat selon l’ancienneté des œuvres. Pourtant, entre le texte décrypté et le geste de l’instrumentiste ou du chanteur, on trouve un espace et un instant quasiment jamais étudiés : l’acte de lecture.
Alexis de Garaudé, Solfèges avec la basse chiffrée, ou Nouvelle Méthode de Musique, Adoptée par Monsieur l’Intendant Général Directeur des Fêtes et Spectacles de la Cour, pour l’Enseignement des Pages de la Musique du Roi, et en usage dans les principaux Conservatoires, Écoles et Instituts Royaux de France, d’Italie, des Pays-Bas, &c. composés par Alexis de Garaudé, Professeur de Chant, Membre de l’École royale de Musique, de la Chapelle de S. M. Auteur de la Méthode complète de chant (Prix 40 Fr.) Œuv. 27. Troisième Édition revue et considérablement augmentée. Prix 36 Fr. La 1ère Partie qui remplace avec avantage le Solfège de Rodolphe, Se vent séparém.t 20f. la 2e Partie, qui contient L’art d’Écrire la musique, ou Dictée musicale, des Solfèges sur toutes les Clefs et sur les Mesures composées, des Solfèges à deux et trois voix &c. Se vend séparément 20 f., Paris, à la Classe de Chant de l’Auteur et chez P. Vaillant, s. d (Bibliothèque du Conservatoire de Musique de Genève).
L’analyse de ce moment capital de l’activité du musicien implique de ne pas s’intéresser seulement au sens des signes mais d’aborder aussi ces derniers en lien avec les gestes, les instruments, les techniques et les situations qui transforment l’écriture musicale en sons produits, entendus et compris. En résumé, nous mettrons ici de côté la philologie pour considérer la musique en train de se faire et la partition comme un élément parmi d’autres – même si son importance n’a cessé d’augmenter – d’un dispositif artistique complexe.
Quand l’œuvre était une performance
Que faisait-on donc avant 1880 lorsqu’on faisait de la musique ? Ouvrons un périodique musical rendant compte des concerts donnés à Paris à la date du 17 mars 178216.
« 1782, 17 Mars », Almanach musical pour l’année mil sept cent quatre-vingt-trois, Paris, Au Bureau de l’Abonnement littéraire, 1783, pp. 177-178 (collection particulière).
« 1782, 17 Mars », Almanach musical pour l’année mil sept cent quatre-vingt-trois, Paris, Au Bureau de l’Abonnement littéraire, 1783, pp. 177-178 (collection particulière).
Le rédacteur y écrit que M. Bréval « a joué seul un concerto de sa composition », que M. Duport a joué sur le violoncelle un nouveau concerto » (on a pu admirer la « perfection de son jeu » et la « légèreté de ses sons »), que M. Mara « a accompagné Madame Mara », que M. Virbes « a exécuté sur le forte-piano un concerto de sa composition », que M. André « a rempli [dans un motet] un accompagnement obligé », que M. Devienne « a exécuté sur la flûte » un concerto, que M. Hugot « a joué un concerto de flûte », que MM. Caravoglia et Bezzozi « ont exécuté sur le hautbois un concerto », que M. Solers « a exécuté » un concerto de clarinette, que M. Rathé « a exécuté sur le même instrument un concerto de sa composition », que M. Ozi « a joué sur le basson un concerto », que les frères Tornbusch « ont joué » un concerto pour cor de chasse ou encore que M. Punto « a exécuté un concerto de cor de chasse ».
Dans toutes ces phrases où abondent les mots d’action (exécuter, jouer, accompagner, remplir un accompagnement), il n’est jamais question d’interprétation. La partition n’est pas au centre de l’activité musicale. Le compte rendu de 1782, comme tant d’autres textes de cette époque, parle de performances, pour emprunter à la langue anglaise ce mot qui désigne la mise en œuvre de la compétence de l’instrumentiste ou du chanteur pour la réalisation d’un acte musical qui déborde le seul texte noté.
Pour tout auditeur jusqu’au dernier tiers du xixe siècle, il est évident que le musicien procède à l’imitation de l’orateur. Un exemple parmi cent : à propos du pianiste Théodore Stein, originaire de Riga et se produisant à Paris en 1855, Henri Blanchard écrit qu’il est un parfait improvisateur parce que « non-seulement il sait tirer parti d’une idée mélodique, mais de deux, de trois, sans confusion et sans sécheresse. Il y a unité de la pensée dans sa manière d’amalgamer les pensées complexes qu’on lui donne à paraphraser : il les prépare, les annonce avec ingéniosité, les résumant ensuite dans une chaleureuse péroraison. »17
L’indice le plus évident du règne de la rhétorique dans le monde musical est la place des chanteurs au cours des représentations d’opéra. Héritage du temps où une représentation théâtrale était avant tout la mise en scène d’une parole éloquente, les artistes s’avancent sous les feux de la rampe pour prononcer leur air ou pour dialoguer avec leurs collègues, ce qui ne choque personne jusqu’à la guerre de 191418. Le théâtre demeure une tribune où le discours chanté prédominera jusqu’à la révolution wagnérienne.
Louis Schneider, « Grand-Théâtre de Lyon. Armor. Drame lyrique en trois actes, de M. Ernest Jaubert, Musique de M. Sylvio Lazzari », Le Théâtre,janvier 1906, p. 22 (« Acte ier – L’Île enchantée ») (Bibliothèque du Conservatoire de Musique de Genève).
Roland Lefèvre, « L’Opéra-Comique dans les théâtres de quartier », Musica, décembre 1904, p. 428 (« Le dernier acte de Mireille au Théâtre des Gobelins ») (Bibliothèque du Conservatoire de Musique de Genève).
Au concert aussi, la musique est pensée comme un art oratoire. Jusque tard dans le xixe siècle, toute exécution soliste est ponctuée de gestes sonores éloquents. Pour faire entendre au public les articulations de leur discours, les musiciens soulignent le mouvement d’une période à une autre. L’édition musicale a conservé la trace de ces ponctuations comme ces traits en petites notes non mesurées (souvent athématiques) qui fourmillent dans les milliers de paraphrases, fantaisies ou airs variés produits par les virtuoses du temps qui les improvisaient souvent en public avant de les fixer par la plume.
Dans l’adaptation par Franz Liszt de la valse du Faust de Gounod, on trouve un tel « passage », pour reprendre un terme d’époque, au moment de rupture le plus fort, lorsqu’un dialogue entre Marguerite et Faust vient s’immiscer dans la danse.
Franz Liszt, Valse de l’opéra Faust de Gounod pour le piano par Franz Liszt, Berlin, Ed. Bote & G. Bock, 1863, p. 10 (Bibliothèque du Conservatoire de Musique de Genève).
À la main droite, qui porte la mélodie (véritable corps du discours), un trille à découvert maintenu ad libitum par un point d’orgue suspend le déroulement des périodes. Un trait chromatique parcourt ensuite le clavier de haut en bas à trois reprises comme s’il fallait effacer tout souvenir thématique des premières sections. Pendant ces quelques secondes, l’auditeur est entièrement dépendant de la volonté de l’exécutant qui dilate ou précipite en toute liberté le déroulement du temps – profitant du point d’orgue d’abord puis de la suspension du mètre. Ajoutons que le pianiste faisait généralement entendre à cet endroit un matériau musical de son cru, les petites notes imprimées constituant autant d’invitations à l’improvisation.
Les ponctuations oratoires ne sont pas la propriété exclusive des solistes. Dans les orchestres aussi, jusqu’au début du xixe siècle, il était d’usage de s’écarter de la partition. Les souvenirs de Ludwig Spohr contiennent une anecdote significative. Alors qu’il séjourne à Rome en 1816, le compositeur allemand est frappé de l’indiscipline des instrumentistes italiens :
« L’orchestre, qui rassemblait quelques-uns des meilleurs musiciens de Rome (hommes qui regardent avec mépris les instrumentistes des théâtres), était néanmoins le pire de tous ceux qui m’ont accompagné jusqu’ici en Italie. L’ignorance, le manque de goût et l’arrogance stupide de ces gens est au-delà de toute description. Les nuances de piano et de forte leur sont inconnues, ce qui pourrait encore aller, mais chacun orne sa partie comme il lui plaît, avec des diminutions sur presque chaque note, au point qu’ils sonnent plus comme un orchestre se chauffant et s’accordant que comme un orchestre faisant de la musique. Bien sûr, je leur ai à maintes reprises interdit de jouer aucune note qui ne soit écrite dans les parties, mais l’ornementation est à tel point devenue une seconde nature pour eux qu’ils ne peuvent s’arrêter. Le premier cor en si, dans un passage en tutti, joue au lieu de la simple cadence : ce qui suit :
tandis que le clarinettiste joue au même moment quelque chose de ce genre : à la place de :
et maintenant, ajoutons à cela la figuration dans la partie de violon qui a été écrite par le compositeur, et on aura une idée de l’affreux vacarme que cet orchestre fait passer pour de la musique. »19
Un orchestre est alors conçu comme une réunion de gens de bonne compagnie conversant avec plus ou moins d’ensemble et qui n’accepteront pas l’anonymat et l’uniformité du jeu avant plusieurs décennies20. Pour ces musiciens rompus à la prise de parole publique, les cahiers posés sur les pupitres ne sont que la trame du discours organisé par le compositeur mais laissé inachevé. Ce dernier ne prend généralement pas la peine de noter les grands piliers de la performance éloquente – exorde, transitions, péroraison. Pour ces instants où l’orateur s’adresse directement à son public, il existe un ensemble de conventions que quelques traités apprennent à maîtriser (l’un des plus complets est celui publié par Carl Czerny en 183021). Les cadences des concertos, beaucoup étudiées par les musicologues22, sont un des aspects les plus spectaculaires de l’improvisation oratoire mais l’entrée en matière n’est pas moins digne d’intérêt.
Il fut, en effet, longtemps impensable de commencer un morceau musical sans poser quelques accords qui étaient parfois agrandis en une véritable pièce introductive23. On retrouve des modèles pour ces moments improvisés dans les ouvrages pédagogiques ou dans des recueils qui se multiplient dès le premier tiers du xixe siècle à l’heure où nombre d’amateurs désirent pouvoir se produire en public sans avoir eu le temps de s’initier à toutes les arcanes de la rhétorique musicale24. Que ce soit dans le volume de préludes du violoncelliste Félix Battanchon ou dans celui conçu pour les pianistes par Henri Herz, que la pièce soit brève ou développée en alternant formules toutes faites et passages composés, ces morceaux remplissent au moins deux fonctions : ils servent au musicien à « préparer l’auditeur, et en même tems à s’assurer des qualités de l’instrument, qui, la plupart du tems lui est étranger. »25
Félix Battanchon, 25 Préludes dédiés aux Artistes op. 10, Leipzig, Friedrich Hofmeister, 1906 [ca 1858 pour la 1re éd.], p. 14 (Bibliothèque du Conservatoire de Musique de Genève).
Henri Herz, Collection d’Exercices, Passages, Préludes, Sonates, Rondos, Variations, et autres Morceaux d’une difficulté progressive pour le Piano Forte à l’usage des Élèves qui désirent faire des progrès rapides par Henri Herz Jne, Paris, Maurice Schlesinger, [1823], p. 16 (Bibliothèque du Conservatoire de Musique de Genève).
Frédéric Kalkbrenner, « Preludio 20 », Vingt-quatre Préludes pour le Piano Forte dans tous les Tons majeurs et mineurs pouvant servir d’Exemple pour apprendre à préluder Dédiés à Mademoiselle Clotilde de Courbone par F. Kalkbrenner Op. 88, Milan, François Lucca, [ca 1827], livre 2, pp. 16-17 (Bibliothèque du Conservatoire de Musique de Genève).
Frédéric Kalkbrenner, « Preludio 20 », Vingt-quatre Préludes pour le Piano Forte dans tous les Tons majeurs et mineurs pouvant servir d’Exemple pour apprendre à préluder Dédiés à Mademoiselle Clotilde de Courbone par F. Kalkbrenner Op. 88, Milan, François Lucca, [ca 1827], livre 2, pp. 16-17 (Bibliothèque du Conservatoire de Musique de Genève).
La frontière entre improvisation et composition est alors ténue, toute musique, même celle qu’on n’a pas conçue soi-même, appelant l’intervention directe de l’exécutant pendant la performance. Tard dans le siècle, le pianiste et compositeur Louis Lacombe écrit à son éditeur : « J’ai joué et je joue encore dans les salons la Mazurka en si bémol majeur, de Chopin, avec certains traits que j’ajoute pour ne pas répéter les reprises de la même manière. Vous serait-il agréable de graver cette bluette avec ces petits changements dont l’effet a toujours été bon ? Dans l’affirmative, jetez-moi un mot à la poste, et vous aurez un de ces petits ornements, points d’orgue, et avant la fin de la semaine. »26
Comprendre la nature de l’exécution musicale à cette époque suppose donc de se méfier de l’évidence : en dépit de la précision de la notation en usage au xixe siècle, la musique réelle est en grande partie invisible dans les partitions manuscrites ou éditées. C’est particulièrement frappant dans les dernières pages du célèbre Traité complet de l’art du chant de Manuel Garcia fils, où le pédagogue propose plusieurs airs d’opéra dans une présentation originale puisqu’elle superpose la notation courante et ce que l’on entendait réellement sur les théâtres. Les ajouts ne sont pas seulement des embellissements musicaux : toutes les passions du personnage, en l’occurrence le Paolino d’Il matrimonio segreto de Cimarosa, sont insufflées par le chanteur entre les notes écrites27.
Manuel Garcia fils, École de Garcia. Traité complet de l’art du chant en deux parties. Seconde partie, Paris, chez l’auteur / Troupenas, 1847, p. 89 (Bibliothèque du Conservatoire de Musique de Genève).
L’écart entre la musique imprimée (un squelette mélodico-harmonique) et la densité des ornements, diminutions et autres effets est saisissant. Il permet de mesurer le rôle écrasant joué par l’exécutant au moment de donner une consistance sonore au texte.
Au fil des témoignages, nous avons peu à peu précisé ce que recouvre la notion d’exécution. Elle dérive avant tout d’une définition de la musique comme un discours, soumis à des règles bien connues pour les musiques anciennes28 mais dont on réalise mieux aujourd’hui qu’elles se sont perpétuées tard dans le xixe siècle29.
En second lieu, l’exécution suppose une inversion du modèle actuellement en vigueur où l’acte créateur ordonne l’ensemble de l’économie de la pratique30. À l’époque que nous venons d’évoquer, composer se confond avec le fait de jouer ou de chanter. Alors que le droit d’auteur commence à peine à s’imposer, le texte musical est encore instable et fait l’objet d’interventions permanentes de toutes sortes de personnes : auteur, exécutant, éditeur, organisateur de concert ou directeur de théâtre, public, etc.31
Troisième point : la fonction d’une édition musicale n’était en rien comparable à ce que nous connaissons aujourd’hui. Jusqu’au milieu du xixe siècle, éditer une pièce, c’était détacher du corps éloquent la mémoire compositionnelle en la confiant à des signes qui ne conservaient d’ailleurs que le canevas de la prestation sonore originelle – c’était net dans les exemples pris chez Liszt et chez Lacombe. À cette époque, la lecture consistait moins à découvrir une œuvre inédite qu’à revivifier des lieux communs instrumentaux et vocaux mémorisés par le musicien.
Dans cet univers musical disparu, l’exécutant ne joue pas devant un public entièrement absorbé dans une écoute silencieuse. L’audition à l’ancienne manière est, au contraire, discontinue. Le concert ou l’opéra sont encore indissociables d’activités sociales non artistiques. La principale d’entre elles – la conversation – n’est d’ailleurs pas très éloignée de la conception de l’exécution instrumentale ou vocale en vigueur jusqu’au milieu du xixe siècle. Dans cet imbroglio des discours, la relation entre le musicien et ses auditeurs est un souci de chaque instant : on a vu que le soliste mettait toutes ses forces dans la disposition des artifices oratoires et qu’il ajustait en permanence sa prestation aux réactions d’une salle qui goûtait particulièrement les effets de manche.
Précisons enfin que la vieille conception de l’exécution met plusieurs décennies avant de disparaître totalement. Dans le dictionnaire de Charles Soullier,par exemple, qui paraît en 1855, on ne trouve pas une occurrence des mots interprétation ou interprète. La notice « exécution » ne fait par ailleurs aucune allusion directe au texte écrit ou à la pensée du compositeur et insiste plutôt sur ce qui se joue dans une situation donnée :
« Exécution, s. f. – Action du musicien exécutant qui joue ou chante sa partie, au théâtre, dans un salon ou dans un concert ; on dit qu’une composition musicale est bien ou mal exécutée, selon que les artistes symphonistes, harmonistes ou chanteurs exécutants, y ont plus ou moins bien rempli leur tâche, c’est-à-dire plus ou moins bien joué ou chanté individuellement leur partie. L’effet que peut produire un [sic] œuvre de musique dépend principalement de sa bonne exécution, et sa bonne exécution dépend de son ensemble. La précision, l’expression du sentiment et la fidèle observation du rhythme et de la mesure, sont les trois conditions principales qui constituent les bonnes exécutions. »32
Dès les années 1820, étaient apparues les prémices du nouveau régime du jeu musical. L’éminent critique Castil-Blaze écrivait dans son Dictionnaire de musique moderne : « Exécuter, v. a. Exécuter une pièce de musique, c’est chanter et jouer toutes les parties qu’elle contient, tant vocales qu’instrumentales, dans l’ensemble qu’elles doivent avoir, et la rendre telle qu’elle est notée sur la partition. »33 La condition impérative du respect du texte allait de pair avec une méfiance systématique envers le medium humain soupçonné de trahir les intentions des créateurs : « Si le compositeur est à la merci de l’ignorance des exécutans, ou de leur malveillance, il y est aussi de leur faux savoir et de leur faux goût. Ce qu’ils ajouteraient à ce qu’il a fait serait quelquefois plus pernicieux que ce qu’ils y pourraient omettre. »34 À ce moment, Castil-Blaze est un des rares à formuler ce type de préoccupations, qui émergent surtout chez les musiciens de métier et dans les milieux d’amateurs où la musique de Beethoven est en passe d’être acclimatée (à Paris la Société des Concerts du Conservatoire, les sociétés de musique de chambre, etc.)35.
Lorsque l’œuvre devint une partition
Dans la presse européenne, on perçoit l’émergence dès les années 1830-1840 de nouvelles manières d’écouter la musique et de la jouer. Un compositeur suscite initiatives, commentaires et pratiques inédites : Ludwig van Beethoven, dont les symphonies, les quatuors et les sonates demandent aux exécutants et aux auditeurs un effort inaccoutumé36. La discussion mondaine sur le plaisir immédiat apporté par les morceaux exécutés s’avère insuffisante. L’appréhension de certaines pièces de Beethoven demande un important travail en amont du concert, une attention soutenue pendant l’écoute et des manières inédites de formuler ses impressions à la sortie de la salle.
À Londres, où on a pris l’habitude de longue date d’exhumer des partitions anciennes37, la notion d’interprétation s’est assez vite imposée. Les échos de ces nouvelles manières de concevoir le concert parviennent jusqu’en France. En 1837, la Revue et Gazette musicale de Paris publie un compte rendu racontant une série de trois concerts récemment donnés par Moschelès. Passons sur la nouveauté de la forme du récital, pour nous arrêter sur la façon dont le correspondant décrit le programme composé d’« œuvres vénérables à tant de titres différents, écrites pour des instruments à clavier par les Hændel, les Bach, les Scarlatti, les Mozart, les Beethoven et les Weber. Moscheles, qui s’était chargé d’être leur interprète à tous, s’est montré plus divers encore qu’on ne peut l’imaginer, non seulement dans la traduction de maîtres séparés les uns des autres par un intervalle séculaire, mais encore dans l’exécution des ouvrages du même musicien. »38 Plus loin encore, il est question de « la reproduction des leçons de Scarlatti » sur un clavecin, « l’instrument même pour lequel elles furent écrites ».
Tout le problème de l’interprétation moderne est contenu dans ces observations : un corpus de textes amené à être infiniment fréquenté (les classiques) ; des textes sacralisés (« œuvres vénérables ») pris en charge par un musicien spécialisé dans l’exégèse des partitions (un « interprète »), tantôt « traduisant » les maîtres, tantôt les « reproduisant », dans tous les cas s’effaçant derrière les génies défunts ; enfin une démarche aux présupposés historiques qui n’applique pas à chaque pièce le goût contemporain mais respecte les caractéristiques de chaque auteur, fût-il très éloigné dans le temps.
Cette nouvelle façon de considérer les œuvres, qui se généralisera avec la diffusion des opéras d’Eugène Scribe et Giacomo Meyerbeer puis avec l’engouement pour les drames de Richard Wagner39, place la partition au cœur de la pratique des artistes comme des auditeurs40. La technique d’intelligence des textes musicaux qui s’échafaude dès le premier tiers du xixe siècle relève d’une discipline alors en plein essor : l’herméneutique, science de l’interprétation des textes sacrés et bientôt par extension des textes tout court41. Le dictionnaire de Littré détaille cinq acceptions du terme interprétation :
« Interprétations. f.
1.Traduction d’une langue en une autre.
2.Explication de ce qu’il y a d’obscur ou d’ambigu en un texte.
3.Explication, par une induction positive, de certaines choses.
4.Action de prendre en bonne ou mauvaise part des paroles, des actes, etc.
5.Terme de rhétorique. Sorte de répétition nommée autrement synonymie, figure analogue à l’insistance. »42
L’interprète est celui qui amène à la lumière le sens enfoui du texte. Face aux mystères des œuvres des créateurs les plus exigeants, les musiciens sont mis en demeure de traduire, d’expliquer, de lever toute ambiguïté. Certains corpus posent des défis aux plus valeureux de ces croisés de la signification. Les neuf symphonies de Beethoven, ses derniers quatuors ou ses trente-deux sonates sont le sommet à gravir pour tout exégète digne de ce nom. Les Leçons écrites sur les sonates pour piano seul de L. van Beethoven de Thérèse Wartel (1865) constituent à ce titre un tournant, bien au-delà du monde pianistique43.
L’injonction herméneutique pouvait attiser la crainte d’un anéantissement des individualités musiciennes éclipsées par les auteurs dont elles devaient célébrer le culte. Dans son Avant-propos, Wartel prend soin d’expliquer que son entreprise n’aura pas pour résultat de « comprimer [l]a personnalité » de l’élève mais de l’éveiller44 ou encore que « la meilleure des leçons est celle qui apprend l’élève à penser lui-même. »45 Ne nous y trompons pas néanmoins, tout a désormais changé. L’opuscule de Wartel ne ressemble pas à l’une de ces innombrables méthodes parues depuis la fin du xviiie siècle. Elle porte non pas sur le mécanisme instrumental (il n’est mentionné qu’allusivement dans l’avant-propos) mais sur une collection d’œuvres qu’il s’agit de comprendre avant de les jouer. Partant, ce corpus clos est abordé dans une perspective affichée dès les premiers mots du livre : « Nous vivons dans un siècle éminemment analytique. »46
Le temps du divertissement est effectivement révolu : Wartel ne conçoit l’apprentissage du piano ou la vie d’amateur que comme un labeur perpétuel pour se hisser à la hauteur des chefs-d’œuvre. Dans le manuel de 1865, toute l’entreprise analytique est tournée vers la pensée de Beethoven que Wartel suivra à travers ses trois époques créatrices, « aidée pour cela d’un long séjour en Allemagne, durant lequel nous avons, pour ainsi dire, vécu familièrement avec son souvenir. »47 Cependant, la pianiste attribue une fonction à l’interprète qui est encore loin de l’humilité absolue qui sera la norme à la fin du siècle :
« Il est difficile aujourd’hui, bien que nous en croyions en France, de retrouver les traditions du maître, pour ce qui est des intentions et des mouvements : chacun dit avoir les vraies, et toutes sont contradictoires.
Mais il est un fait qui renferme tout :
Ce vaste génie aimait laisser faire à l’exécutant. Il comprenait la place que devait tenir sa propre création.
Il n’aimait pas les signes marqués, qu’il trouvait vagues et insuffisants, et avait les chiffres du métronome en horreur (Lenz, Schindler, tous l’affirment).
Celui qui comprend, disait-il, n’en a pas besoin ; celui qui ne comprend pas, n’apprend rien par là. »48
Pour quelques temps encore, l’interprète est un collaborateur actif du compositeur. Du moins Wartel se présente-t-elle en bras armé de l’auteur, dégageant sans relâche les textes de la gangue des commentaires abusifs, ces « explications mélodramatiques, – traduisant des pensées musicales par des mots, amoindrissant si bien [l’œuvre instrumentale], qu’à force d’être éclaircie il n’en rest[e] plus rien »49. Dans les analyses proposées par Wartel, les questions formelles occupent une place centrale, descriptions objectives censées se substituer aux phraséologies inutiles qui proliféraient depuis quelques années50.
Ouvrons le livre de Wartel au chapitre consacré à la Sonate op. 27 no 2.
Thérèse Wartel, Leçons écrites sur les sonates pour piano seul de L. van Beethoven par Madame Th. Wartel, Paris, E. et A. Girod, 1865, pp. 80-81 (Bibliothèque du Conservatoire de Musique de Genève).
C’est la structure de la pièce qui détermine l’explication et sur laquelle repose la clarification des intentions du maître. Dans la compétition exégétique que se livrent critiques, compositeurs, interprètes et amateurs, Wartel défend avec ardeur la position des techniciens du clavier. Tout le travail du pianiste consiste à faire entendre à ses auditeurs les rouages de la composition, autrement dit la pensée de Beethoven à l’œuvre : les variations de modes de jeu accompagnent le déroulement des diverses reprises, telle intention doit souligner la rentrée du thème ou permettre de distinguer l’intermède du morceau principal. Pour aider à l’approfondissement de la signification de la sonate, Wartel cite autant qu’elle le peut l’auteur lui-même : « Beethoven a dit à propos de ces deux sonates fantaisies, que celui qui veut en comprendre le sens, doit lire le Songe d’une nuit d’été, de Shakspeare [sic]. »51
Le sillon tracé par Thérèse Wartel fructifia au-delà de ses espérances. Dès le début du xxe siècle, il n’était pas un musicien de renom qui ne publiât des conseils d’interprétation. Raoul Pugno, Édouard Risler, Blanche Selva, Alfred Cortot, plus tard Marguerite Long ou Claude Helffer divulguaient analyse, conseils techniques voire confidences d’artistes expérimentés. La plupart annotaient des chefs-d’œuvre classiques, forts de l’expérience acquise sur scène pendant des années ou du savoir-faire forgé en enseignant leur art. Ainsi, se multiplièrent pour le quotidien du travail instrumental, des prothèses toujours plus sophistiquées.
La série conçue par Georges Sporck est emblématique de la littérature d’encadrement des travailleurs de l’interprétation.
Ludwig van Beethoven, Édition moderne des classiques. Sonate op. 27 no 2 pour piano. L. van Beethoven analysée par Georges Sporck (Toutes les annotations et explications adjointes au texte musical constituent la propriété exclusive de l’auteur) Toute imitation ou contrefaçon sera rigoureusement poursuivie, Paris, Georges Sporck, 1908, p. i et p. 14 (Bibliothèque du Conservatoire de Musique de Genève).
Ludwig van Beethoven, Édition moderne des classiques. Sonate op. 27 no 2 pour piano. L. van Beethoven analysée par Georges Sporck (Toutes les annotations et explications adjointes au texte musical constituent la propriété exclusive de l’auteur) Toute imitation ou contrefaçon sera rigoureusement poursuivie, Paris, Georges Sporck, 1908, p. i et p. 14 (Bibliothèque du Conservatoire de Musique de Genève).
La forme des objets imprimés implique leur mode de lecture : l’éditeur a conçu deux cahiers qui peuvent être placés côte à côte sur le pupitre ou à la table pour une lecture parallèle. Dans le premier, le texte du commentaire contient des informations sur l’histoire de l’œuvre, une foule d’indications sur la manière de réaliser le texte musical, des remarques analytiques et des exemples notés. Dans le second, la partition est lourdement annotée entre les portées où Sporck détaille chaque épisode de la construction formelle et dans les marges où les phrases de l’exégète insérées dans le texte de Beethoven sont elles-mêmes glosées. La profusion des commentaires est symptomatique de la posture herméneutique. Il n’est plus une mesure, plus une note qui ne provoque un éclaircissement. L’œuvre musicale n’est désormais qu’un tissu sémantique aux mailles serrées.
Dans une autre de ces « éditions de travail » (l’expression avait été imaginée par Alfred Cortot pour intituler une célèbre série de classiques commentés), l’obsession de l’exactitude notée porte jusqu’à la pédale – et pas seulement pour des raisons pédagogiques.
Frédéric Chopin, 24 Préludes. Œuvres classiques pour piano revues et doigtées par Benjamin Cesi – Sigismond Cesi – Luca Fumagalli – Alexandre Longo – Ernest Marciano – Bruno Mugellini. Édition française revue par I. Philipp, Professeur au Conservatoire National de Musique. Préface de Gabriel Fauré, Directeur du Conservatoire National de Musique. Compositions de F. F. Chopin revues par Benjamin Cesi, Paris, Société anonyme des Éditions Ricordi, [ca 1910], p. 3 (collection particulière).
Les 24 Préludes de Chopin sont systématiquement auscultés et annotés par le pianiste et pédagogue italien Beniamino Cesi. Pour l’édition française, une préface d’Isidor Philipp (l’un des principaux maîtres parisiens du piano) complète les suggestions à l’attention des interprètes par une notice historique et par une collecte méthodique des témoignages d’artistes (Heller, Moschelès, Sand, Liszt, Rubinstein ou Mathias) s’étant exprimés sur la signification des préludes.
Autour de l’œuvre de Chopin, se dessine tout un cortège d’exégètes : Cesi, Philipp mais aussi plusieurs générations de pianistes, contemporains ou élèves d’élèves qui apportent les uns après les autres leur pierre au débat sur le véritable sens de la musique de Chopin et sur la manière de la faire comprendre aux auditeurs modernes. Au tournant du siècle, les communautés de commentateurs développent des arènes spécifiques : éditions annotées, on vient de le voir, concerts-conférences ou ce qu’on appellera les classes de maître52. Dans la presse ou sous forme de livres, les leçons d’interprétation se multiplient pendant l’entre-deux-guerres :
Étienne Royer, « Sur l’interprétation », Le Courrier musical, 15 avril 1922, pp. 133-134.
Yvonne Lefébure, « La pédagogie de l’interprétation », Le Monde musical, 31 juillet 1926, pp. 267-268.
Édouard Risler, « L’interprétation de la “Sonate Appassionata” », Le Courrier musical, 1er février 1927, pp. 58-59.
« Opinions de virtuoses sur l’interprétation », Le Courrier musical, 15 novembre 1927, pp. 549-553.
Marcel Reynal, « Comment on travaille et fait travailler un quatuor à cordes », Le Courrier musical, 15 mars 1929, p. 183.
Alfred Cortot, Cours d’interprétation recueilli et rédigé par Jeanne Thieffry, Paris, Librairie musicale Legouix, 1934.
Roger Hauterive, « De l’interprétation pianistique », Le Ménestrel, 12 janvier 1934, pp. 9-11, et 19 janvier 1934, pp. 17-19.
Alfred Cortot, « Attitude de l’interprète », La Revue internationale de musique, avril 1939, pp. 885-888.
Dans le courant du xxe siècle, on assiste à une véritable division du travail éducatif avec l’impression d’objets éditoriaux de plus en plus spécialisés. Aux partitions commentées, s’ajoute toute une littérature analytique aux formes variées. En 1958, Amy Dommel-Diény (professeur d’harmonie et de contrepoint à la Schola Cantorum à Paris et au Conservatoire de Strasbourg) publie un guide conduisant le musicien « de l’analyse harmonique à l’interprétation »53.
Amy Dommel-Diény, De l’analyse harmonique à l’interprétation. Avant-propos de Marc Pincherle, Neuchâtel, Delachaux & Nestlé S. A., 1958, pp. 66-67 (collection particulière).
L’ouvrage ne s’adresse pas particulièrement aux pianistes mais à tout musicien soucieux d’appréhender correctement la langue et le style des classiques – écho du manuel de Jacques Chailley paru quelques années auparavant54. Dans l’Avant-propos, Marc Pincherle éclaire les intentions de l’auteur : « L’analyse, ici, n’est pas une fin en soi, mais un moyen d’approcher la pensée du compositeur, une étude préalable à l’interprétation de sa musique, une base de départ pour d’éventuelles créations originales. »55 Quant à Dommel-Diény elle-même, elle prend soin de préciser que son volume se propose de donner les outils d’une « compréhension approfondie des œuvres, dessein élémentaire de tout interprète authentique. »56
La rhétorique est définitivement enterrée : l’heure est à la linguistique (qu’elle soit ou non structurale) et à l’herméneutique. Dommel-Diény cite Wilhelm Furtwängler parlant de l’œuvre comme d’une « chose notée – signes fixes et forme immuable – dont il faut après coup déchiffrer le sens et deviner l’énigme, afin de pénétrer jusqu’à l’œuvre elle-même, qu’il s’agit ensuite de faire revivre. »57 L’analyse harmonique est dès lors l’affaire de tous.
L’analyse formelle l’était déjà depuis plus d’un siècle. Dès les années 1830, elle avait envahi les comptes rendus de concert et finit par prospérer en brochures dans les dernières années du siècle : les guides d’écoute58. Lorsqu’il organise des concerts à Paris à la fin du siècle dans la salle qu’il venait de faire bâtir (1892-1896), Eugène d’Harcourt accompagne ces manifestations d’une série de publications consacrées aux symphonies de Beethoven à l’affiche pendant plusieurs semaines. Le texte fournit des repères notés et découpe le continnum musical afin de donner aux auditeurs le plus de prises auditives possibles.
Eugène d’Harcourt, Concerts d’Harcourt. Aperçu analytique de la Cinquième Symphonie de Beethoven par Eugène d’Harcourt, Paris, Librairie Fischbacher, [1898], pp. 5-6 (Bibliothèque du Conservatoire de Musique de Genève).
Eugène d’Harcourt, Concerts d’Harcourt. Aperçu analytique de la Cinquième Symphonie de Beethoven par Eugène d’Harcourt, Paris, Librairie Fischbacher, [1898], pp. 5-6 (Bibliothèque du Conservatoire de Musique de Genève).
L’analyse s’adresse autant au spectateur qu’au chef d’orchestre ou aux instrumentistes. Tous se retrouvent autour de l’idée qu’une expérience musicale est avant tout affaire d’intelligibilité d’un texte.
On retrouve cette conception de l’audition de la musique comme un acte de lecture dans toutes sortes de témoignages. Lors de la création à Bruxelles du Prophète de Scribe et Meyerbeer en 1850, un critique belge déplore des approximations dans l’exécution et regrette que le chef d’orchestre Hanssens n’ait pas consulté ses confrères parisiens pour recueillir leurs avis sur la nouvelle œuvre pour tâcher « de se bien pénétrer de la pensée du compositeur. »59 Le journaliste déplore que le musicien ne s’en soit malheureusement remis qu’à lui-même : « Nous en avions la conviction vendredi [au moment de la représentation] ; aujourd’hui que nous avons eu recours à la partition elle-même, qu’un habile pianiste de nos amis a bien voulu la feuilleter avec nous, nous en avons la certitude. »60 Une fois encore, la discussion critique des pièces musicales se déroule en dernière instance autour de la partition. Les spectateurs se transforment alors en arbitres, fort d’une expertise technique n’ayant plus rien à voir avec l’universel savoir de l’honnête homme qui avait caractérisé des générations d’amateurs.
Dans ses souvenirs, l’organiste Marcel Dupré raconte une anecdote survenue lors de la béatification de Thérèse de Lisieux dans la cathédrale de la ville le 8 août 1923 :
« Au cours de vêpres, le Cardinal Touchet, Évêque d’Orléans, monta en chaire. Il parlait depuis quelques minutes lorsque l’on entendit comme un battement d’ailes qui remplissait l’église. C’étaient trois mille personnes tournant une page en même temps. Le discours, imprimé, avait été distribué avant la cérémonie. Le Cardinal, jugeant, à juste titre, ce contrôle de mémoire déplaisant (j’en avais fait l’expérience au cours de mes récitals Bach, pendant lesquels j’entendais tourner les pages des partitions), changea un mot, puis une phrase et, finalement, retourna le plan de son magnifique panégyrique.
Le soir, au dîner qui eut lieu à l’évêché, le Cardinal Touchet, évoquant cet incident, nous fit part de la sensation désagréable qu’il avait éprouvée. »61
Le disque ne fera que conforter le principe d’une écoute instrumentée. La littérature d’accompagnement du son enregistré ou radiodiffusé qui voit le jour dans le premier tiers duxxe siècle culmine dans les années 1950 lorsque la démocratisation de la radio, la large diffusion de l’enregistrement phonographique et la multiplication des concerts éducatifs fait entrevoir la possibilité à court terme d’une éducation de masse du public62 :
André Cœuroy, Histoire de la musique avec l’aide du disque suivie de trois commentaires de disques avec exemples musicaux, Paris, Delagrave, 1931.
L’Initiation à la musique à l’usage des amateurs de musique et de radio comportant un Précis d’histoire de la musique, suivi d’un Dictionnaire des œuvres, d’un Lexique des termes et de Chapitres variés dus à la collaboration de Maurice Emmanuel, Reynaldo Hahn, Paul Landormy, Georges Chepfer, Hugues Panassié, Émile Vuillermoz, Dominique Sordet, Maurice Yvain…, Paris, Éditions du Tambourinaire, 1935.
Marcel Sénéchaud, Concerts symphoniques. Symphonies, oratorios, suites, concertos et poèmes symphoniques. Guide à l’usage des amateurs de musique, de disques et de radio..., Lausanne, Marguerat, 1947.
Claude Rostand, Petit guide de l’auditeur de musique. Les chefs-d’œuvre du piano par Claude Rostand. Avant-propos d’Alfred Cortot, Paris, Éditions Le Bon plaisir, 1950.
André Cœuroy et Claude Rostand, Petit guide de l’auditeur de musique. Les chefs-d’œuvre de la musique de chambre, Paris, Éditions Le Bon plaisir / Plon, 1952.
Marcel Sénéchaud, Le Nouveau Répertoire lyrique. Opéra, opéra-comique, opérette. Guide des amateurs de théâtre, de musique, de disques et de radio. 2e édition entièrement refondue, Paris, Librairie théâtrale, 1952.
Georges Favre,Musiciens français modernes. Essai d’initiation par le disque, Paris, Durand, 1953.
Georges Favre, Musiciens français contemporains. Essai d’initiation par le disque. Deuxième livre, Paris, Durand, 1956.
Que le medium soit sonore ne doit pas faire illusion. C’est bien l’œuvre-texte que les auteurs de ces guides cherchent à faire entendre aux amateurs. Animés par l’idée que l’écoute ne doit pas être déviante (on ne saurait entendre de travers un chef-d’œuvre dans lequel on voit la manifestation de la puissance sacrée du génie), les auteurs de manuels transmettent pas à pas le sens de chaque pièce. L’analyse musicale dès lors est un instrument de vérité. Il s’agit de lever toute équivoque sur la partition – l’une des définitions du Littré parlait de l’interprétation comme d’une « explication de ce qu’il y a d’obscur ou d’ambigu en un texte ».
La réussite des opérations herméneutiques garantit à l’auditeur de sortir de l’expérience artistique moralement grandi. D’où l’importance d’une initiation dès le plus jeune âge.Les Jeunesses musicales de France initiées dès 1942 par René Nicoly63 ne furent pas les seules à sensibiliser des milliers d’amateurs à la pratique de la musique savante en leur proposant des conférences ou des modes d’emploi imprimés. Dès 1928, l’Union française des œuvres laïques d’éducation artistique s’était dotée d’un bulletin lu par « cette phalange d’éducateurs groupés au sein de la Ligue française de l’enseignement, et qui, plus nombreux et plus enthousiastes chaque jour, se sont assigné la mission de faire connaître à leurs élèves, à leurs anciens élèves, aux amis de leur école, les trésors de la musique. »64
En 1952, Jean Ruault, professeur d’éducation musicale aux écoles de la Ville de Paris et à l’École normale d’instituteurs de la Seine, réunit en un livre les commentaires primitivement conçus pour le périodique de liaison de l’UFOLEA. Le manuel s’appuie sur 56 disques contenant l’essentiel du répertoire musical courant classé de façon progressive.Les pages dédiées à la Danse macabre de Camille Saint-Saëns sont exemplaires de la conception cursive des analyses de ce genre.
Jean Ruault, « Danse macabre de Saint-Saëns », Commentaires d’œuvres musicales. Premier cycle d’initiation à la musique (56 Disques). Suivi d’une méthode d’enseignement musical sur les thèmes des œuvres commentées. Préface de Jean Binot, Paris, Éditions Bourrelier, 1952, pp. 31-33 (collection particulière).
Jean Ruault, « Danse macabre de Saint-Saëns », Commentaires d’œuvres musicales. Premier cycle d’initiation à la musique (56 Disques). Suivi d’une méthode d’enseignement musical sur les thèmes des œuvres commentées. Préface de Jean Binot, Paris, Éditions Bourrelier, 1952, pp. 31-33 (collection particulière).
Jean Ruault, « Danse macabre de Saint-Saëns », Commentaires d’œuvres musicales. Premier cycle d’initiation à la musique (56 Disques). Suivi d’une méthode d’enseignement musical sur les thèmes des œuvres commentées. Préface de Jean Binot, Paris, Éditions Bourrelier, 1952, pp. 31-33 (collection particulière).
C’est le disque Gramophone DB 3077 qui sert de fil directeur au commentaire, Ruault renvoyant avec précision au minutage à chaque fois qu’il isole un événement musical. À l’évidence, il s’agit de meubler la mémoire du novice (« Retenez bien ces deux thèmes ») à coup d’extraits notés et de passages enregistrés dont l’audition est répétée (l’auteur explique comment répartir les trois écoutes nécessaires pour assimiler chaque œuvre au sein de trois journées de travail scolaire65).
Le soubassement de la forme moderne de l’alphabétisation musicale auquel travaillent pédagogues, artistes et amateurs est l’évolution de l’enseignement du solfège. La discipline connaît un développement phénoménal au xixe siècle et se distingue rapidement de l’exercice pour chanteur – les airs des solfeggi italiens de la deuxième moitié du xviiie siècle ayant constitué les modèles du genre66. Peu de temps après sa fondation en 1795, le Conservatoire de Paris donne à la maîtrise de la lecture virtuose une importance considérable. Les classes de solfège seront obligatoires pour tout musicien désireux d’apprendre un instrument. En un siècle, le solfège aura achevé de se vider de sa dimension musicale et aura engendré des virtuoses scolaires qui brilleront dans les concours67.
Les éditeurs imaginent alors des panoplies complètes de manuels apprenant à lire dans toutes les clefs, à démêler les plus invraisemblables combinaisons rythmiques, à prononcer le nom des notes le plus rapidement possible, à déchiffrer les écritures les moins lisibles, à prendre en dictée les phrases les plus alambiquées, à chanter jusqu’au bout des leçons bourrées de chausse-trappes, etc. Ces encyclopédies de la gymnastique solfégique sont évidemment les pendants des études de virtuosité instrumentale qui font la fortune des maisons d’édition.
Les pédagogues débordent alors d’imagination pour plier les jeunes et les moins jeunes à la discipline de fer de la lecture rigoureuse.
Hortense Parent, Lecture des notes dans toutes les clés. Méthode fondée sur la mémoire des yeux en Trois Parties par H. Parent Fondatrice-directrice de l’École préparatoire au professorat du piano, Officier de l’Instruction publique, Paris, J. Hamelle et Henri Thauvin, [1890], couverture et p. 46 (Bibliothèque du Conservatoire de Musique de Genève).
Hortense Parent, Lecture des notes dans toutes les clés. Méthode fondée sur la mémoire des yeux en Trois Parties par H. Parent Fondatrice-directrice de l’École préparatoire au professorat du piano, Officier de l’Instruction publique, Paris, J. Hamelle et Henri Thauvin, [1890], couverture et p. 46 (Bibliothèque du Conservatoire de Musique de Genève).
L’attention quasi obsessionnelle portée à cette dernière est le terreau sur lequel peuvent ensuite se construire toutes les pratiques de la rectitude textuelle qui sont au fondement des techniques d’interprétation musicale68. Cette éthique du texte inculquée dès les premiers temps de l’apprentissage est répétée tout au long de la vie. Le premier des conseils donnés en 1899 par Saint-Saëns à un pianiste est qu’« on doit tendre à interpréter la musique le plus exactement possible, sans rien omettre des indications écrites par l’auteur. »69
L’enfer du texte
Dans cet enfer d’exactitude, les fausses notes devinrent intolérables. Elles avaient pourtant eu droit de cité pendant des siècles. Dans le fragment de l’Almanach musical pour l’année mil sept cent quatre-vingt-troisdéjà cité, le rédacteur parle des concertos joués par un jeune violoniste : « Les tours de force que M. Berthaume a faits sur le violon, & dont il n’est pas sorti avec le même bonheur, n’ont point diminué l’enthousiasme avec lequel le Public l’a accueilli toutes les fois qu’il s’est présenté à ses regards. »70 En d’autres termes, les erreurs et imperfections du jeu d’un exécutant ne sont pas un obstacle à son succès.
Cinquante ans plus tard, des voix commencent à s’élever pour désigner à la vindicte publique ceux qui négligent le respect pointilleux des signes notés. Dans le compte rendu d’un concert donné à Paris en 1830, François-Joseph Fétis explique que « l’absence de fautes matérielles » ne suffit pas à produire une bonne exécution, que l’oreille peut pardonner « quelques imperfections partielles » à un orchestre qui serait traversé par « l’esprit de la composition et la pensée de l’auteur », qu’aux concerts de l’École royale « quelques légères fautes individuelles n’y sont pas sans exemple ; mais à peine sont-elles remarquées par les musiciens les plus habiles, et le public ne les aperçoit pas », que « chaque année, ces fautes deviennent plus rares, parce que chacun devient plus attentif, et sent la nécessité de ne point porter atteinte à une réputation de supériorité justement acquise », que dans la symphonie en si bémol de Beethoven supérieurement exécutée au premier concert de l’année « quelques légères inadvertances avaient jeté des ombres sur certains passages », qu’au quatrième concert « la même symphonie a été dite de nouveau, et toutes les fautes avaient disparu pour faire place à l’exactitude la plus scrupuleuse », qu’il avait lui-même « signalé quelques hésitations nées de la rapidité du mouvement dans le morceau final [et qu’]on n’en a plus aperçu de traces dans le concert du 4 de ce mois. »71
Dans le texte du critique, la question de la faute est omniprésente et les reproches adressés aux exécutants couvrent un spectre très large, depuis l’erreur de lecture ou de jeu jusqu’à l’infidélité à l’esprit de l’œuvre. Le ton général demeure toutefois à l’indulgence. À la fin du siècle, la chasse à la fausse note est clairement ouverte tandis que les campagnes contre le vandalisme musical se multiplient72 et que les censeurs haussent le ton contre les barbares :
« La voix de Mme Miolan-Carvalho n’était point tout à fait assurée dans les récitatifs qui précèdent le grand air : O beau pays de la Touraine ! mais la cantatrice s’est vite remise et a égrené, à l’émerveillement général, le chapelet de ses plus audacieuses vocalises. Il nous semble même que ce chapelet s’est augmenté d’un long point d’orgue que Meyerbeer, s’il l’eût ouï aussi merveilleusement exécuté, n’aurait pas hésité à écrire dans sa partition, mais, enfin, qu’il a oublié d’y mettre.
Nous savons que les chanteurs ont le droit d’implanter ainsi quelques points d’orgue à certains endroits de leurs grands airs, mais nous serions heureux de ne point les voir user de ce droit dans un ouvrage tel que les Huguenots. »73
Comme souvent, les capitales mènent la danse et l’opprobre est jeté sur les artistes qui transportent sur les scènes nationales les – dorénavant – mauvaises habitudes persistant dans les villes de second rang. En 1871, les vieux gestes oratoires de Jean-Baptiste Faure sont sévèrement condamnés lorsqu’il chante sur la scène de l’Opéra de Paris la sacro-sainte partition de Don Juan. À propos de la sérénade, cheval de bataille de tous les barytons, Henri Chabrillat écrit : « Le seul reproche que je ferai à Faure, c’est de se croire obligé de sacrifier au gros du public en finissant sur un effet vocal qui sent sa province d’une lieue. Cette note est là, me dira-t-on, pour bien faire comprendre au spectateur que le morceau est fini et qu’il faut applaudir. Je le regrette ; la claque est là qui part à la réplique, et le vrai public, celui de qui un artiste de la valeur de M. Faure devrait se préoccuper avant tout, n’attend pas le moment indiqué par ce malencontreux fa dièze. »74
Alors que les gardiens du temple sermonnent les interprètes, les compositeurs affirment leur autorité par l’écriture et confient leurs intérêts aux plus zélés des truchements. En 1939, Marguerite Long publie les conseils que lui aurait confié Claude Debussy :
« Scrupuleux vis-à-vis des autres, il a voulu pour lui-même, pour l’exécution de ses œuvres, nous laisser les plus sûres et les plus précises indications, notant avec le soin le plus extrême la moindre nuance, le moindre accent. D’une intransigeance absolue, il se sentait incapable de supporter la plus légère altération de sa pensée, et Maurice Ravel, soucieux lui aussi du respect de ses intentions, me faisait souvent raconter un propos que Debussy m’avait tenu : un pianiste venu lui jouer quelques-unes de ses œuvres, prétendait à la liberté de ses interprétations. « Comment, s’écria le maître, dès qu’il me vit, il y a des gens pour faire de la musique, des gens pour l’éditer et ce monsieur pour faire ce qu’il veut ! » Il était furieux. C’est ce même sentiment qui lui fit autrefois opposer un refus formel à la proposition d’une artiste de « génie » pour chanter Mélisande, disant qu’une « interprète fidèle » lui suffisait. »75
Dans le même numéro de revue, le pianiste Lazare-Lévy décrie « la fièvre interprétative » qui saisit depuis quelques temps ses collègues. L’article est l’occasion pour lui de préciser la vieille dialectique de l’esprit et de la lettre :
« Tout vrai musicien sait fort bien que jouer exactement « ce qui est écrit » ne peut suffire à l’exprimer. Il sait qu’on ne respecte qu’imparfaitement la musique en se contentant d’une exécution simplement littérale. L’observation stricte des signes ne suffit pas. Mais les signes, pour imparfaits ou insuffisants qu’ils soient, doivent être scrupuleusement respectés puisque c’est à eux que l’auteur doit avoir recours pour communiquer sa pensée. Ces signes constituent donc les guides les plus sûrs, les plus autorisés, les seuls peut-être auxquels nous devons nous référer pour bien assimiler la pensée de celui qui en a fait usage. »76
Dans un univers où l’altération du texte musical est, plus qu’une bévue artistique, une faute morale, se développe l’idée ou plutôt le fantasme absolu d’une suppression du facteur humain afin de conserver toute sa pureté au face-à-face de l’auditeur et de l’œuvre du génie. On connaît les déclaration provocantes d’Igor Stravinsky77 à ce sujet mais un demi-siècle plus tôt l’idée traverse déjà certains esprits. En 1906, le critique Paul Locard écrit à propos des quatuors de Beethoven : « Peut-être faudrait-il les lire plutôt que de les écouter, tant il est à craindre que toute exécution ne les trahisse ; car jamais la pensée et l’expression ne se livrèrent un combat aussi rude. »78 Le comble de l’interprétation serait alors la lecture silencieuse, lorsque autour de pages inaltérées se rencontrent les esprits éthérés de l’initié et de l’auteur.
La chimère du texte pur en vient à affecter les interprètes eux-mêmes. Au début du siècle, Jules Combarieu raconte avoir visité Francis Planté au lendemain d’un concert (27 avril 1902). Le célèbre pianiste est surpris dans une étrange posture : « Je le trouve lisant, le crayon en main, le concerto de Bach qu’il a joué la veille devant un public enthousiaste ; et comme je m’étonne de ce travail : – J’étudie, me répond Planté, ce que j’ai joué hier. Le concert, c’est la dépense (sic) ; le recueillement après le concert, c’est le profit. Voilà un concerto que j’ai exécuté deux dimanches de suite ; j’ai conscience d’avoir fait des progrès dans l’intervalle. J’en cherche de nouveaux… »79 Nul besoin de repasser au clavier. L’approfondissement de l’œuvre peut avoir lieu à la table. Travailler, pour un interprète, c’est annoter un texte ou le macérer mentalement. Jeu d’esprit, une fois encore, qui semble faire l’économie de la matérialité du corps laborieux et suspend la possibilité même d’une fausse note.
Le modèle herméneutique que nous venons de décrire est la conséquence d’un coup de force des compositeurs qui réussirent en quelques décennies à s’élever au sommet de la hiérarchie musicale. Les effets de cette révolution furent profonds et durables. Une fois le créateur définitivement maître du jeu, l’exécutant (bientôt rebaptisé interprète) ne put conserver sa légitimité qu’en assimilant totalement les écritures sacrées. L’auditeur se mua en un être passif passant son temps à se disposer à recevoir la pensée de l’écrivain de musique.
Les conséquences furent mécaniques. L’autorité renforcée du créateur eut tendance à figer les conditions de la performance. L’évolution est particulièrement sensible dans le domaine de l’improvisation. On sait le scrupule que des musiciens comme Richard Strauss ou Giacomo Puccini mettront à noter les moindres détails de leur composition, enserrant les interprètes dans un étroit carcan de signes. Les chanteurs, longtemps réputés pour la liberté de leur parole, avaient progressivement été emprisonnés dans les détails des textes. Un des exemples les plus saisissants est la manière dont les traits (héritages de la vieille éloquence) furent peu à peu intégrés dans les compositions écrites. À la fin de sa carrière, Giuseppe Verdi finit par noter tout ce que le chanteur devait faire80. Pour les répertoires où les ornements étaient jadis laissés à la discrétion de l’artiste, on édita des aides à l’invention défaillante comme le célèbre recueil de Mathilde Marchesi.
Mathilde Marchesi, Variantes et points d’orgue composés pour les principaux airs du répertoire par Mathilde Marchesi pour les élèves de ses classes de chant, Paris, Heugel, 1900, pp. 54-55 (collection particulière).
La stricte séparation des tâches entre l’inventeur de musique (un compositeur de plus en plus rarement capable de se produire au concert) et le réalisateur des œuvres (un interprète oubliant de plus en plus ses antiques compétences oratoires) transforma la nature même du concert qui devint une séance de lecture collective et incita à l’abandon – du moins dans les milieux les plus radicaux – du spectacle de la virtuosité éloquente. Dans le compte rendu d’un concert donné par le pianiste Édouard Risler à la Salle des agriculteurs (18 octobre 1910), Lionel Dauriac écrivait :
« La partie du récital la plus religieusement écoutée en fut aussi la plus intéressante, Risler donnant lecture de la sonate en mi de Vincent d’Indy. Les yeux fixés sur le texte, pour le comprendre et le faire comprendre : il donnait l’impression d’un artiste qui pense et qui cherche ; qui même lorsqu’il trouve, ne laisse pas que de chercher encore, allant toujours plus au fond. C’est un assez beau spectacle et un bel exemple. La récompense ne s’est point fait attendre si c’est, pour un artiste de ce genre, être récompensé, que de rendre intelligible à l’élite, un des textes les plus riches, les plus médités, les plus pensés de la musique de piano contemporaine. Et vraiment, je ne sais quel scrupule m’empêche d’écrire : « de la musique », la musique, tout court. »81
La nécessité de dominer l’ensemble des techniques de traitement des textes, depuis leur édition jusqu’à leur glose écrite ou orale en passant, bien entendu, par leur interprétation en public,accéléra l’émergence de la figure du musicien intellectuel82. Les plus passionnés d’entre eux se transformèrent même en savants philologues, tel Édouard Risler qui contribua pendant la Première Guerre à l’Édition nationale de musique classique en publiant chez Sénart les sonates de Beethoven dans une « édition révisée, annotée et doigtée » en collaboration avec Vincent d’Indy(1916).
Les répercussions de la prise de pouvoir du compositeur sur l’éthique des interprètes sont non moins importantes. Au début du xxe siècle, il était désormais clair que le comble de l’art consisterait pour les musiciens à se rendre invisibles afin de ne pas gêner la relation des auditeurs avec les chefs-d’œuvre qui leur étaient présentés – Adolphe Boschot félicite alors Édouard Risler qui fait entendre aux quatre coins de l’Europe l’intégrale des trente-deux sonates pour piano de Beethoven dans la plus parfaite humilité : « Le plus bel éloge que l’on puisse faire de cet interprète, c’est de constater qu’il se fait oublier lui-même et ne laisse parler que Beethoven. »83
Une technique, longtemps modeste, s’est rapidement retrouvée au cœur de la machine herméneutique : le solfège à travers ses sous-disciplines (lecture, dictée, déchiffrage, etc.) fournit aux musiciens les outils de la restitution littérale des œuvres. Au même moment, les paramètres de la musique étaient stabilisés et standardisés grâce à l’invention du métronome et à la fixation d’un diapason universel. Le monde sonore devint alors un immense ensemble de signes attendant leurs exégètes.
Le basculement du dire au lire frappa les contemporains dès le milieu du xixe siècle. Le critique A. Lemachois écrivait dans le Journal de la Meurthe et des Vosges (22 décembre 1865) à propos du quatuor à cordes de Maurin, Chevillard, Mas et Sabatier alors en tournée à Nancy où ils faisaient apprécier leur « merveilleuse interprétation » des derniers quatuors de Beethoven :
« Beethoven parle une langue que les profanes ne comprennent pas, si les textes ne leur sont expliqués par des maîtres. Eh bien ! les quatre maîtres ont paru ; ils ont lu, en les ponctuant, en les accentuant, en leur donnant l’intonation et la mesure, ces pages savantes du demi-dieu. Ils ont prouvé que si le livre écrit par Beethoven n’avait pas été compris dans toutes ses parties, la faute n’en était pas à Beethoven dont le génie n’avait pu s’égarer. Ils ont convaincu, ils ont charmé. »84
De même que le monde de l’exécution ne sombra pas en un jour, le principe moderne de lecture des textes mit plusieurs décennies pour se mettre en place. Tard dans le siècle, il continue à se commettre beaucoup d’entorses aux nouvelles règles. Lorsqu’on reprend Hamlet d’Ambroise Thomas à l’Opéra de Paris en 1880, la nouvelle Ophélie exige du compositeur qu’on aménage lequatrième acte à ses capacités : « L’air de la folie a été transposé d’un ton pour la belle Marie [Heilbron], m’affirment plusieurs abonnés. – M. Thomas, cependant, refusait cette faveur à toutes les Ophélies passées. – Il y a, paraît-il, certaines grâces d’état. – Le ton est repris ensuite pour le motif de la valse, et délaissé de nouveau pour les couplets qui suivent. – Le trait final est même modifié de façon que la voix de la cantatrice ne dépasse pas le si bémol. – Faiblesse d’autant plus coupable qu’on a toujours refusé, je le répète, tous les changements de ce genre à Daram et aux autres. »85
Les deux régimes (celui de l’exécution et celui de l’interprétation) voisinent jusque dans le dernier tiers du siècle86. Antoine Marmontel peut ainsi écrire dans les années 1870 : « Cramer excellait dans l’interprétation des andantes, et nul virtuose ne disait avec plus de perfection et de charme, les adagios de Mozart. Son exécution se distinguait par une égalité merveilleuse, une indépendance parfaite des doigts aux deux mains. Sa manière de phraser et de faire chanter le piano était un modèle d’expression et de naturel. »87 La confusion des verbes (interpréter, dire, exécuter, phraser) dénote l’âge de Marmontel, né en 1816 et formé par des musiciens ayant vécu sous l’Ancien Régime. À la date de parution de ses Pianistes célèbres (1878), des dizaines d’autres sources attestent de la nette augmentation de l’emploi de la notion d’interprétation et du reflux tout aussi clair de celle d’exécution.
Le projet de cet article était triple. Montrer tout d’abord l’intérêt d’enrichir la philologie de la musique (histoire des signes) par la connaissance des pratiques concrètes des musiciens (histoire de la lecture). Décrire ensuite les deux manières de jouer ou de chanter qui se sont succédées au cours des deux derniers siècles : l’art oratoire (où l’exécutant était maître de son discours) et le savoir-faire herméneutique (où musiciens et auditeurs commentent des textes avec abnégation). Dater précisément, enfin, l’adoption de la pratique moderne (entre 1860 et 1880), ce qui conduit à réfléchir sur la limite de ce qu’on appelle communément « la musique ancienne ». Beaucoup des pièces du répertoire traditionnel (c’est-à-dire les œuvres signées Beethoven, Schubert, Chopin, Rossini, Liszt ou Vieuxtemps) ne gagneraient-elles pas à des exécutions « historiquement informées » après avoir été tant de fois interprétées ?
Notes
1Les travaux sur la question sont rares ; mentionnons l’article suivant même s’il n’est pas encore paru à ce jour (janvier 2014) : Joël-Marie Fauquet, « Exécuter / interpréter. Variations sémantiques sur le thème du maçon et de l’architecte », in Michel Noiray, dir., L’Architecte et le Maçon. Compositeur et exécutant en France du Moyen Âge à nos jours, Paris, CNRS Éditions (mentionné dans : Damien Colas, Florence Gétreau et Malou Haine, dir., Musique, esthétique et société au xixe siècle. Liber amicorum Joël-Marie Fauquet, Wavre, Mardaga, 2007, p. 16).
2BernardCerquiligni, Éloge de la variante. Histoire critique de la philologie, Paris, Le Seuil, 1989 ; PascaleHummel, Histoire de l’histoire de la philologie. Étude d’un genre épistémologique et bibliographique, Genève, Droz, 2000 ; RémyCampos, « Philologie et sociologie de la musique au début du xxe siècle. Pierre Aubry et Jules Combarieu », Revue d’Histoire des Sciences humaines, no 14 (« Musicologie et sciences sociales : rendez-vous manqués ? »), 2006, pp. 19-47.
3Aristide et Louise Farrenc, Le Trésor des pianistes. Collection des œuvres choisies des maîtres de tous les pays et de toutes les époques depuis le xvie siècle jusqu’à la moitié du xixe siècle, accompagnées de notices biographiques de renseignements bibliographiques et historiques, d’observations sur le caractère d’exécution qui convient à chaque auteur, des règles de l’appogiature, d’explications et d’exemples propres à faciliter l’intelligence des divers signes d’agrément…, Paris, Aristide Farrenc, 1861-1872.
4Pour un panorama des performance practice studies : Colin Lawson et Robin Stowell, The Historical Performance of Music. An Introduction, Cambridge, Cambridge University Press, 1999 ; John Butt, Playing with History. The Historical Approach to Musical Performance, Cambridge, Cambridge University Press, 2002, en particulier pp. 3-50 ; Peter Walls, History, Imagination, and the Performance of Music, Rochester, NY, Boydell and Brewer, 2003 ; Danielle Pistone, « De l’interprétation à la critique pianistique d’aujourd’hui », in Danielle Pistone, dir., Pianistes du xxe siècle. Critique, pédagogie, interprétation, Paris, Université de Paris-Sorbonne/Observatoire musical français, 2007, pp. 9-19.
5Rémy Campos, François-Joseph Fétis musicographe, Genève, Droz/Haute École de Musique de Genève, 2013, pp. 468-473.
6Il faut attendre la fin des années 1980 pour que se multiplient les travaux sur l’improvisation instrumentale. Parmi une littérature désormais pléthorique : Frederick Neumann,Ornamentation and Improvisation in Mozart, Princeton, Princeton University Press, 1986 ; John Scott Rink, The Evolution of Chopin’s “Structural Style” and its Relation to Improvisation, thèse, University of Cambridge, 1989, 2 vol. ; Robert D. Levin, « Instrumental Ornamentation, Improvisation and Cadenzas », in Howard Mayer Brown and Stanley Sadie, dir., PerformancePractice. Music after 1600, London, New York, Norton, 1989, pp. 267-291 ; Martin Gellrich, Üben mit Lis(z)t : Wiederentdeckte Geheimnisse aus der Werkstatt der Klaviervirtuosen, Frauenfeld, Waldgut, 1992 ; Robert D. Levin, « Improvised Embellishments in Mozart’s Keyboard Music », in Early Music, vol. 20, no 2, 1992, pp. 221-233 ; Jean-Pierre Dambricourt, dir., L’Improvisation musicale en question. Actes du Colloque international de l’Université de Rouen les 16, 17 et 18 mars 1992, Rouen, Université de Rouen, 1994 ; Valerie Woodring Goertzen, « By the Way of Introduction : Preluding by 18th and Early 19th Century Pianists », in The Journal of Musicology, t. xiv, no 3, 1996, pp. 299-337 ; Odile Jutten, L’Enseignement de l’improvisation à la classe d’orgue du Conservatoire de Paris (1819-1986) d’après la thématique de concours et d’examens, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2001, 2 vol. ; Angela Esterhammer, Romanticism and Improvisation, 1750-1850, Cambridge, Cambridge University Press, 2008 ; Gabriel Solis et Bruno Nettl, dir., Musical Improvisation. Art, Education, and Society, Champaign, University of Illinois Press, 2009 ; Martin Edin, « Cadenza Improvisation in Nineteenth-Century Solo Piano Music According to Czerny, Liszt and Their Contemporaries », in Rudolf Rasch, dir., Beyond the Notes. Improvisation in Western Music of the Eighteenth and Nineteenth Centuries, Turnhout, Brepols, 2011, pp. 163-183 ; Steven Young, « Practical Improvisation. The Art of Louis Vierne », in Rudolf Rasch, dir., Beyond the Notes. Improvisation in Western Music of the Eighteenth and Nineteenth Centuries, Turnhout, Brepols, 2011, pp. 185-190 ; Siebgert Rampe, « Improvisation bei Beethoven », in Musik Theorie. Zeitschrift für Musikwissenschaft, 26e année, vol. 2, 2011, pp. 103-122. Pour les chanteurs, voir la bibliographie indiquée plus loin.
7William Weber, « Did people listen in the xviiith Century ? », in Early Music, vol. 25, no 4, novembre 1997, pp. 678-691.
8Parmi une littérature désormais abondante : Leon Botstein, « Listening through Reading : Musical Literacy and the Concert Audience », in 19th-Century Music, vol. 16, no 2, 1992, pp. 129-145 ; James H. Johnson, Listening in Paris. A Cultural History, Berkeley, University of California Press, 1995 ; Rob C. Wegman, dir., « Music as Heard » [numéro spécial], in Musical Quarterly, vol. 82, nos 3-4, 1998 ; Peter Szendy, Écoute, une histoire de nos oreilles, Paris, Éditions de Minuit, 2001 ; Rémy Campos, « Aimer Beethoven. Les années d’apprentissage d’Henri-Frédéric Amiel, amateur de musique genevois (1840-1860) », in Revue de musicologie, t. lxxxviii, no 1, 2002, pp. 9-42 ; Eric Clarke, « Listening to Performance », in John Rink, dir., Musical Performance : A Guide to Understanding, Cambridge, Cambridge University Press, 2002, pp. 185-196 ; Antoine Hennion, « L’écoute à la question », in Revue française de Musicologie, t. lxxxviii, no 1, 2002, pp. 95-149 ; Richard Leppert, « The Social Discipline of Listening », in Hans Erich Bödeker, Patrice Veit et Michael Werner, dir., Le Concert et son public. Mutations de la vie musicale en Europe de 1780 à 1914 (France, Allemagne, Angleterre), Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, 2002, pp. 459-484 ; Matthew Riley, « Johann Nikolaus Forkel on the Listening Practices of ”Kenner” and ”Liebhaber” », in Music & Letters, vol. 84, no 3, 2003, pp. 414-433 ; Andrew Dell’Antonio, Beyond Structural Listening? Postmodern Modes of Hearing, Berkeley, University of California Press, 2004 ; Matthew Riley, Musical Listening in the German Enlightenment: Attention, Wonder and Astonishment, Aldershot, Ashgate Publishing Limited, 2004 ; Mark Evan Bond, Music as Thought. Listening to the Symphony in the Age of Beethoven, Princeton, Princeton University Press, 2006 ; Nicolas Donin, « Pour une « écoute informée » de la musique contemporaine : quelques travaux récents », in Circuit. Musiques contemporaines, vol. 16, no 3, 2006, pp. 51-64 ; Martin Kaltenecker, L’Oreille divisée. Les discours sur l’écoute musicale aux xviiie etxixe siècles, Paris, Éditions MF, 2011 ; Rémy Campos, « Paul Scudo contre Richard Wagner : autopsie d’une oreille réactionnaire », in Luca Sala, dir., The Legacy of Richard Wagner. Convergences and Dissonances in Aesthetics and Reception, Turnhout, Brepols, 2012, pp. 53-75.
9Lothaire Mabru, « Des postures musiciennes », in Ethnologie française, t. xxv, no 4, 1995, pp. 591-606 ; « De l’écriture du corps dans les pratiques musicales à transmission « orales » : le cas du fifre en Bazadais », in N. Belmont et J.-F. Gossiaux, dir., De la voix au texte. L’ethnologie contemporaine entre l’oral et l’écrit, Paris, Editions du C.T.H.S., 1997, pp. 49-59 ; « Donner à voir la musique : les techniques du corps des violonistes », in Musurgia, analyses et pratiques musicales,vol. 6, no 2, 1999, pp. 29-47 ; « Vers une culture musicale du corps », in Cahiers de musiques traditionnelles, no 14, « Le geste musical », Genève, Ateliers d’ethnomusicologie, 2001, pp. 95-110.
10Par exemple : Richard Leppert, The Sight of Sound. Music, Representation and the History of the Body, Berkeley, University of California Press, 1993 ; Paul Metzner, Crescendo of the Virtuoso. Spectacle, Skill, and Self-Promotion in Paris during the Age of Revolution (Studies on the History of Society and Culture), Berkeley, University of California Press, 1998 ; Sarah R. Cohen, Art, Dance and the Body in French Culture of the Ancien Régime, Cambridge, Cambridge University Press, 2000 ; Bruce W. Holsinger, Music, Body and Desire in Medieval Culture. Hildegard of Bingen to Chaucer, Stanford, Stanford University Press, 2001 ; Anthony Gritten et Elaine King, dir., Music and Gesture, Aldershot, Ashgate, 2006 ; Vernon Alfred Howard, Charm and Speed. Virtuosity in the Performing Arts, New York, Peter Lang, 2008.
11Florence Gétreau a consacré plusieurs articles au sujet : « Les images de pianistes en France, 1780-1820 », in Musique-Images-Instruments, no 11 (« Le Pianoforte en France 1780-1820 »), 2009, pp. 136-149 ; « Retour sur les portraits de Mozart au clavier : un état de la question », in Thomas Steiner, dir., Cordes et claviers au temps de Mozart. Strings and Keyboard in the Age of Mozart, Berne, Peter Lang, 2010, pp. 73-112 ; « Corps, mains et visages de musiciens sous les crayons de Watteau », in Florence Raymond, dir., Antoine Watteau (1684-1721). La Leçon de musique, Bruxelles, Bozar Books, Hannibal, 2013, pp. 39-43.
12Par exemple : Roger Chartier, Lectures et lecteurs dans la France d’Ancien Régime, Paris, Le Seuil, 1987 (pour le chapitre 5 : « Du livre au lire. Les pratiques citadines de l’imprimé, 1660-1780 », pp. 165-221) ; Roger Chartier, dir., Pratiques de la lecture, Paris, Payot et Rivages, 1993 [1985 pour la 1re éd.] (pour le chapitre : « Du livre au lire », pp. 79-113) ; Roger Chartier, dir., Histoires de la lecture. Un bilan des recherches. Actes du colloque des 29 et 30 janvier 1993, Paris, Paris, IMEC Éditions/Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, 1995 ; Roger Chartier, Culture écrite et société. L’Ordre des livres (xive-xviiie siècles), Paris, Albin Michel, 1996.
13Michel de Certeau, L’Invention du quotidien. 1. Arts de faire, Paris, Gallimard, 1980.
14« L’appropriation telle que nous l’entendons vise une histoire sociale des usages et des interprétations, rapportées à leurs déterminations fondamentales et inscrits dans les pratiques spécifiques qui les produisent [une note renvoie ici à L’Écriture de l’histoire de Michel de Certeau]. Donner ainsi attention aux conditions et aux processus qui, très concrètement, portent les opérations de construction du sens (dans la relation de lecture mais dans bien d’autres également) est reconnaître, contre l’ancienne histoire intellectuelle, que ni les intelligences ni les idées ne sont désincarnées, et, contre les pensées de l’universel, que les catégories données comme invariantes, qu’elles soient philosophiques ou phénoménologiques, sont à construire dans la discontinuité des trajectoires historiques » (Roger Chartier, Au bord de la falaise. L’Histoire entre certitudes et inquiétudes, Paris, Albin Michel, 1998, p. 74 – reprise de : Roger Chartier, « Le monde comme représentation », Annales ESC, novembre-décembre 1989, pp. 1505-1520). L’art du bricolage ou du braconnage, pour reprendre deux notions formulées par Michel de Certeau (Michel de Certeau, L’Invention du quotidien…, op. cit., p. xxxix et p. xlix [éd. 1990]) est une notion que les historiens de la lecture ont utilisée pour insister sur la créativité des formes d’appropriation de l’écrit (RogerChartier, « Lectures “populaires” », Culture écrite et société. L’Ordre des livres (xive-xviiie siècles), Paris, Albin Michel, 1996, p. 215).
15Voir en particulier : Kate Van Orden, dir., Music and the Cultures of Print, New York, London, Garland Publishing, Inc., 2000 (le livre contient un article de Roger Chartier : « Afterword : Music in Print », pp. 325-341).
16« 1782, 17 Mars », Almanach musical pour l’année mil sept cent quatre-vingt-trois, Paris, Au Bureau de l’Abonnement littéraire, 1783, pp. 169-179.
17Henri Blanchard, « De l’improvisation musicale : Théodore Stein. – Piétro Cavallo. – Schwencke »,in Revue et Gazette musicale de Paris, 9 septembre 1855, p. 276.
18Rémy Campos et Aurélien Poidevin, La Scène lyrique autour de 1900, Paris, L’Œil d’or, 2012, pp. 153-192.
19Ludwig Spohr, « Rom, den 19. Dezember [1816] », in Lebenserinnerungen. Erstmals ungekürzt nach den autographen Aufzeichnungen herausgegeben von Folker Göthel, Tutzing, Hans Schneider, 1968, vol. 1, p. 296. Sur l’improvisation collective : John Spitzer et Neal Zaslaw, « Improvised ornamentation in eighteenth-century orchestras », Journal of the American Musicological Society, vol. 39, no 3, 1986, p. 524-577.
20Rémy Campos, « Jouer ensemble : une mutation des pratiques orchestrales dans la première moitié du xixe siècle », in Intermédialités. Histoire et théorie des lettres, des arts et des techniques, no 19, 2012, pp. 25-44 ; Rémy Campos, « La répétition d’orchestre : d’un objet historique inédit à de nouvelles pratiques musicales », in Roberto Illiano et Michela Niccolai, dir., Orchestral Conducting in the Nineteenth Century, Turnhout, Brepols, à paraître.
21Carl Czerny, Systematische Anleitung zum fantasierenauf dem Pianoforte von Carl Czerny. 200tes Werk, Vienne, Diabelli, [1829] ; Charles Czerny, L’Art d’improviser mis à la portée des pianistes par Charles Czerny. Œuvre 200, Paris, Schlesinger, [1829].
22Frederick Neumann,Ornamentation and Improvisation in Mozart, Princeton, Princeton University Press, 1986 ; Robert D. Levin, « Instrumental Ornamentation, Improvisation and Cadenzas », in Howard Mayer Brown and Stanley Sadie, dir., Performance Practice. Music after 1600, London, New York, Norton, 1989, pp. 267-291 ; Robert D. Levin, « Improvised Embellishments in Mozart’s Keyboard Music », Early Music, vol. 20, no 2, 1992, pp. 221-233 ; Martin Edin, « Cadenza improvisation in nineteenth-century solo piano music according to Czerny, Liszt and their contemporaries », in Rudolf Rasch, dir., Beyond the Notes. Improvisation in Western Music of the Eighteenth and Nineteenth Centuries, Turnhout, Brepols, 2011, pp. 163-183.
23Sur les anciennes techniques d’improvisation au clavier : Paul Collins, The Stylus Phantasticus and Free Keyboard Music of the North German Baroque, Ashgate, 2005 ; Jean-Pierre Bartoliet Jeanne Roudet, L’Essor du romantisme. La fantaisiepour clavier de Carl Philipp Emanuel Bach à Franz Liszt, Paris, Vrin, 2013.
24Valerie Woodring Goertzen, « By the way of introduction : preluding by 18th and early 19th century pianists », The Journal of Musicology, t. xiv, no 3, 1996, pp. 299-337.
25Charles Czerny, L’Art d’improviser…, op. cit., p. 3.
26Lettre de Louis Lacombe à Jacques-Léopold Heugel, 23 avril 1861 (reproduite dans : Danièle Pistone, Heugel et ses musiciens. Lettres à un éditeur parisien, Paris, PUF, 1984, p. 25).
27Sur ce sujet : Austin B. Caswell, « Mme Cinti-Damoreau and the embellishment of italian opera in Paris, 1820–1845 », in Journal of American Musicological Society, vol. 28, 1975, pp. 459-492 ; Will Crutchfield, « Vocal ornamentation in Verdi : the phonographic evidence », in 19th Century Music, vol. 7, no 1, 1983-1984, pp. 3-54 ; Damien Colas, Les Annotations de chanteurs dans les matériels d’exécution des opéras de Rossini à Paris (1820-1860) : contribution à l’étude de la grammaire mélodique rossinienne, thèse, Tours, Université François Rabelais, 1997, 4 vol. ; Hilary Poriss, Changing the Score. Arias, Prima Donnas, and the Authority of Performance, Oxford, Oxford University Press, 2009 ; Damien Colas, « Improvvisazione e ornamentazione nell’opera francese e italiana di primo Ottocento », in Rudolf Rasch, dir., Beyond the Notes…, op. cit., pp. 255-276 ; Laura Moeckli, « “Abbelimenti o fioriture”. Further evidence of creative embellishment in and beyond the rossinian repertoire », in Rudolf Rasch, dir., Beyond the Notes…, op. cit., pp. 277-294 ; Naomi Matsumoto, « Manacled freedom. Nineteenth-century vocal improvisation and the flute-accompanied cadenza in Gaetano Donizetti’s Lucia di Lamermoor », in Rudolf Rasch, dir., Beyond the Notes…, op. cit., pp. 295-316.
28Martin Kaltenecker, « À propos du contexte philosophique et physiologique du paradigme rhétorique au xviiie siècle », in Revue de Musicologie, t. xcv, no 1, 2009, pp. 65-96.
29George Barth, The Pianist as Orator. Beethoven and the Transformation of Keyboard Style, Ithaca, Cornell University Press, 1992 ; Robert Toft, Expressive Singing in England, 1780-1830, Oxford, Oxford University Press, 2000.
30 JimSamson, « The Great Composer », in JimSamson, éd., The Cambridge History of Nineteenth-Century Music, Cambridge, Cambridge University Press, 2002, pp. 259-284 ; Rémy Campos, « L’analyse musicale en France au xxe siècle : discours, techniques et usages », in Rémy Campos et Nicolas Donin, dir., L’Analyse musicale, une pratique et son histoire, Genève, Droz/hem – Conservatoire de Musique de Genève, 2009, pp. 353-451.
31C’est à l’opéra que la question a été le mieux étudiée ; voir par exemple : Lorenzo Bianconi et Giorgio Pestelli, dir., Storia dell’opera italiana, Torino, EDT/Musica, 1987 (vol. 4) et 1988 (vol. 5 et 6) ; Philip Gossett, Divas and Scholars. Performing Italian Opera, Chicago, University of Chicago Press, 2006.
32Charles Soullier, Nouveau dictionnaire de musique illustré élémentaire, théorique, historique, artistique, professionnel et complet À l’usage des jeunes Amateurs, des Professeurs de Musique, des Institutions et des Familles Dédié à M. Halévy Professeur de Composition au Conservatoire de Musique, Membre de l’Institut de France, Secrétaire perpétuel de l’Académie des Beaux-Arts, etc., etc. par Charles Soullier, Paris, E. Bazault, 1855, p. 120.
33Castil-Blaze, Dictionnaire de musique moderne par M. Castil-Blaze, Paris, Au Magasin de musique de la Lyre moderne, 1821, vol. 1.
34Ibid.
35Rémy Campos, François-Joseph Fétis musicographe, op. cit., pp. 490-493.
36Rémy Campos, « Aimer Beethoven. Les années d’apprentissage d’Henri-Frédéric Amiel, amateur de musique genevois (1840-1860) », in Revue de musicologie, tome lxxxviii, no 1, 2002, pp. 9-42.
37William Weber, The Rise of Musical Classics in Eighteenth-Century England. A Study in Canon, Ritual, and Ideology, Oxford, Oxford University Press, 1992 ; Simon McVeigh, Concert Life in London from Mozart to Haydn, Cambridge, Cambridge University Press, 1993 ; WilliamWeber, « The history of the musical canon », in Nicholas Cook et Mark Everist, dir., Rethinking Music, Oxford, Oxford University Press, 1999, pp. 336-355 ; WilliamWeber, The Great Transformation of Musical Taste. Concert Programming from Haydn to Brahms, Cambridge, Cambridge University Press, 2008 ; Ian Taylor, MusicinLondonandtheMythofDecline. From Haydn to thePhilharmonic, Cambridge, Cambridge University Press, 2010.
38« Correspondance particulière. Londres, 20 mars 1837 », Revue et Gazette musicale de Paris, 26 mars 1837, p. 106.
39Rémy Campos, « Paul Scudo contre Richard Wagner : autopsie d’une oreille réactionnaire », in Luca Sala, dir., The Legacy of Richard Wagner. Convergences and Dissonances in Aesthetics and Reception, art. cit.
40Rémy Campos, François-Joseph Fétis musicographe, op. cit., pp. 394-400.
41Denis Thouard, dir., Critique et herméneutique dans le premier romantisme allemand, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 1996 ; Ian Bent, « Plato-Beethoven : a hermeneutic for nineteenth-century music ? », in Ian Bent, éd., Music Theory in the Age of Romanticism, Cambridge, New York, Cambridge University Press, 1996, pp. 119-120.
42Émile Littré, Dictionnaire de la langue française… par É. Littré de l’Académie française, Librairie Hachette et Cie, 1873, vol. 3, p. 136.
43Thérèse Wartel, Leçons écrites sur les sonates pour piano seul de L. van Beethoven par Madame Th. Wartel, Paris, E. et A. Girod, 1865.
44Ibid., p. iv.
45Ibid., p. vi.
46Ibid., p. vii.
47Ibid., p. x.
48Ibid.
49Ibid., p. xi.
50Sur les différents types de discours analytiques au xixe siècle, voir : Ian Bent, éd., Music Analysis in the Nineteenth Century, Cambridge, Cambridge University Press, 1994, 2 vol. (Volume One. Fugue, Forme and Style ;Volume Two. Hermeneutic Approaches).
51Ibid., p. 80.
52Wilhelm Jerger, éd., The Piano Master Classes of Franz Liszt, 1884-1886. Diary Notes of August Göllerich, Bloomington, Indiana University Press, 1996 ; Rémi Jacobs, « Alfred Cortot, inventeur des “masterclasses” publiques ? », in Cécile Reynaud et Herbert Schneider, dir., Noter, annoter, éditer la musique. Mélanges offerts à Catherine Massip, Genève, Droz, 2012, pp. 621-628.
53Amy Dommel-Diény, De l’analyse harmonique à l’interprétation. Avant-propos de Marc Pincherle, Neuchâtel, Delachaux & Nestlé S. A., 1958.
54Jacques Chailley, Traité historique de l’analyse musicale par Jacques Chailley, Professeur au Conservatoire National de Musique, Préface de Nadia Boulanger, Professeur au Conservatoire National de Musique, Paris, Alphonse Leduc, 1951 ; sur la nature de cet ouvrage, voir : Rémy Campos, « L’analyse musicale en France au xxe siècle : discours, techniques et usages », in Rémy Campos et Nicolas Donin, dir., L’Analyse musicale, une pratique et son histoire, Genève, Droz/hem – Conservatoire de Musique de Genève, 2009, pp. 364-370.
55Marc Pincherle, « Avant-propos », in Amy Dommel-Diény, De l’analyse harmonique à l’interprétation…, op. cit., p. 7.
56Amy Dommel-Diény, De l’analyse harmonique à l’interprétation…, op. cit., p. 9.
57Ibid., p. 44.
58Rémy Campos et Nicolas Donin, « La musicographie à l’œuvre : écriture du guide d’écoute et autorité de l’analyste à la fin du xixe siècle », in Acta musicologica, vol. 77, no 2, 2005, pp. 151-204 ; Rémy Campos et Nicolas Donin, « Wagnérisme et analyse musicale. L’émergence de nouvelles pratiques savantes de lecture et d’écoute en France à la fin du xixe siècle », in Rémy Campos et Nicolas Donin, dir., L’Analyse musicale, une pratique et son histoire, Genève, Droz/hem – Conservatoire de Musique de Genève, 2009, pp. 35-80 ; Christian Thorau, « Guides for wagnerites : Leitmotifs and wagnerian listening », in Thomas S. Grey, Richard Wagner and his World, Princeton, Oxford, Princeton University Press, 2009, pp. 133-150.
59Article de L’Indépendance cité dans : « Le Prophète, apprécié par la presse bruxelloise », in Le Diapason. Revue musicale de Bruxelles, 12 septembre 1850, p. 128.
60Ibid., p. 129.
61Marcel Dupré, Marcel Dupré raconte… Préface d’Emmanuel Bondeville, Secrétaire Perpétuel de l’Académie des Beaux-Arts, Paris, Éditions Bornemann, 1972, p. 112.
62Sophie Maisonneuve, « ”L’art d’écouter la musique”. Les commentaires discographiques des années 1910 à 1950 : genèse et paradigmes d’une nouvelle pratique analytique », in Nicolas Donin, dir., L’Analyse musicale, une pratique et son histoire, Genève, Droz/hem – Conservatoire de Musique de Genève, 2009, pp. 241-276.
63Yannick Simon, « Les Jeunesses musicales de France », in Myriam Chimènes, dir., La Vie musicale sous Vichy, Paris, Éditions Complexe, 2001, pp. 203-215.
64Jean Binot, « Préface », in Jean Ruault, Commentaires d’œuvres musicales. Premier cycle d’initiation à la musique (56 Disques). Suivi d’une méthode d’enseignement musical sur les thèmes des œuvres commentées. Préface de Jean Binot, Paris, Éditions Bourrelier, 1952, p. 3.
65Ibid., p. 6. « En outre, les enfants auront intérêt à entendre plusieurs fois les œuvres commentées, afin de les mieux connaître. De temps à autre, des séances seront donc organisées, qui leur permettront d’apprécier davantage ces belles pages musicales. Chaque trimestre, on prévoira également une “audition-surprise”, au cours de laquelle des fragments d’œuvres déjà présentées devront être reconnus par les enfants » (ibid., p. 7).
66Pierre Levesque et Jean-Louis Beche, Solfèges d’Italie avec la basse chiffrée composés par Leo, Durante, Hasse, Scarlatti, Porpora, Mazzoni, Caffaro, David Perez, etc. recueillis et mis en ordre par MM. Lévèque et Bèche, Paris, Leduc, 1772. L’ouvrage connaîtra de nombreuses rééditions jusqu’au début du xixe siècle.
67Rémy Campos, François-Joseph Fétis musicographe, op. cit., pp. 556-563.
68Rémy Campos, François-Joseph Fétis musicographe, op. cit., pp. 483-493.
69Camille Saint-Saëns, « Conseils pour l’étude du piano », in Le Monde musical, 8 février 1899, p. 53 [repris dans : Marie-Gabrielle Soret, éd., Camille Saint-Saëns. Écrits sur la musique et les musiciens 1870-1921, Paris, Vrin, 2012, p. 545].
70« 1782, 17 Mars », in Almanach musical pour l’année mil sept cent quatre-vingt-trois, op. cit., p. 176.
71[François-Joseph Fétis], « Nouvelles de Paris. Concert de l’École royale de musique. Quatrième concert et concert spirituel », in Revue musicale, 10 avril 1830, pp. 311-312.
72Jules Combarieu, « Le vandalisme musical », in Congrès international d’histoire de la musique tenu à Paris à la Bibliothèque de l’Opéra du 23 au 29 juillet 1900 (viie section du Congrès d’histoire comparée). Documents, mémoires et vœux publiés par les soins de M. Jules Combarieu... délégué par le comité du congrès, Solesmes, 1901, pp. 298-305 ; « Le vandalisme musical (Séance du Sénat du 25 mars 1905) », in Revue musicale, 15 avril 1905, pp. 227-228 ; Jules Combarieu, « Cours du Collège de France. Le vandalisme musical. (Leçon du jeudi 6 avril, d’après une sténographie) », in La Revue musicale, 1er mai 1905, pp. 256-265. Sur la question du vandalisme musical : Rémy Campos, François-Joseph Fétis musicographe, op. cit., pp. 277-321.
73Charles Darcours, « Opéra. Reprise des Huguenots », in Le Figaro, 28 avril 1875.
74Henri Chabrillat, « Théâtres », in Le Salut, 13 novembre 1871.
75Marguerite Long, « Conseils de Debussy », in La Revue internationale de musique, avril 1939, p. 889.
76Lazare-Lévy, « La fièvre interprétative », in La Revue internationale de musique, avril 1939, p. 897.
77Philip Stuart, Igor Stravinsky. The Composer in the Recording Studio. A Comprehensive Discography, New York Greenwood Press, 1991 ; Nicholas Cook, « Stravinsky Conducts Stravinsky », in Jonathan Cross, dir., The Cambridge Companion to Stravinsky, Cambridge, Cambridge University Press, 2003, pp. 176-191.
78Paul Locard, « Sur les trente-deux Sonates de Beethoven. À propos des Concerts Risler. Suite », in Le Courrier musical, 15 janvier 1906, p. 52.
79Jules Combarieu, « Francis Planté (au Conservatoire et à la salle Érard) », in Revue d’histoire et de critique musicales, mai 1902, p. 194.
80Will Crutchfield, « Vocal ornamentation in Verdi : the phonographic evidence », in 19th Century Music, art.cit.
81Le Monde musical, 30 octobre 1910 (cité dans : Gilles Saint-Arroman, Édouard Risler (1873-1929) et la musique française, Paris, Honoré Champion, 2008, p. 191).
82Le seul travail d’envergure sur ce thème s’est concentré sur le cas des compositeurs : Jane Fulcher, The Composer as Intellectual. Music and Ideology in France 1914-1940, Oxford, Oxford University Press, 2005.
83Adolphe Boschot, « Risler. Un interprète de Beethoven », in Chez les musiciens (du xviiie siècle à nos jours). Deuxième série, Paris, Librairie Plon, 1924, p. 207.
84Article cité dans : Joseph d’Ortigue, « Musique de chambre », in Le Ménestrel, 8 janvier 1865, p. 45.
85Panserose, « Paris la nuit », in L’Événement, 14 février 1880.
86Le témoignage le plus explicite d’une conscience du passage de l’une à l’autre notion se trouve dans les souvenirs de Léon Escudier : « Ce n’est pas tout. Il y a la grande question de l’exécution, de cette exécution qu’on a élevée, à juste titre, au rang d’interprétation, tant il est vrai que le talent, l’intelligence, le goût des exécutants y jouent un rôle capital. / Interprétation, en effet, c’est le mot qui convient le mieux à l’exécution d’un ouvrage musical ; car c’est à l’artiste de comprendre la pensée des musiciens et de la transmettre à l’auditeur ; c’est lui qui doit traduire par la voix ou l’instrument cette pensée écrite, en deviner l’expression, en saisir le coloris, les nuances, en faire valoir la beauté ; être, en un mot, l’interprète de l’intention du compositeur. / Aussi l’artiste est-il le véritable collaborateur du musicien » (Léon Escudier, « Mes Souvenirs. Deuxième volume. L’Exécution musicale », in L’Art musical, 2 juillet 1863, p. 243).
87Antoine Marmontel, Les Pianistes célèbres. Silhouettes et médaillons par A. Marmontel, Professeur au Conservatoire, Paris, Imprimerie centrale des chemins de fer / A Chaix et Cie, 1878, p. 132.